Le diabète est une maladie chronique, suffisamment fréquente pour représenter un vrai problème de santé publique à l’échelle mondiale [1]. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que, dans le monde entier, l’hyperglycémie est le troisième facteur de risque de mortalité prématurée, après l’hypertension artérielle et le tabagisme [2].
Sa prévalence ne cesse d’augmenter à travers le monde ces dernières décennies. Elle a atteint des proportions pandémiques. En 1985, on estimait qu’un diagnostic de diabète avait été posé chez environ 30 millions de personnes dans le monde [3]; en 2015, ce nombre était passé à 415 millions et on prévoit atteindre les 552 millions d’ici 2040 [4].
Les enfants ne sont pas épargnés de cette épidémie mondiale, bien au contraire. Le diabète type 1 ou insulinodépendant, qui est la forme la plus fréquente chez l’enfant, est actuellement en hausse. Son incidence a doublé en 30 ans chez l’enfant et l’adolescent (0 à 15 ans), cette augmentation a été 2 fois plus rapide chez les enfants de moins de 5 ans [5-7]. Selon les données de la fédération internationale du diabète, 86 000 enfants de moins de 15 ans ont développé le diabète type 1 en 2015, et plus d’un demi million d’enfants de moins de 15 ans sont désormais atteints de diabète de type 1 [4].
Des progrès majeurs, dans la prise en charge du diabète type 1, ont vu le jour depuis le premier usage pratique de l’insuline en 1922, transformant cette maladie mortelle en problème de santé gérable. Actuellement, les mécanismes physiopathologiques sont plus clairs, les modalités de l’insulinothérapie avec l’avènement des analogues de l’insuline et le développement du traitement par pompe à insuline offrent la possibilité de reproduire au mieux le cycle physiologique de sécrétion d’insuline, les programmes d’éducation thérapeutique sont plus structurés et plus adaptés aux enfants, les moyens de surveillance sont de plus en plus performantes, etc. Ainsi, le praticien qui avait à faire à une pathologie désespérante et mortelle par elle-même, lutte désormais avec son jeune patient et sa famille, avec les connaissances et les moyens disponibles, contre une maladie pleine de défis : une maladie chronique nécessitant un suivi rigoureux tout le long de l’existence ; une maladie contraignante ayant des conséquences sur l’ensemble des activités de la vie de l’enfant ainsi que sa famille et son entourage ; une maladie exigeante d’une participation active du jeune diabétique et de sa famille ; une maladie lourde dans sa gestion par la multitude des facteurs à gérer au quotidien: injection d’insuline, régime diététique, exercice physique et auto- surveillance ; une maladie redoutable, aussi bien à court terme par ses complications métaboliques aiguës; qu’à long terme par le risque de développer des complications dégénératives micro et macroangiopathiques invalidantes, coûteuses et mortelles. C’est donc une maladie qui demande un vrai investissement sur le plan thérapeutique, familial, social et économique.
Définition et classification des différents types de diabète sucrés chez l’enfant et l’adolescent :
Définition :
Le diabète sucré chez l’enfant est un groupe de pathologies métaboliques caractérisées par une hyperglycémie chronique secondaire à un défaut de sécrétion et/ou d’action de l’insuline [8-9], entraînant à long terme des complications microvasculaires assez spécifiques touchant les yeux, les reins et les nerfs, et un risque accru de maladie cardiovasculaire [10].
Le diabète sucré se définit par une hyperglycémie chronique mesurée par une des méthodes suivantes [8-10] :
−Une glycémie à jeun supérieure à 1.26 g/l (7 mMol/l) (à jeun est défini comme aucun apport calorique depuis au moins 8 heures).
Ou
−Une glycémie aléatoire supérieure à 2 g/l (11.1 mMol/l) associée à des signes d’hyperglycémie (aléatoire est définie comme à n’importe quelle heure de la journée et sans considération de temps après un repas).
Ou
−Une glycémie 2 heures après une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) supérieure à 2 g/l (11.1 mMol/l). (Le test devrait être réalisé selon les critères de l’OMS, avec l’équivalent de 75 g de glucose anhydre dissous dans l’eau ou 1,75 g/kg de poids avec un maximum de 75 g).
Ces valeurs représentent le seuil d’apparition des micro-angiopathies (en particulier de la rétinopathie) d’après des études épidémiologiques. Ces anomalies glycémiques doivent être confirmées par une deuxième mesure, le jour suivant, en l’absence d’une hyperglycémie évidente ou associée à une décompensation métabolique aigue.
