L’auto-accusation (culpabilité)
Wong & Heriot (2008 [Annexe VII]) définisse le terme d’auto-accusation (self-blame) comme le fait de se critiquer et de s’accuser soi-même. Leur étude a mis en évidence comme association entre les stratégies de coping et celles d’ajustement l’autoaccusation. 42% des parents ont déclaré utiliser l’autoaccusation pour faire face à la maladie de leur enfant (Wong & Heriot, 2008 [Annexe VII]). Les parents qui se blâment pour la maladie de leur enfant, se désengagent dans la poursuite des objectifs pour leur enfant et sont plus à risque d’éprouver une détresse émotionnelle élevée, des taux plus élevés de dépression et d’anxiété en raison de l’impact de la FK sur leur vie. Au contraire, les parents qui bénéficient de soutien émotionnel, sont susceptibles de connaître des niveaux inférieurs de détresse. Les parents qui reçoivent des conseils pour réduire leurs croyances sur l’autoaccusation et qui sont encouragés à soutenir leur enfant dans la réalisation d’objectifs importants de la vie, réduisent le risque d’un ajustement inadapté à la FK. Les parents doivent être informés de l’importance des réseaux sociaux de soutien. Williams & al. (2007 [Annexe VI]) montrent dans leur étude que certains parents ressentent que la présence de symptômes est la preuve évidente de leur échec en tant que parent. Ceci envahit leur adaptation émotionnelle et ils se sentent moins capable et confiants dans la gestion du traitement médical de la maladie.
La structure familiale
Ball & Bindler (2010) expliquent qu’il existe plusieurs types de famille et décrivent les plus courants. Il s’agit de la famille nucléaire, la famille recomposée, la famille étendue, la famille monoparentale, la famille binucléaire, la famille formée de conjoints de fait et la famille homosexuelle. L’étude de Williams & al. (2007 [Annexe VI]) a montré que les croyances que les parents se font de la santé, la maladie et le traitement de leur enfant sont essentielles pour déterminer le comportement parental. Le respect des valeurs et de l’identité familiale, mais aussi de l’estime de soi que les parents ont d’eux, sont d’importantes sources d’adaptation émotionnelle pour les parents. Par exemple, certains parents estimaient qu’un élément important de la vie de famille était de nourrir et de traiter tous les frères et soeurs équitablement. Toutefois, les exigences médicales de la FK et la résultante inégale d’attention accordée aux frères et soeurs, ont compromis cette valeur de la famille. Ces parents ont estimé que le traitement pourrait psychologiquement endommager les autres frères et soeurs, car ils pourraient se sentir exclus de l’attention des parents.
Ce conflit de valeur interne touche les deux parents quant à l’adaptation émotionnelle et à leur motivation à mettre en oeuvre le traitement. Les parents pensent que la promotion de la « normalité » aide à protéger et à promouvoir l’adaptation émotionnelle de l’enfant et maintient la cohésion familiale. La « normalité » est de minimiser les problèmes et les perturbations causés par la maladie et le traitement à la maison et de permettre à l’enfant de participer à ce qui est perçu comme des activités sociales normales et régulières à l’enfance. Le soutien social est un facteur important permettant l’adaptation émotionnelle. Pour la plupart des parents, accepter la FK signifie accepter d’ajuster leur vie et leur routine pour s’adapter au traitement. Cette stratégie d’adaptation les oriente à agir et faire quelque chose pour faire face à la situation, ce qui facilite leur adaptation émotionnelle. Pour une minorité de parents, accepter la FK signifie avoir accepté les pires conséquences de la maladie et la possibilité que leur enfant meurt jeune.
La croyance que l’enfant est « sain » en l’absence de symptômes, soutient l’adaptation émotionnelle des parents. Lorsque les parents perçoivent la détérioration de la santé, cela diminue leur adaptation émotionnelle mais facilite l’adhésion stricte au traitement. Les parents pensent que le traitement permet d’éviter une nouvelle détérioration et soulage les symptômes. Les parents estiment qu’il est de leur responsabilité de maintenir le bien-être émotionnel de l’enfant et des autres membres de la famille, ainsi que la gestion médicale de la maladie. La recherche suggère que les parents ont raison d’être préoccupés par les relations familiales et le maintien de la cohésion. Dans la FK, il est prouvé que la fréquence et l’intensité des traitements peuvent causer des perturbations au fonctionnement de la famille. Dans l’étude de Hayes & Savage (2008 [Annexe I]), les pères expriment qu’il est plus difficile pour eux de montrer leurs émotions en comparaison à leurs épouses. Ils expriment un manque de reconnaissance de l’impact émotionnel sur les pères en raison de leur sexe et des attentes des hommes dans la société. Cacher l’émotion peut avoir peu de conséquences chez les pères à court terme, mais à long terme, le stress a un impact sur la santé physique et émotionnelle des pères. Les pères ont également souligné que le traitement de leur enfant était devenu une partie intégrante de leur quotidien et provoque une perturbation minimale dans la famille. Ils décrivent cela comme n’étant pas un fardeau pour eux. Ils expliquent que passer du temps en famille, partir en vacances en famille et ne pas faire de longues heures de travail sont des stratégies qui les ont aidés à vivre au jour le jour. Dans l’étude de Gayer & Ganong (2006 [Annexe IV]), la structure familiale ne joue pas un rôle prédominant sur comment les mères perçoivent la santé de leur enfant atteint de FK ni sur la fréquence à laquelle les traitements sont faits. Il a par contre été trouvé que les mères célibataires recherchaient l’information moins souvent de la part des infirmières que les mères mariées ou réengagées. Concernant les facteurs prédisant l’adhérence au traitement, ils changeaient d’une structure familiale à une autre :
