Modèles conceptuels des départements d’urgence

Modèles conceptuels des départements d’urgence

Comme tout organisme qui offre un produit, bien ou service, le département d’urgence est un ensemble de processus qui consomme des ressources pour répondre à une demande de soins. Il doit interagir avec des éléments externes et internes à l’hôpital selon des logiques et pratiques très réglementées. S’offrir des lignes directrices sur comment analyser le problème de surpopulation des départements d’urgence est une tâche très complexe. Dans cette optique, plusieurs auteurs ont développé des modèles conceptuels des départements d’urgence, ce qui représente une étape nécessaire et primordiale.

Modèles avec partition en trois composantes

L’objectif d’un modèle avec partition en trois composantes est de fournir un cadre pratique sur lequel un programme organisé de recherche, de politique et de gestion des opérations peut être élaboré pour atténuer la surpopulation des départements d’urgence. Asplin et al. (2003) proposent, dans leur démarche, un modèle conceptuel à trois types de composantes soit; processus d’entrée, processus de passage et processus de sortie.

Dans ce modèle conceptuel, les composantes d’entrée incluent toute condition, événement ou caractéristique du système qui contribue à la demande des services du département d’urgence. Les composantes de passage du modèle identifient la durée de séjour du patient dans le département d’urgence comme un facteur potentiel contribuant à la surpopulation du département d’urgence. Enfin, la composante de sortie se résume par l’orientation des patients du département d’urgence. La raison la plus souvent citée pour la surpopulation du département d’urgence est l’incapacité de déplacer des patients admis du département d’urgence à un lit d’hospitalisation.

De même, Hoot et al. (2009) et, à la suite d’une revue de 93 travaux, classent les facteurs de surpopulation des départements d’urgence en trois catégories, soit les facteurs d’entrée comme les patients non urgents et les périodes d’épidémie, les facteurs de passage comme l’utilisation inappropriée des ressources et les facteurs de sortie comme la non disponibilité des lits d’hospitalisation .

Département d’urgence comme une entité d’une chaîne de santé

Broyles et Cochran (2011) intègrent les départements d’hospitalisation au département d’urgence dans le problème de l’amélioration des files d’ attente. Leur méthodologie consiste à voir l’hôpital comme des files d’attente markoviennes à deux multiserveurs en série . Au Canada, 60 % des patients hospitalisés proviennent de l’urgence (Canadian Institute for Health Information, 2008) alors qu’au Québec, 64%, soit 2 patients sur 3 qui sont hospitalisés, proviennent de l’urgence. (Commissaire à la santé et au bien-être, 2014). Les patients électifs qui sont hospitalisés et dont l’hospitalisation est souvent planifiée représentent le tiers des patients hospitalisés.

Approche systémique 

Un système est, par défInition, un ensemble d’éléments ou de sous-systèmes interdépendants, organisés pour atteindre un ou des objectifs et dont l’état varie dans le temps. Un système ouvert est un système en interaction avec d’autres systèmes externes. L’approche systémique pour l’amélioration des opérations des départements d’urgence devient nécessaire puisqu’elle illustre l’interdépendance des composants internes et externes aux établissements de soins (Marty, 2003) .

Les défis des gouvernements et ministères de santé consiste à ce que chaque composante du réseau de santé d’un territoire, y compris le département d’urgence lui-même, se voit comme partie intégrante d’un tout. Ce concept permet d’établir des liens essentiels au bon fonctionnement des activités, de mieux détecter les effets à court et à long termes, des changements ou ajustements amenés par la participation de chaque composante du réseau. Ce concept permet aussi de déterminer les éléments susceptibles d’améliorer les problèmes décelés. De plus, dans la mesure où la finalité des actions est bien définie, cette approche peut faire apparaître entre les partenaires une nouvelle dynamique favorisant l’amélioration des interactions et l’atteinte des résultats visés (AQESS, 2006).

Un système « Job-Shop », « Push » ou « Pull »? 

