Missions actuelles du C.P.E. dans l’Etablissement Public Local d’Enseignemen
la prescription à l’épreuve du terrain C’est avec la circulaire de missions du 28 octobre 1982 que le ministère de l’éducation nationale a défini précisément les attentes de l’institution envers son personnel statutairement reconnu comme cadre éducatif. Ce texte officiel, resté en vigueur pendant trente-trois ans, a cependant montré ses limites au sein même de la profession qui a déploré son insuffisante précision malgré la diversité des tâches assignées, qui peuvent apparaître contrastées avec les réalités nouvelles du terrain (Belin, 2007, p.3 ; Vitali, 2014, para.1). Avec la définition des nouvelles compétences du C.P.E. par l’adoption du référentiel en 2013, l’écriture d’une nouvelle circulaire, attendue depuis plusieurs années par la profession, devenait indispensable pour rendre compte des nouvelles réalités du métier. 1.2.1. La circulaire de missions de 1982 : trois domaines de prescriptions pour une multiplicité d’activités Les textes officiels relatifs au statut et aux missions ont marqué l’évolution du métier depuis la création du statut de C.P.E. en 1970 jusqu’à la réforme de la formation professionnelle des personnels d’enseignement et d’éducation en 2013 suivie de l’adoption d’une nouvelle de circulaire de missions en 2015. Conformément à la circulaire de missions de 198220 21 considérée comme fondatrice de la professionnalité des C.P.E., leurs responsabilités se répartissaient officiellement dans trois domaines : – le fonctionnement de l’établissement, qui comprend la responsabilité du contrôle des effectifs et la participation aux conditions de sécurité des élèves ; – la collaboration avec le personnel enseignant, pour le suivi des élèves et de la vie de classe ; – l’animation éducative, qui comprend les contacts directs avec les élèves sur le plan individuel et collectif, et l’organisation de leur participation à la vie de l’établissement.Dans le cadre du travail collaboratif avec les enseignants, le C.P.E. échange avec eux sur l’activité et le comportement des élèves, en particulier à partir de leurs résultats et des conditions de leur travail, pour être capable de proposer des interventions susceptibles de leur permettre de surmonter les éventuelles difficultés. Son statut, modifié par l’article 4 du décret de 1989 de la loi Jospin, l’invite à renforcer son association « aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation ». Ainsi lorsqu’il reçoit un élève pour le suivi de son parcours, le C.P.E. veille à faire le lien entre le relevé de ses absences et retards et ses résultats scolaires. Les logiciels de vie scolaire permettent de relier les différentes informations sur le parcours scolaire de l’élève et peuvent aider le C.P.E. lors des entretiens de suivi à donner du sens à son obligation d’assiduité. En collège, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (2006, 2015)22 constitue un référentiel pour l’éducation des jeunes et le suivi de leur parcours. L’introduction du concept de compétence dans les curricula a renforcé la légitimité de son rôle pédagogique dans l’établissement : conformément au décret du 18 novembre 2014 relatif à « l’évaluation des acquis et à l’accompagnement pédagogique des élèves, aux dispositifs d’aide et au redoublement », le C.P.E. collabore avec les personnels d’orientation au suivi de l’élève réalisé par les enseignants, qui inclut « notamment l’évaluation de la progression de ses acquis ». Sollicité pour l’évaluation des compétences du socle en collège, le C.P.E. est également mis à contribution pour l’évaluation des compétences des lycéens sur leur livret scolaire pour le baccalauréat. Attentif aux conditions qui lui permettront de « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d’épanouissement personnel » (1982) le C.P.E. apparaît d’emblée comme un facilitateur de la prise en charge éducative des adolescents dans l’établissement. Il est « par essence le généraliste de l’éducation » (Delaire, 1997), l’un des principaux « artisans » 23 (Ibid., p.71) du climat d’établissement par sa pratique d’encadrement des élèves conjuguée au suivi individuel adapté au cas de chacun. Il doit ainsi inscrire son action dans les objectifs du projet d’établissement24 défini dans le cadre de l’autonomie pédagogique, administrative et financière conférée aux établissements scolaires publics du second degré devenus Etablissements Publics Locaux d’Enseignement (E.P.L.E.) en 198525 . En fonction de sa personnalité, de son lieu d’exercice et du fait de l’évolution incessante des besoins éducatifs au gré des mutations de la société, le CPE a pris en charge des tâches d’une grande variété qui font de lui un partenaire incontournable « au carrefour des routes du savoir et du savoir être » (Ibid.).
