Mobilités et dynamiques migratoires dans la région de Morondava

Les migrants

Les éleveurs Antesaka et sakalava masikoro de Bemanonga : Le développement de la riziculture irriguée – à l’aide du fleuve Morondava, une technique introduite par les Betsileo au XIXe siècle – et de l’élevage bovin a fait de Bemanonga une véritable zone d’attraction de migrants. Loaby, un Antesaka originaire de Vangaindrano, faisait partie de ces migrants. Il s’est installé à Bemanonga vers la première moitié du Xxe siècle avec sa famille, pour pratiquer à la fois la riziculture et l’élevage bovin. Après sa mort, les membres de sa famille ont procédé au partage de l’héritage dont le principe est que les plus âgés, en particulier l’aîné, bénéficient de la plus majeur partie des bœufs (de grande taille) et les bonnes parcelles de terres (les plus fertiles) aux dépens des cadets. Parmi ces cadets, l’on distingue Fanamia qui avait préféré quitter le village avec ses quelques têtes de bœufs pour aller s’installer à Ampataka où il pourra pratiquer la culture du manioc, développer son élevage bonvin et cultiver le riz vers Antongo, un petit village de riziculteurs situé à 4km à l’est d’Ampataka. Le succès de Fanamia a incité la migration vers Ampataka de plusieurs Sakalava – de raza maromena et maromainty – de Bemanonga qui connaissent chez eux un problème de manque de terre pour pratiquer la riziculture suite à la rapide augmentation du nombre de la population du village.
Les riziculteurs d’Antongo : La riziculture à Antongo était favorisée par la présence du fleuve Tomitsy qui était servi pour l’irrigation des rizières de la zone. Le tarissement de ce fleuve vers le début des années cinquante a causé le départ de la grande partie des habitants du village pour aller s’installer à Ampataka où il y avait encore des terrains disponibles pour la culture du manioc en pratiquant en même temps la pêche aux crabes dans la mangrove à l’ouest du village (vers Bosy). La plupart de ces migrants venant d’Antongo sont de raza sakoambe dont les descendants peuplent actuellement une partie du territoire villageois d’Ampataka.

Le centre villageois

Ce centre villageois compte exactement, en novembre 2001, 102 cases regroupées selon un axe nord-sud, qui est aussi l’axe de l’orientation des cases. Mais seulement la moitié de ces cases sont occupées toute l’année par les habitants dont une partie se déplace en fonction leur calendrier d’activités. L’occupation par raza ne respecte plus la tradition, telle que les Tompontany doivent se trouver plus au nord, un coin entièrement occupé actuellement par les Tanosy zanatany. A la fondation du village, les Tompontany se trouvaient effectivement au nord. Mais vers les années quatre-vingt, lorsque l’arbre protecteur du village (le toñy) a perdu ses « forces » et donc sa valeur pour les villageois, ils furent contraints de quitter cette partie car les mauvais esprits deviendront masiake (méchants) et les champs de culture perdront leur fertilité. C’est ce qu’expliquent les vieux du village en affirmant que beaucoup d’évènements et de changements se sont produits après cet abandon du tony.
Ce sont donc les Tanosy qui habitent actuellement le nord d’Ampataka et occupent le tiers de l’espace villageois. D’ailleurs, 30 cases sur 102 appartiennent à cette communauté zanatany. Les Sakoambe et les Basy manañ’ila peuplent le sud-est, tandis que les Maromainty, Vazimba, Trano telo et Sambikida cohabitent au centre du village. Les Maromena de Bemanonga sont au sud-ouest et toute la partie sud est occupée par les fondateurs vezo de raza misara, forobia et hohimalany.

Le déclin de la pêche

Les pêcheurs de la zone affirment avoir constaté depuis un peu plus d’une dizaine d’années une nette diminution de la ressource qui se traduit par la baisse progressive de leur capture.
Trois raisons sont avancées pour expliquer cette diminution : Les gros bateaux de pêche, qui ne cessent de se multiplier en nombre, ne respectent plus les diverses zones réservées à chaque type de pêche.
L’effectif des exploitants traditionnels s’accroît d’année en année avec l’entrée en course des riziculteurs et agriculteurs des villages lointains à l’exemple d’Andranomena, de Tanambao Mahasoa, etc.
Le retard de la saison des pluies et la diminution en général de la quantité annuelle des précipitations sur la zone auraient un effet négatif sur l’abondance des crabes dans la mangrove. La première conséquence de cette diminution de la ressource est la chute du revenu du pêcheur. Il y a deux ans, les chiffres du tableau ci-dessous étaient doublés. Il s’agit du résultat d’un recoupement de données d’enquêtes effectuées auprès de plusieurs pêcheurs.

