État de l’art des modèles d’impact hydrodynamique
L’impact hydrodynamique a réellement commencé à être étudié autour des années 1930 par Theodore von Karman [Von Karman, 1929] et Herbert Wagner [Wagner, 1932] dans le but de calculer la pression engendrée sur la carlingue d’un hydravion lors de son amerrissage. Dans son modèle von Karman (VKM) néglige les effets de gravité ainsi que l’élévation locale de la surface libre lors du contact fluide-solide. Il suppose que les points de contact (±a(t) pour une carène symétrique Fig. 1.3) entre les surfaces sèche et mouillée du corps solide lors de l’impact correspondent à l’intersection géométrique entre la surface sèche du corps et le fluide au repos (Fig. 1.3.a)). Il a été démontré qu’en procédant de cette manière les efforts produits pouvaient être largement sous-estimés [Tassin, 2010]. La formulation adéquate, et admise par la communauté scientifique semble donc être celle de Wagner (OWM) (Fig. 1.3.b), qui au moyen d’une condition limite supplémentaire prend en compte le fait que lors d’un impact hydrodynamique le fluide impacté a tendance à remonter sur la surface du corps solide. Ce phénomène est appelé « piled-up effect » [Korobkin, 2004]. De cette manière les intersections (±a(t)) entre les surfaces sèche et mouillée du cors solide, n’est plus simplement la délimitation entre la surface sèche du corps semi-immergé et le fluide au repos, mais tient compte de la remontée locale du fluide le long de la surface du corps solide (Fig. 1.3.b)).
C’est ce qu’on appelle la correction de surface mouillée qui doit, a priori, être prise en compte durant un impact hydrodynamique sur le pont mouillé d’un SWATH. Il existe d’autres formulations mathématiques de l’impact hydrodynamique comme celle proposée par [Zhao et al., 1997] sous le nom de Generalized Wagner Model (GWM). Cette méthode, comme son nom l’indique, s’inspire de la formulation de Wagner mais omet une des simplifications (i.e linéarisations) en ce qui concerne la géométrie de la surface du corps solide (Fig. 1.3.c)). On peut aussi citer brièvement le modèle de [Vorus, 1996] qui lui s’inspire aussi des travaux de Wagner. Ce modèle conserve certaines non-linéarités au niveau des conditions limites de surface libre en modélisant celles-ci au moyen de distributions de vortex. Dans la suite, on se focalisera sur le modèle original de Wagner (OWM) qui de part sa formulation et sa résolution analytique permet d’obtenir des résultats pertinents en termes d’efforts hydrodynamiques dimensionnants par rapport à son très faible, et donc peu coûteux, temps de calcul.
Le modèle de Wagner
Les concepts et idées introduits par [Wagner, 1932] sont toujours utilisés aujourd’hui même si la formulation ne permet pas de décrire tous les phénomènes physiques impliqués lors d’un impact hydrodynamique. Sous l’approximation du disque plat, le modèle de Wagner prend en compte la correction de surface mouillée lors des premiers instants de pénétration du solide dans le fluide au moyen d’une condition limite appelée condition de Wagner. Cette approximation est rendue possible au travers des linéarisations (ou applatissements des géométrie Fig(s). 1.5 et 1.6) de la forme du corps solide et de la surface mouillée. Dans le cadre du dièdre, cette théorie est donc valable uniquement pour des corps présentant un angle de relèvement faible (_ < 20° voir Fig. 1.4.a)) entre la surface du corps et celle du fluide. Si la limitation semble importante, elle est néanmoins bien adaptée aux carènes de type SWATH. Dans la suite de cette partie sur le modèle de Wagner, nous présentons les résultats fondamentaux admis par la communauté scientifique en rapport avec l’impact hydrodynamique. Ici ne sont traités que les modèles dits analytiques, c’est-à-dire qu’il n’est pas question de méthodes numériques de type CFD3. L’état de l’art des méthodes numériques liées à l’impact hydrodynamique est abordé dans la partie 1.2.2. Tout d’abord, comme le modèle de Wagner repose sur des écoulements à potentiel des vitesses, nous présentons les méthodes permettant d’établir l’expression du potentiel des vitesses de l’écoulement. Nous commençons par la mise en équation générale du problème de Wagner pour des configurations bidimensionnelles (2D) (para. 1.2.1.1), cela pour des coques symétriques et dissymétriques. Puis nous étendons la présentation des résultats fondamentaux du problème 2D au cas tridimensionnel (3D) (para. 1.2.1.2) au travers de l’impact hydrodynamique de coques aux profils paraboloïdes elliptiques et axisymétriques. Ensuite nous présentons les deux grandes méthodes de calcul des champs de pression engendrés sur carènes 2D et 3D lors de l’impact (sec. 1.2.2).
