Mise en œuvre de l’ACV dynamique
Les limites actuelles de l’outil d’ACV
Le projet européen CALCAS a ainsi pour but de développer une base scientifique pour une nouvelle ACV, dépassant le cadre méthodologique apporté par la norme ISO 14044, jugé parfois trop contraignant [Heijungs & al, 2009]. Il cherchera notamment à : – « approfondir » les modèles et outils actuels afin d’améliorer leur applicabilité pour différents contextes, tout en augmentant leur fiabilité et leurs possibilités d’utilisation. – « élargir » le cadre de l’ACV, en intégrant mieux les aspects de durabilité et en faisant le lien avec des modèles voisins, afin d’améliorer leur pertinence – « l’amener plus loin », en revoyant et en enrichissant les fondements de l’ACV, en permettant des passerelles vers d’autres disciplines portant sur une évaluation de durabilité. Un certain nombre d’insuffisances de la norme ISO 14040 pour l’ACV ont été identifiées : – Il n’y a pas de données dans la norme, ni pour l’inventaire, ni pour l’analyse d’impact (facteurs de caractérisation) – Il n’y a pas de définition d’un modèle mathématique de l’ACV, ni formule, ni liste standard de symboles. – Les standards posés par la méthodologie ne sont pas très clairs (souvent définis comme devant être « cohérents avec les buts de l’étude ») – Il existe un manque dans les textes d’orientation de la méthode : les directions données sont parfois peu claires et ambigües (« several cut-off criteria are used in LCA practice » [ISO 14040, p8]) – Les standards décrits sont tirés des travaux de différents auteurs. Dans certaines parties du texte, on note des incohérences, notamment en termes de langage et de définition des termes, mais aussi de façon plus problématique vis-à-vis des notions utilisées (ainsi la première étape de la procédure d’allocation « ne fait pas partie de la procédure d’allocation » [ISO 14040, p 14], ou encore certaines incohérences apparaissent dans la définition des flux de référence [ISO 14040, p2] [ISO 14049, p6]) – Les standards contiennent des erreurs factuelles (ainsi dans le texte [ISO 14040, p40] on peut lire que le GWP du CO2 est de 2750 kg CO2-equiv, ce qui est évidemment incohérent) – Il n’y a dans ces standards aucune base scientifique, aucune référence précise à des travaux menés et publiés en physique, chimie, toxicologie, économie. Ainsi le projet CALCAS cherche à clarifier la méthodologie de l’ACV et à définir une base scientifique précise de cet outil. Mais au-delà de ces aspects, le but est aussi de l’améliorer et de lui permettre de répondre plus précisément aux préoccupations qui lui sont liées, en se basant notamment sur un développement scientifique de la méthode.
Pistes d’amélioration
Les objectifs et tâches pour remédier aux principales déficiences et limitations de l’ACV consistent principalement en : – Dériver des modèles et des outils adaptés pour des situations de prise de décision spécifiques, incluant aussi de nouvelles applications comme par exemple l’analyse des technologies prospectives. – Lier les mécanismes sociétaux aux relations techniques et physiques. – Faire le lien entre les choix faits à l’échelle microscopique et les objectifs de durabilité à l’échelle macroscopique (englobant en plus des aspects environnementaux les aspects économiques et sociaux) – Construire un cadre commun aux évaluations de durabilité – Faire le lien entre le développement d’outils d’information et l’émergence de nouveaux modes de gouvernance (travail partiellement réalisé au sein du projet CALCAS, où ont été définies de nouvelles stratégies pratiques pour l’ACV). Ces dimensions regroupent plus particulièrement les liens qui peuvent être établis entre une analyse purement environnementale et les aspects socio-économiques en découlant. Il reste néanmoins intéressant de poursuivre le développement scientifique de la méthode, ce sur différents points. Ainsi la nouvelle base scientifique développée au sein du projet CALCAS comprend les points suivants [Zamagni & al, 2008], [Heijungs & al, 2009] : – Le développement et la clarification de la distinction entre ACV conséquentielle et ACV attributionnelle. En effet une ACV peut avoir deux buts différents. Elle peut chercher à connaître les conséquences environnementales d’un système qui assure une certaine fonction. Cette approche possède une dimension plutôt descriptive. Une ACV peut aussi être menée afin de permettre une analyse des changements découlant d’une modification de la façon d’assurer une fonction. Ces changements peuvent prendre une large variété de formes, et il est intéressant de chercher à prendre en compte ces modifications dans l’analyse proprement dite, ainsi que les effets rebond qu’elles peuvent avoir à plus ou moins long terme. – L’incorporation de scénarios dans l’ACV. Les scénarios sont ici considérés comme une donnée du problème que va résoudre l’ACV. Aujourd’hui la plupart des ACV sont basées sur trois hypothèses fortes : les changements que le système apporte au milieu dans lequel il évolue sont négligeables (par exemple les émissions de CO2 d’un bâtiment ou d’un quartier sont négligeables devant la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère), la linéarité du système, et la constance du contexte global de l’étude (ainsi l’état des technologies, des comportements est supposé ne pas changer pendant la durée d’analyse). L’usage de l’ACV comme outil d’aide à la décision nécessite pour être plus pertinent de dépasser ces hypothèses, et de chercher à caractériser les évolutions « hors système », en utilisant par exemple des scénarios probabilistes qui définiront en entrée le cadre de l’ACV. – La prise en compte des dimensions spatiales et temporelles. En effet dans le cas d’une ACV une émission de polluant a lieu en un point précis et à un moment donné. Dans le cas de système mettant en jeu de nombreux événements séparés dans le temps, il existe trois façons de traiter ces dernières : la première consiste à ignorer toutes spécificités spatiales et temporelles, et à ne considérer que des émissions agrégées dont le temps et le lieu ne sont pas spécifiés. La deuxième consiste à traiter toutes les émissions séparément. Enfin il est possible de chercher à agréger toutes ces données en utilisant une méthode qui permet de tenir compte de ces données spatiales et temporelles. Durant les dernières années de nombreux travaux ont cherché à développer des modèles de caractérisation spatialement différenciés, ainsi que des facteurs permettant des distinctions dans l’espace. Dans le cas d’une prise en compte de l’évolution temporelle du système, on cherchera à caractériser les 174 changements intervenant au sein du système en fonction du temps, et à quantifier les impacts correspondant, ce afin d’améliorer son analyse.