À première vue, le fonctionnement du département d’urgence pourrait être comparé au fonctionnement selon le principe « Job-Shop »(Aik Tan, Gubaras et Phojanamongkolkij, 2002) où différents travaux doivent visiter différents postes de travail en fonction de leurs procédés de fabrication. À la suite de l’augmentation de quelques ressources considérées goulots d’étranglement, le temps d’attente des produits pourraient être réduits. Cependant, le goulot d’étranglement pourrait être déplacé vers une autre station qui dispose d’un nombre minimal de ressources pour gérer le trafic et risque d’augmenter le temps de passage global.

Dans un environnement « Push », la planification de la production s’adapte à la réalité de la ligne de production. Ceci peut entraîner un excès d’inventaire et d’efficacité des processus; la production des biens se fait en surplus de la demande réelle des clients. Le concept fondamental de production « Pull » est le concept de production en réponse à la demande réelle des clients ou de réapprovisionnement des stocks de manière contrôlée en fonction de la consommation de produits du client. Le processus de soin dans un département d’urgence s’apparente comme un processus « Pull »et non « Push », puisque l’expression du besoin de soins par le patient déclenche le processus de soin associé. Néanmoins, les départements d’urgence souffrent d’un manque de flexibilité de ses processus pour répondre à la diversité de ces demandes de soin (Lynn et Kellermann, 1991).

Le département d’urgence: un système complexe 

Les premières caractérisations de la complexité ont émergé de la physique (par exemple, la théorie du chaos, la complexité du réseau), de l’informatique, de l’économie, de la biologie et de la philosophie (Auyang, 1999). D’autres caractérisations connexes ont décrit la complexité découlant de la nature des problèmes par rapport à leurs solutions. Les disciplines scientifiques plus récentes se sont appropriées et ont adapté les caractéristiques de la complexité à leurs domaines d’études. Bien qu’il existe un chevauchement considérable parmi les nombreuses définitions, un désaccord important persiste sur la notion de complexité et la nature de la science de la complexité (Phelan, 2001).

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La théorie de la complexité a été utilisée pour étudier différents aspects des soins de santé, y compris la gestion (Plsek et Greenhalgh, 2001), la continuité des soins (Strumberg et Schattner, 2001), les soins infirmiers (MacDonald, 2004) et la prise de décision (Clancy et Delaney, 2005). Par exemple, Bar-Yam (2006) a construit son analyse de l’ensemble du système de santé américain autour d’une définition organisationnelle de la complexité, dans laquelle des organisations complexes (telles que celles engagées dans la pratique de la santé) se distinguent par leurs tâches désignées. Ces tâches étaient nombreuses, diverses et réalisées par des individus uniques. En revanche, Innes, Campion et Griffiths (2005) ont considéré la consultation individuelle du patient comme leur unité d’analyse et ont souligné les caractéristiques de cette rencontre qui étaient analogues à celles exposées par des systèmes adaptatifs complexes, tels que la non-linéarité (conduisant à l’incertitude) et l’adaptation à l’influence des organismes extérieurs (Phelan, 2001). La plupart des travaux antérieurs sur la complexité des soins de santé sont descriptifs et offrent des connaissances limitées aux chercheurs et aux praticiens sur la façon d’étudier et de comprendre les systèmes complexes.

De nombreuses fonctionnalités uniques à un service d’urgence aident à en faire un bon exemple d’un système complexe. La complexité existe dans pas moins de quatre dimensions: le patient, le médecin, la prise de décision clinique et la totalité de l’environnement (Smith et Feied, 1999).

