Mise en œuvre de la SAP étude de l’occupation des volumes libres
De nombreuses études de porosité sont fondées sur la méthode de Brunauer-Emmett-Teller (BET) et utilisent l’adsorption-désorption de gaz [18]. Cette méthode est néanmoins limitée à des volumes interconnectés, dont le diamètre interne dépasse 2 nm. Par exemple, la porosité des zéolithes 4A ne peut pas être étudiée par adsorption de N2. En effet, la zéolithe se comporte comme un solide non poreux vis-à-vis de ce dernier [9]. Nous avons choisi d’utiliser la SAP (Spectroscopie d’Annihilation de Positrons), mettant en œuvre une particule sonde, le positron, qui accède facilement à tous les volumes microporeux des zéolithes 4A. La SAP regroupe trois techniques de caractérisation différentes qui s’appuient sur le comportement des positrons : la ACAR (Angular Correlation of Annihilation Radiation), la DBS (Doppler Broadening Spectroscopy) et la PALS (Positron Annihilation Lifetime Spectroscopy). Nous avons mis en œuvre les deux dernières. L’intérêt de l’étude des zéolithes 4A en SAP est double. D’abord elle permet de compléter la caractérisation des zéolithes irradiées, par une analyse originale des volumes microporeux dans la zéolithe 4A et de leur remplissage progressif en eau. Sa localisation au sein de la structure est généralement déduite d’observations indirectes (chaleur d’adsorption, variations de masse…). L’analyse en SAP des échantillons de zéolithes, en particulier en PALS, permet une étude directe et in situ de l’adsorption hétérogène de l’eau dans les zéolithes.
Principe de la PALS et de la DBS
L’annihilation positron-électron
La PALS et la DBS se fondent sur l’analyse du comportement des positrons dans le matériau étudié. Lorsqu’un positron e+ , antiparticule de l’électron, traverse la matière, il perd son énergie cinétique et se thermalise, avant de s’annihiler avec un électron rencontré dans le matériau étudié [19]. Différents modes d’annihilation positron-électron Le mode d’annihilation le plus simple et le plus souvent présenté consiste en l’annihilation libre du positron avec l’électron. Un état lié transitoire appelé Positronium (Ps) peut toutefois être formé entre ces deux entités (Figure II-1). Mise en œuvre de la SAP étude de l’occupation des volumes libres Le positronium existe dans deux configurations de spins : si les spins sont antiparallèles, on parle de para-Positronium (p-Ps, état singulet). Celui-ci, très peu stable, s’annihile dans le vide après un temps de vie intrinsèque de 0,125 ns. Si les spins de l’électron et du positron de l’état lié sont parallèles, on parle d’orthoPositronium (o-Ps, état triplet). La configuration de spins de l’o-Ps diminue alors la probabilité d’annihilation e+ /e- par rapport au p-Ps. Il est donc plus stable que le p-Ps, avec un temps de vie dans le vide de 142 ns. Il peut s’annihiler avec un électron environnant plutôt qu’avec l’électron qui le compose, par effet dit « pick-off ». Sous l’effet des répulsions coulombiennes qu’il subit, l’o-Ps est localisé préférentiellement dans les puits de potentiels, c’est-à-dire dans les volumes libres du matériau. La durée de vie de l’o-Ps, sa capacité à se piéger dans les cavités d’un matériau et à s’annihiler par effet pick-off en font une sonde performante pour l’étude des volumes microporeux. Son temps de vie, déterminé par PALS, fournit des informations sur la dimension des cavités dans lesquelles il s’annihile. Plus la probabilité de rencontre avec un électron environnant est importante, plus son temps de vie est réduit. En d’autres termes, le temps de vie de l’o-Ps est sensible à l’occupation des volumes libres par toutes les espèces susceptibles de fournir des électrons pour une annihilation par effet pickoff (molécules d’eau adsorbées ou défauts de structure sous forme de groupements fonctionnels). Energie cinétique de l’électron dans le matériau sondé par le positron En première approximation, l’annihilation positron-électron est décrite comme ayant lieu entre un électron au repos et un positron thermalisé. Ceux-ci