En cas d’hyperglycémie symptomatique Chez l’enfant, il suffit de mesurer la glycémie capillaire et de rechercher la glucosurie et la cétonurie par bandelettes urinaires pour poser le diagnostic et diriger immédiatement l’enfant vers un service d’urgence hospitalier, pour éviter une détérioration rapide; aucune preuve de confirmation n’est nécessaire avant l’instauration du traitement. Par ailleurs, il n’est pas recommandé d’utiliser le taux d’HbA1c pour établir un diagnostic de diabète chez les enfants et les adolescents, ni lorsque le diabète de type 1 est soupçonné [8].
Classification Etiologique :
Diabète de type 1 :
Le diabète de type 1 reste de loin la forme de diabète la plus fréquente chez l’enfant. Il correspond à plus de 90% des diabètes de l’enfant et de l’adolescent toutes causes confondues. [12] Il est la conséquence d’une destruction sélective des cellules bêta des îlots de langerhans, médiée par le système immunitaire conduisant à une carence profonde en insuline [13-16]. Dans la majorité des cas, des marqueurs d’auto-immunité sont présents au moment du diagnostic, définissant le diabète type 1 auto-immun (diabète type 1A) [17]. Chez 5% à 10% des patients qui présentent un diabète insulinodépendant, ces marqueurs sont absents et la physiopathologie de ce diabète est dite idiopathique (diabète type 1B). Il s’agit, souvent, de patients originaires d’Afrique subsaharienne (qui présentent des épisodes répétitifs de cétose, entrecoupés de phases de rémission) ou originaire du japon [17].
Diabète type 2 :
Le diabète type 2 est caractérisé par l’association à des degrés variables d’une insulinopénie et d’une insulino-résistance [18]. Il survient essentiellement chez l’adulte [18]. Toutefois, depuis quelques années, l’incidence du diabète de type 2 a augmenté rapidement chez les enfants et les adolescents partout dans le monde [19-22]. Dans certains pays (japon) ou dans certaines population à haut risque (Indiens Américains et Canadiens, Hispano-américains, Afro-américains, Indiens d’Asie du Sud, habitants des îles du Pacifique et Aborigènes Australiens), il est déjà plus fréquent que le diabète de type 1 [23]. L’augmentation de la prévalence du diabète type 2 chez les enfants est secondaire, essentiellement, à l’augmentation accrue de l’obésité, de la sédentarité et à une alimentation trop riche et déséquilibrée.
Diabètes monogéniques :
Les diabètes monogéniques représentent un groupe d’affections génétiques en rapport avec différentes mutations entraînant soit un défaut d’insulino-sécrétion soit une anomalie de la réponse à l’insuline. [8,24, 25] L’ensemble des diabètes monogéniques est hétérogène sur le plan clinique et génétique. Le dénominateur commun de toutes ces affections est l’hyperglycémie et le fait qu’elle soit en rapport avec une ou plusieurs mutations d’un seul gène. Mais l’hyperglycémie résulte de différents mécanismes physiopathologiques avec une présentation clinique variable en fonction du gène concerné.
Sur le plan clinique, les diabètes monogéniques avec dysfonctionnement de la cellule Bêta sont extrêmement variables tant sur l’âge d’apparition que sur le mode de transmission avec par exemple des formes autosomiques dominantes (par définition dans les MODY 2 et 3), de transmission maternelle (diabète mitochondrial) ou au contraire en rapport avec des mutations de HNF1B, dans les MODY5, les mutations peuvent être transmises de façon autosomique dominante mais elles sont le plus souvent spontanées de novo et donc non transmises [24, 25] . Un diabète monogénique doit être suspecté devant [26]:
• Un diabète diagnostiqué dans les 6 premiers mois de vie voire la première année.
• Un diabète familial.
• Une hyperglycémie à jeun modérée, spécialement si le sujet est jeune ou s’il y a une histoire familiale de diabète.
• Un diabète associé à des atteintes extra-pancréatiques.
• Un diabète associé à un syndrome lipodystrophique partiel ou généralisé.
Les diabètes monogéniques pourraient représenter 1 à 4% des diabètes [27-29], mais le diagnostic différentiel avec un diabète type 1 ou 2 n’est pas toujours fait [30 33] . Or, il est important d’identifier les patients présentant un diabète monogénique pour des raisons tenant à la fois au pronostic, à la prise en charge thérapeutique, à la présence d’anomalies associées au diabète et bien sûr à l’éventualité d’un dépistage familial .
L’exemple du diabète néonatal permanent associé à des mutations des gènes KCNJ11 ou ABCC8 est édifiant car il a été montré que les patients affectés pouvaient être traités par des sulfonylurés et que ce traitement était même plus efficace que l’insulinothérapie pour le contrôle du diabète. Il a donc été possible de remplacer des traitements par insulinothérapie (injections sous-cutanées pluriquotidiennes) par des traitements per os par des sulfamides hypoglycémiants avec une amélioration du contrôle glycémique chez ces patients dont la qualité de vie et le pronostic ont été transformés .
INTRODUCTION |