Le département d’urgence, comme tout élément du système hospitalier, possède plusieurs caractéristiques des systèmes complexes : le travail est intrinsèquement collaboratif et dépend des relations au sein des équipes de cliniciens divers et entre eux, allant des médecins aux infirmières. Les décisions dans l’unité sont influencées par les résultats des tests radios, tests sanguins, les relations entre techniciens et professionnels, les interactions avec les unités externes; y compris les relations avec d’autres unités hospitalières, les services sociaux, les familles des patients et, parfois, les organismes locaux d’application de la loi. En conséquence, l’infonnation qui soutient la prise de décision dans ce contexte provient d’un réseau hautement interconnecté d’agents diversifiés.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Gestion des opérations: département d’urgence vs industrie
1.2 Modèles conceptuels des départements d’urgence
1.2.1 Modèles avec partition en trois composantes
1.2.2 Département d’urgence comme une entité d’une chaîne de santé
1.2.3 Approche systémique
1.2.4 Un système « Job-Shop », « Push »ou « Pull »?
1.2.5 Le département d’urgence: un système complexe
1.3 Système d’information dans le département d’urgence
1.4 Système de décision dans le département d’urgence
1.5 Communication au sein du département d’urgence
1.6 Mesures de performance pour le département d’urgence
1. 7 Modèles de prévision des visites aux urgences
1. 7.1 Prévision des visites aux urgences: analyses des séries chronologiques
1.7.2 Prévision des visites aux urgences: utilisation de sources d’informations connexes
1.8 Modèle de prévision des nombres des patients admis
1.8.1 Prévision du nombre de patients admis: analyse des séries chronologiques
1.8.2 Prévision du nombre de patients admis: opinion des professionnels de la santé
1.9 MRP et planification des besoins en ressources hospitalières
1.10 Amélioration des flux de patients aux départements d’urgence
1.10.1 Amélioration des flux des patients comme un problème de files d’attente
1.10.2 L’amélioration des temps d’attente par une réingénierie des processus de l’hôpital et la philosophie Lean
1.11 Modélisation et simulation des départements d’urgence
1.12 Conclusion de la revue de la littérature
CHAPITRE 2 – MÉTHODOLOGIE
2.1 Méthodologie adoptée
2.2 Modélisation des visites aux urgences et admission aux unités de soins
2.3 Nomenclature stochastique ou trajectoire des patients aux urgences
2.4 Sensibilité des indicateurs des performances aux divers scénarios d’amélioration
2.5 Sources des données
CHAPITRE 3 – PRÉVISIONS DES DEMANDES DE SOINS AUX URGENCES
3.1 Introduction
3.2 Aperçu des visites aux urgences au Canada
3.2.1 Selon la priorité d’urgence
3.2.2 Selon le type de patients ambulatoires/sur civière et l’âge
3.2.3 Orientation des patients
3.3 Approche de modélisation des nombres des visites
3.4 Regroupement des problèmes de santé
3.5 Variables explicatives
3.6 Évaluation des modèles
3.7 Choix de l’unité de temps
3.8 Sources de données
3.9 Techniques de modélisation
3.9.1 Régression linéaire
3.9.2 SARIMA univariée
3.9.3 SARIMA multivariée
3.10 Analyse graphique des nombres des visites au département d’urgence du CHUS
3.11 Analyse des modèles de prévision des visites aux urgences
3.12 Prévision du nombre d’admission provenant du département d’urgence
3.13 Conclusion
CHAPITE 4 – NOMENCLATURE STOCHASTIQUE EN BESOIN DE RESSOURCES
4.1 Introduction
4.2 Formulation du modèle
4.4 Variables de prédiction
4.5 Regroupement des patients
4.6 Résultats et analyses
4.6.1 Détermination de la significativité des associations: variables prédicteurs et variables réponses
4.6.2 Ajustement des modèles aux données
4.7 Conclusion
CHAPITRES 5 – MODÉLISATION ET SIMULATION D’UN DÉPARTEMENT D’URGENCE
5.1 Introduction
5.2 Modélisation et validation du département d’urgence
5.2.1 Cartographie des processus
5.2.2 Modélisation
5.2.3 Ressources
5.2.4 Processus
5.2.5 Validation
5.3 Scénarios pour améliorer les durées de séjour
5.4 Analyse des résultats du plan d’expérimentation
5.4 Conclusion
CHAPITRE 6 – PLAN D’EXPÉRIMENTATION POUR AMÉLIORER LE TEMPS DE PASSAGE : INTÉGRATION DU CONCEPT DES CELLULES DYNAMIQUES
6.1 Introduction
6.2 Scénarios pour améliorer les durées de séjour
6.2.1 Changement d’horaire du troisième médecin du jour
6.2.2 Cellules dynamiques et polyvalence des salles d’ examen
6.2.3 Temps d’ attente pour hospitalisation
6.2.4 Délais d’obtention des résultats des analyses
6.2.5 Fast Track externe
6.3 Analyse des résultats du plan d’expérimentation
6.3.1 Temps de passage des patients admis
6.2.2 Temps de passage des patients non admis
6.3.3 Temps d’attente triage – 1 er examen
6.3 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE

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