Approches Numériques
Cette partie constitue un état de l’art en relation avec les modèles numériques appliqués à l’impact hydrodynamique. En plus des modèles analytiques basés sur le modèle de [Wagner, 1932], une multitude de méthodes numériques ont été développées dans le but d’étudier les phénomènes d’impact hydrodynamique bidimensionnel et tridimensionnel. Nous pouvons citer les travaux de [Zhao & Faltinsen, 1999], qui ont mis en oeuvre une méthode basée sur les éléments frontières dans le but de résoudre le problème d’impact hydrodynamique complètement non-linéaire. Ils ont appliqué cette méthode à plusieurs types de corps solides axisymétriques en prenant en compte la séparation de l’écoulement au niveau des points de contact. Pour les d’efforts hydrodynamiques, leurs résultats numériques ont été validés au moyen de mesures expérimentales. La méthode BEM (pour Boundary Element Method) a été utilisée par [Xu et al., 2008] pour modéliser l’impact oblique d’un dièdre dissymétrique à vitesse constante sur une surface libre plane. Ils utilisent la théorie des écoulements à potentiel des vitesses en négligeant la gravité. L’écoulement auto-similaire engendré par l’impact du dièdre est résolu par la méthode des éléments frontières couplée à une solution analytique dans le but de modéliser le jet hydrodynamique. Ils ont axé leur étude sur les effets de la vitesse horizontale et la dissymétrie du solide en caractérisant les variations des champs de pression au niveau de la pointe du dièdre. D’après leurs résultats, la vitesse horizontale augmente la pression en amont de l’écoulement.
L’impact oblique bidimensionnel d’un dièdre avec séparation d’écoulement a aussi été étudié par [Bao et al., 2016] au moyen de la théorie des écoulements à potentiel des vitesses. Pour permettre la séparation de l’écoulement, ils ont implémenté une condition limite supplémentaire au niveau des points de contact. Une nouvelle méthode reposant sur l’équation d’Euler y est mise en oeuvre afin de modéliser le jet. Nous pouvons aussi citer les travaux de [Bao et al., 2017] sur l’impact oblique d’un dièdre avec séparation d’écoulement. Dans cette publication, la théorie des écoulements à potentiel des vitesses est utilisée, mais ici le dièdre est en chute libre et possède 3 degrés de liberté. Le schéma numérique repose sur la méthode des éléments de frontière et le jet est traité au moyen de la conservation de la quantité de mouvement. Leurs résultats présentent les distributions d’accélérations, de vitesses, de pressions au sein de l’écoulement ainsi que les déformations de la surface libre. [Semenov & Iafrati, 2006] ont utilisé les propriétés d’auto-similarité du problème d’impact associé à un dièdre symétrique. Le fluide est considéré parfait, de plus la tension de surface et la gravité sont négligées. La solution est basée sur la méthode de conformal mapping du domaine bidimensionnel. De cette manière, le problème aux limites se résume à un système d’équations intégrale et intégro-différentielle. Ce système est résolu par un schéma numérique validé pour le cas de l’impact hydrodynamique d’un dièdre symétrique.
Leur modèle numérique a été validé par les résultats de la littérature existante pour l’évolution de la surface libre et les efforts hydrodynamique obtenus en fonction de l’angle de relèvement. De plus dans cette étude, il propose un critère permettant de prédire la séparation de l’écoulement. Pour terminé sur l’impact d’un dièdre, on peut s’appuyer sur les travaux de [Gu et al., 2014]. Au moyen de l’équation de Navier-Stokes ainsi que d’une méthode type, Level Set ils ont montré une très bonne concordance en termes d’effort hydrodynamique et de champs de pression par rapport à des modèles numériques utilisant la théorie des écoulements à potentiel des vitesses. Pour les configurations d’impact tridimensionnelle on peut citer les travaux de [Facci et al., 2016] qui ont étudié l’impact d’une carène de bateau. Leur modèle CFD utilise l’équation de Navier-Stokes incompressible discrétisée au moyen de la méthode des volumes finis. L’évolution de la surface libre est gérée par la méthode Volume-of-Fluid (VoF) au travers d’un écoulement biphasique entre l’air et l’eau. Pour valider leur modèle, ils ont utilisé des résultats expérimentaux obtenu par la méthode Particle Image Velocimetry afin de caractériser l’écoulement. Ils ont démontrés de très bonne correspondance entre leur modèle CFD et leurs mesures expérimentales pour les efforts induits, la remontée locale du fluide sur la carène, et les distributions de vitesses au sein de l’écoulement. [Iranmanesh & Passandideh, 2017] ont étudié l’impact hydrodynamique 3D d’un cylindre horizontal.
Le modèle numérique utilisé repose sur l’équation de Navier-Stokes et la conservation de la masse pour de faible nombre de Froude. L’évolution de la surface libre est résolue au moyen de la méthode VoF couplée à un équation d’advection. Pour simuler la condition de non-glissement sur cylindre, ils ont implémenté une viscosité très élevée sur les parois du cylindre. Leurs résultats ont été corroborés par les résultats expérimentaux de [Wei & Hu, 2014]. Pour d’étudier l’impact de plusieurs formes tridimensionnelles connues, comme le paraboloïde elliptique, le cône ou encore la sphère, [Tassin, 2010] a développé un modèle numérique innovant formulé à l’aide du potentiel des déplacements. Pour calculer la ligne de contact fluide-solide, il a utilisé une nouvelle méthode basée sur les éléments frontières (BEM). Les distributions de pression sont obtenues par la méthode MLM. Il a aussi été en mesure de valider ces résultats numériques au moyen d’une campagne expérimentale réalisée avec une machine de choc hydraulique. Dans les parties 1.2.2 et 1.2.3 nous présentons un état de l’art général de l’impact hydrodynamiques pour des formalismes analytiques et numériques pour l’impact de corps solides sur des surfaces libres planes. La partie 1.2.4 constitue l’étape finale de cet état de l’art nécessaire à la preséntation des travaux de cette thèse de doctorat. À savoir la présentation des travaux existants sur l’impact hydrodynamique sur des surfaces libres mobiles ayant le profil d’une vague.
1 Introduction |