Le référentiel de compétences de 2013
une volonté politique de décloisonnement entre l’éducatif et le pédagogique ? Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation instauré au 1 er juillet 201326 énonce quatorze compétences communes (C.C.) partagées entre professeurs, documentalistes et C.P.E. huit compétences spécifiques (C.S.) au C.P.E.. Ces huit C.S ;, que nous listons ci-dessous, complètent et clarifient une circulaire de missions devenue trop floue (Chauvigné, 2014, p.7). Elles rendent compte de l’évolution d’une fonction qui oscille entre deux postures, le rôle de conseil auprès de la communauté éducative sur la vie collective dans l’établissement, et celui d’accompagnement individuel du parcours de formation des élèves : – Organiser les conditions de vie des élèves dans l’établissement, leur sécurité, la qualité de l’organisation matérielle et la gestion du temps. – Garantir, en lien avec les autres personnels, le respect des règles de vie et de droit dans l’établissement. – Impulser et coordonner le volet éducatif du projet d’établissement. – Assurer la responsabilité de l’organisation et de l’animation de l’équipe de vie scolaire. – Accompagner le parcours de l’élève sur les plans pédagogique et éducatif. – Accompagner les élèves, notamment dans leur formation à une citoyenneté participative. – Participer à la construction des parcours des élèves. – Travailler dans une équipe pédagogique. Pour les compétences communes, nous retiendrons celles qui nous semblent indiquer une contribution commune à l’action éducative et à la prise en charge des élèves dans leur singularité : – C.C. 1. Faire partager les valeurs de la République.- C.C. 2. Inscrire son action dans le cadre des principes fondamentaux du système éducatif et dans le cadre réglementaire de l’école. En tant qu’acteurs d’un service public d’éducation, C.P.E. comme professeurs doivent ainsi contribuer ensemble à transmettre et faire vivre les valeurs essentielles d’une démocratie, et sont responsabilisés vis-à-vis du règlement intérieur de l’établissement. – C.C. 3. Connaître les élèves et les processus d’apprentissage. – C.C. 4. Prendre en compte la diversité des élèves. – C.C. 5. Accompagner les élèves dans leur parcours de formation. – C.C. 6. Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques. Compétents dans les domaines de la psychologie et de la pédagogie, ils sont également capables de prendre en compte la diversité de leurs élèves pour adapter leur action éducative et pédagogique à leurs besoins, dans l’objectif de la réussite de tous. – C.C. 10. Coopérer au sein d’une équipe – C.C. 11. Contribuer à l’action de la communauté éducative Ainsi leur action n’est pas isolée mais participe au projet éducatif de l’établissement en tenant compte de son environnement. Nous verrons au chapitre suivant les changements qui ont été induits dans la réforme du recrutement par l’adoption de ce texte. D’après Vitali (2014, para.13) sa limite semble en partie tenir à la « rhétorique du lien » utilisée pour exprimer la nécessité d’un partenariat sans nommer précisément les responsabilités des acteurs : « Garantir en lien avec les autres personnels » (C.S. 2) ; « Identifier les conduites à risque… en lien avec les personnels sociaux…. et contribuer à leur résolution en coopération avec les personnes ressources … » (C.S. 2 Item 4 ; « Contribuer avec les enseignants et avec le concours… » (C.S. 7 Item 4). Si nous ne pouvons affirmer que le référentiel en lui-même risque de compromettre le travail d’équipe, nous pouvons déjà observer que le partage de ces responsabilités ne va pas de soi, tant sur le terrain qu’au niveau même de la formation initiale de ces acteurs. En qualité de responsable de l’organisation d’une Unité d’Enseignement transversale pour le master des Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (M.E.E.F.) à l’E.S.P.E. d’Aix en 2013-201427, nous avons pu en effet mesurer toute la difficulté à engager de manière cohérente l’ensemble des équipes de formateurs dans une concertation commune au sujet de savoirs de référence pour enseigner et éduquer. C’est un véritable changement de paradigme qu’il convient d’opérer dans les écoles de formation, alors que les étudiants enseignants restent concentrés sur les attentes de leur concours et de leur lieu de stage en termes de didactique disciplinaire. Comment faire évoluer les pratiques dans le sens d’un décloisonnement entre l’éducatif et le pédagogique si l’articulation entre les savoirs disciplinaires et les savoirs sur le métier ne fait pas écho au fonctionnement de l’institution ?