– L’âge de l’enfant et les revenus pour les mères mariées
– Le temps, la routine familiale et le sens familial de la cohérence chez les mères célibataires
– L’âge de l’enfant chez les mères réengagées
Mise en perspective des principaux résultats avec le cadre de référence Le but du modèle de Calgary est de promouvoir, d’améliorer et de maintenir le fonctionnement de la famille dans les domaines cognitif, affectif et comportemental. Les conversations thérapeutiques permettent d’interroger les familles aux prises avec des problèmes de santé, sur leur situation. Les questions à caractère d’intervention visent à provoquer un changement concret dans l’un des domaines du fonctionnement familial ou dans les trois à la fois (Wright & Leahey, 2013). Afin d’investiguer les perceptions que les parents ont de la maladie de leur enfant, l’infirmière peut poser comme questions : « Quand avez-vous remarqué que l’état de santé de votre enfant s’est détérioré ? » « Qui, parmi vous, s’inquiète le plus de l’état de santé de votre enfant ? Comment votre père/mère vous montre-t-il/elle que c’est lui/elle qui s’en inquiète le plus ? » L’infirmière sera renseignée sur les liens entre les individus, les évènements, les idées et les croyances. Wright & Leahey (2013) suggèrent différentes interventions permettant de mettre en évidence les liens entre les trois domaines du fonctionnement de la famille (cognitif, affectif et comportemental). Les interventions visant à modifier le domaine cognitif du fonctionnement de la famille sont celles qui amènent des idées, des opinions, des connaissances ou de nouveaux renseignements autour du problème de santé. Ces interventions ont pour objectif de modifier les perceptions et les croyances de la famille à l’égard de la maladie de leur enfant, de sorte que ses membres arrivent à élaborer de nouvelles solutions. Des exemples d’interventions sont proposés:
•Interventions visant à mettre en valeur les forces individuelles et familiales ; Durant la conversation thérapeutique, le professionnel de santé met en valeurs les forces, les compétences et les ressources observées chez la famille et chez chacun de ses membres. Dans les situations où les familles sont aux prises avec des maladies chroniques ou des maladies qui mettent la vie en danger, elles se sentent désespérées et incapables de s’adapter à la situation. Très souvent, personne n’arrive à ressortir, ni à remarquer les forces dont font preuve ces familles, car l’observation de comportements répétitifs et constants ne permettent pas la mise en valeur des forces. Wright & Leahey (2013) choisissent de mettre en valeur les forces plutôt que les déficiences, les dysfonctionnements et les faiblesses des membres de la famille. Si des réactions positives suivent la mise en valeur des forces, cela indique que l’intervention thérapeutique est efficace.
De plus, les familles semblent plus réceptives par la suite, aux interventions infirmières proposées. La mise en évidence de la compétence, de la résilience et des forces d’une famille et la présentation d’une nouvelle vision d’elle-même, crée un contexte propice au changement à partir duquel la famille découvre les solutions à son problème et accroît son bien-être. L’identité individuelle et de la famille, les valeurs familiales, la confiance en soi, l’estime de soi et les croyances sont des éléments qui interviennent dans l’adaptation émotionnelle des parents. Les parents estiment d’ailleurs qu’il est de leur responsabilité de maintenir le bien-être émotionnel de l’enfant et des autres membres de la famille. Il a été constaté que les croyances sur le maintien des valeurs de la famille et de l’identité, permettait la promotion : de la ‘normalité’, de l’acception de la FK, du soutien social et à la fois du bien-être émotionnel et motive à adhérer au traitement (Williams & al., 2007 [Annexe VI]). Dans ce contexte et en lien avec le MCIF, il s’agit de viser à modifier le domaine cognitif du fonctionnement familial. Autrement dit, il est du rôle infirmier d’évaluer le sens donné à la FK, et de le reconstruite d’une manière positive et selon l’identité de la famille (Williams & al., 2007 [Annexe VI]).
•Interventions pour présenter des informations ou des opinions ; Un besoin primordial des familles aux prises avec une maladie, est celui d’être informées et de connaître l’opinion des professionnels de la santé. Les résultats des articles ont montré qu’il est important pour les familles de recevoir des informations, de les aider à améliorer leurs habiletés et leur aptitude à résoudre les problèmes et de bénéficier de soutien social. L’infirmière se doit d’informer la famille des répercussions de la maladie chronique et elle peut également transmettre d’autres moyens disponibles de se renseigner elle-même. L’étude de Hayes & Savage (2008 [Annexe I]) qui est centrée sur les pères d’enfants atteint de fibrose kystique, recommande la mise en place de forum sur internet où les pères pourraient exprimer leurs visions et leurs préoccupations. Ceci peut être applicable aussi pour les mères d’enfants atteints de FK. Les données sur ces forums seraient ensuite utilisées dans la pratique clinique dans le but de développer des interventions de soutien adaptées à leurs besoins. Les mères se tournent vers les médecins, les infirmiers/ères, la bibliothèque, d’autres parents d’enfants atteints de la FK et d’amis pour s’informer sur la FK (Gayer & Ganong, 2006 [Annexe IV]). Ces actions permettent de rassurer la famille sur certains aspects de la maladie et réduisent le stress familial. Les interventions visant à modifier le domaine affectif du fonctionnement de la famille, doivent permettre d’atténuer ou de relever les émotions intenses susceptibles d’entraver la résolution de problèmes.
1 Introduction |