Problème de revenu chez les agriculteurs

La plupart des familles du village ne mange du riz que le matin, un kapoaka pour compléter le manioc ou le maïs au petit déjeuner, et parfois le soir (3kapoaka). Une enquête menée auprès de plusieurs familles nous permet de noter que dans le courant du mois de novembre 2001, un ménage dépense à peu près 160.000 fmg. En partant de cette base, l’on peut dire que la famille devrait avoit entre ses mains plus de 1.920.000fmg pour se nourrir normalement pendant l’année. Ce qu’il faut remarquer c’est que la production agricole familiale est d’habitude divisée en deux. Il y a une partie, moins importante, qui est réservée à la consommation « annuelle », et une autre plus importante à vendre. L’agriculture fait entrer annuellement dans la caisse familiale une somme moyenne de 487.500fmg (soit 40 daba x 7.500fmg + 15 daba x 12.500fmg). Cette somme ne peut même pas assurer les dépenses courantes de quatre mois ; même chose pour la partie réservée à la consommation de la famille qui ne peut tenir que cinq à six mois (soit jusqu’à la fin septembre– début octobre). La pratique d’une seule activité telle que l’agriculture n’est donc plus suffisante, faute de rendement, pour nourrir une famille. Ce que nous avons remarqué depuis ces derniers temps, c’est que même les personnes de 55/60 ans partent presque régulièrement à la pêche à partir du mois d’octobre. Les jours de la collecte de la SOPEMO, le vendredi et le mardi, ce sont les petits-fils qui vont au rendez-vous pour écouler les crabes. Mais à part la pêche, il y a aussi d’autres activités pouvant être pratiquées surtout par les femmes, à l’exemple du kibaroa et du rary.

Un comportement économique ne se rapportant pas à la réalité

Epargner de l’argent ou conserver un stock important de riz ne fait pas encore partie des habitudes des villageois. Après avoir terminé les travaux de récolte et de séchage du maïs, l’agriculteur ou sa femme se déplace habituellement au croisement de Belo ou à Morondava pour vendre les produits. La plus grande partie de la somme gagnée (dont la moyenne est estimée entre 187.500 et 200.000fmg soit 15 daba x 12.500fmg) sera tout de suite dépensée pour divers achats (vêtements et lambahoany pour les membres de la famille, un poste de radio de 75.000 à 100.000 fmg, des seaux, etc…). il est très rare de voir une personne qui ramène à son retour au village un grand sac de riz de 150/200 kapoaka.
Le problème pour le manioc, c’est qu’une partie de la production est souvent récoltée avant la saison normale (juillet à septembre). Elle sera troquée petit à petit contre, soit du riz vers Mahabo, soit des produits de mer de Bosy et d’Andrahangy. La famille en consomme aussi de temps en temps à partir du mois d’avril pour essayer d’économiser le stock de maïs. Ce qui veut dire que c’est déjà difficile pour l’agriculteur de gagner la somme moyenne de 300.000 fmg (40 daba x 7.500 fmg) après la saison normale de récolte du manioc. Et plusieurs familles ne veulent plus vendre leur manioc parce qu’ « …il vaut mieux avoir un stock de manioc au lieu d’une somme que l’on n’a pas l’habitude de toucher, car ça tente… », expliquent nos interlocuteurs. Si une famille n’est pas en possession d’un ou quelques bœufs, elle serait alors dans une impasse totale au moment où l’un de ses membres tombe gravement malade et que cela nécessiterait un traitement coûteux.

Table des matières

INTRODUCTION 
Partie I – FONDATION / PEUPLEMENT DU VILLAGE ET RELATIONS MATRIMONIALES 
I- FONDATION DU VILLAGE ET PEUPLEMENT 
1. Les Sakalava Vezo de Bosy : les fondateurs
2. Les migrants
a. Les éleveurs Antesaka et Sakalava masikoro de Bemanonga
b. Les riziculteurs d’Antongo
c. Les Tanosy de Fort-Dauphin
d. Les migrants de la saline GSM
3. Démographie
4. Administration villageoise
II- LES RELATIONS MATRIMONIALES 
1. Entre les Sakalava Tompontany ou zanatany
2. En ce qui concerne les Tanosy
3. Entre les migrants tanosy et les sakalava
4. Entre Ampataka et les villages environnants
Partie II – EXPLOITATION DE L’ESPACE ET FORMATION DES TERROIRS 
I- OCCUPATION DU TERRITOIRE 
1. Le centre villageois
2. Hatsake et tana an-katsake
II- RESSOURCES ET QUESTION FONCIERE 
III- AMPATAKA ET SES ACTIVITES ECONOMIQUES ET SOCIALES 
1. Au XIX e siècle
2. Durant la période coloniale
3. Vers la seconde moitié des années cinquante – début des années soixante
4. Fin des années soixante-dix – début des années quatre-vingt
IV- ESPECES CULTIVEES ET TECHNIQUES D’EXPLOITATION 
Partie III – AMPATAKA, UNE SURVIE MENACEE 
1. Le déclin de la pêche
2. Problème de revenu chez les agriculteurs
3. Trop faible rentabilité des autres activités
4. Un comportement économique ne se rapportant pas à la réalité
5. Problème de l’insécurité
6. Les conflits
7. S’achemine-t-on vers l’abandon du village ?
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE

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