La très récente modification de la circulaire de missions
la connaissance des élèves fonde l’action du C.P.E. En abrogeant le texte réglementaire de 1982 pour prendre en compte le référentiel de compétences de 2013, la nouvelle circulaire de missions publiée pour la rentrée scolaire 2015- 201628 29 marque bien l’évolution du positionnement du C.P.E. dans l’établissement scolaire. Le texte prévoit trois domaines de responsabilité pour le C.P.E.: la politique éducative de l’établissement, le suivi des élèves et l’organisation de la vie scolaire. Les missions sont ainsi définies en fonction du projet éducatif avant tout, non plus d’une organisation fonctionnelle de l’établissement. Les C.P.E. sont considérés comme les « concepteurs de leur activité qui s’exerce sous l’autorité du chef d’établissement en lien avec le projet d’établissement ». Par ailleurs, le préambule du texte indique que les C.P.E. fondent leur action sur la « connaissance de la situation individuelle et collective des élèves », et « participent, au plus près des réalités scolaires et sociales de l’établissement, à la définition de la politique éducative portée par le projet d’établissement. » En même temps qu’une approche plus globale du contexte d’exercice est attendue, tenant compte de ses caractéristiques socioscolaires, ce sont les élèves, individuellement et collectivement, qui sont mis en avant, et non l’organisation de l’établissement. Le partage des responsabilités éducatives devient plus explicite, prolongeant l’ambition du référentiel de compétences de décloisonner les actions éducatives et pédagogiques. Si la circulaire de 1982 évoquait une « prise en charge en commun de l’activité éducative », celle de 2015 précise les modalités d’une action partagée visant à faire respecter un règlement intérieur : « Comme tous les membres de la communauté éducative, ils contribuent à expliciter, faire comprendre et accepter les règles de vie et de droit en vigueur au sein de l’établissement. » Le premier domaine de responsabilités, celui de la politique éducative de l’établissement, pose le cadre de l’action du C.P.E. en l’invitant à participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique éducative de l’établissement et à contribuer à une citoyenneté participative des élèves. Avec l’appropriation des règles de vie collective, des objectifs d’autonomisation et de prise d’initiative des élèves dictent cette politique commune. En promouvant les valeurs du vivre-ensemble de tolérance et de solidarité, les C.P.E. doivent en particulier développer des actions collectives qui permettent la socialisation des élèves et développent leur capacités d’autonomie et d’initiative. Le deuxième domaine de responsabilité concerne le suivi des élèves : le C.P.E. est dorénavant considéré comme un acteur direct de ce suivi, et non par l’intermédiaire de sa collaboration avec les enseignants. Cette responsabilité l’amène à assurer : – le suivi pédagogique et éducatif, individuel et collectif des élèves, en s’impliquant dans les conditions d’appropriation des savoirs par les élèves et en s’associant à la construction de leur projet personnel. Une action sur l’ensemble du parcours de l’élève doit permettre de faciliter la transition entre les cycles et les niveaux d’enseignement. En plus de la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire, le C.P.E. est désormais explicitement attendu dans la lutte contre les risques psychosociaux menée avec ses partenaires internes et externes à l’établissement. La spécificité de sa contribution réside dans la connaissance de l’élève en tant qu’adolescent vivant dans un environnement socio-familial donné, qu’il partage avec ses collaborateurs et en particulier les professeurs principaux. L’écoute bienveillante et active dont il doit faire preuve participe de cette connaissance partagée du public d’élèves. – Des relations de confiance avec les familles ou les représentants légaux des élèves : un dialogue constructif doit être établi dans la durée pour accompagner le projet personnel de l’élève. Les C.P.E. explicitent les règles et les attentes de l’école aux familles pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement de l’institution. Enfin, l’organisation de la vie scolaire constitue le troisième domaine de responsabilités du C.P.E. : son action doit s’inscrire dans une collaboration étroite avec le chef d’établissement, le gestionnaire, le professeur documentaliste, pour concevoir avec eux et dans le cadre de leurs prérogatives, l’organisation de la vie scolaire des élèves, des espaces d’apprentissage et des lieux de détente propices au bien-être. Il s’appuie pour cette mission sur son équipe de vie scolaire dont il assure l’animation. La contribution des C.P.E. à la qualité du climat scolaire passe également par une participation au diagnostic de sécurité de l’établissement et la promotion d’une approche réparatrice des sanctions.