totalisent alors une énergie de masse de 1022 keV et une énergie cinétique nulle. D’après les lois de conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement, pour une annihilation via la formation de deux photons gammas, ceux-ci sont émis à 180° l’un de l’autre avec une énergie cinétique de 511 keV chacun. En réalité, l’électron peut posséder une petite quantité de mouvement. Le positron et l’électron totalisent alors une énergie légèrement supérieure à 1022 keV, qui entraîne un élargissement de la raie d’annihilation autour de 511 keV. Le moment cinétique caractérisant l’électron est différent suivant la couche électronique à laquelle il appartient, qu’il s’agisse d’un électron de cœur ou d’un électron d’une couche de valence [18]. Le pic détecté à une énergie de 511 keV, en apparence mono-énergétique, est la résultante du produit de convolution de plusieurs fonctions. Les électrons de valence, qui possèdent un faible moment Figure II-1 : Les différents modes d’annihilation positron-électron, avec formation possible d’un état lié, le positronium, qui possède une configuration ortho et une configuration para cinétique, seront à l’origine d’une gaussienne centrée à 511 keV, caractérisée par une faible dispersion énergétique. Les électrons de cœur possèdent un moment cinétique plus important. Ils seront à l’origine d’une gaussienne toujours centrée à 511 keV mais caractérisée par une largeur à mi-hauteur plus élevée. L’adsorption d’eau dans les zéolithes peut modifier la proportion d’annihilations avec les électrons de cœur ou avec les électrons de valence et peut être mise en évidence par DBS, technique qui s’intéresse à l’élargissement du pic associé à l’annihilation positron-électron. De même, des modifications consécutives aux irradiations sont susceptibles de modifier la dispersion en énergie du pic d’annihilation à 511 keV.
La PALS (Positron Annihilation Lifetime Spectroscopy)
Nous utilisons une source de 22Na qui se désintègre spontanément en émettant un positron et un atome excité de 22Ne. Ce dernier se désexcite quasi simultanément, en émettant un photon qui possède une énergie caractéristique connue de 1274 keV (Figure II-2). Ces photons sont détectables et différenciables des photons émis lors de l’annihilation positron-électron, caractérisés quant à eux par une énergie de 511 keV. La détection du photon possédant une énergie de 1274 keV permet de dater l’émission du positron. Ces photons sont appelés photons « start ». La détection d’un photon possédant une énergie de 511 keV, appelé photon « stop » permet de dater l’annihilation du positron, quel que soit son mode. La PALS consiste à mesurer le temps écoulé entre les deux, correspondant au temps de vie du positron dans le matériau. En particulier, nous nous intéressons au temps de vie de l’o-Ps, lié à la porosité des échantillons de zéolithes et à leurs propriétés d’adsorption. Le montage utilisé pour réaliser les acquisitions par PALS est représenté sur la Figure II-3 et apparaît sur la Figure II-7, c et d (page 139). Il est composé de deux chaînes de détection, comprenant chacune un ensemble scintillateur/photomultiplicateur et un discriminateur permettant de sélectionner les photons détectés en fonction de leur énergie. Un module de délai permet de retarder le signal « stop » (annihilation du positron) par rapport au signal « start » (émission du positron). Le temps qui s’écoule entre chaque émission de positron et chaque annihilation est alors mesurable et traduit en amplitude par le « TAC » (Time-Amplitude Converter). Le MCA (Multi-Canal Analyser) enregistre un nombre de coups par canal, correspondant Figure II-2 : Schéma de principe de la SAP temps de vie appliquée aux zéolithes A Chapitre 3 : Caractérisation des zéolithes 4A après irradiations externes 134 chacun à un intervalle d’amplitude, c’est-à-dire de temps. Le spectre correspond à la visualisation du nombre de coups enregistrés en fonction du temps de vie nécessaire à l’annihilation entre un électron et un positron (Figure II-4).