MISE EN OEUVRE DE LA METHODOLOGIE PROPOSEE SUR UNE GEOMETRIE TEST LE
CROISSANT
LE CROISSANT ET SON PROCESSUS DE FABRICATION
Particularités de cette géométrie pour l’étude des déformations en traitements
thermiques
Présentation de la géométrie L’éprouvette « croissant » est appelée ainsi à cause de sa forme éponyme. En langue anglaise, elle est d’ailleurs dénommée « C-ring », c’est-à-dire « anneau en forme de C ». Elle présente deux plans de symétrie. Les dimensions nominales retenues pour cette étude sont les suivantes (Figure III – 2) : • une longueur L=100 mm ; • un cylindre extérieur de diamètre De=70 mm ; • un cylindre intérieur de diamètre Di=45 mm et excentré de e=11 mm par rapport au précédent ; • une rainure d’un écartement de 16 mm constituant l’extrémité des pinces.
Influence de la géométrie sur les structures finales
L’étude bibliographique menée au chapitre I a montré l’importance des éléments de la géométrie nominale sur l’apparition des déformations critiques, lors d’un traitement thermique. Les conditions expérimentales du traitement thermique du croissant sont affectées par les trois points suivants de sa géométrie : • une longueur importante, comme celle retenue (L=100 mm), permet d’insérer des thermocouples en minimisant les perturbations du flux thermique. L’évolution de la température du croissant lors de la chauffe et de la trempe est alors obtenue ; • le ratio L/De, c’est-à-dire une hauteur importante par rapport au diamètre extérieur, minimise les effets de bords. Cependant, le refroidissement reste plus accentué et rapide aux bords de la pièce que dans les parties massives et il faut veiller à ne pas dépasser L/De = 8 en trempe huile par exemple [SIN91] ; • le ratio Di/De et l’excentration e créent plusieurs volumes, définissant ainsi le gradient d’épaisseur. Ce gradient crée lui-même un gradient de température lors du refroidissement du croissant et donc l’obtention finale de diverses structures à des divers endroits du croissant. En résumé, le ratio Di/De a un impact sur les vitesses de refroidissement et donc sur les structures finales [TEO06]. La prédiction non seulement des structures finales, mais aussi des duretés est possible via le diagramme TRC (Transformation en Refroidissement Continu). Celui-ci est spécifique à chaque matériau et à chaque condition d’austénitisation (voir exemple Figure III – 3). 3 Sens des composantes du gradient de structure : 1 radial 2 circonférentiel 3 longitudinal 1 2 a) b) c) 50% ferrite + 45% bainite + 5% martensite 100% martensite 65% bainite + 35% martensite Bout des pinces Peau Cœur Figure III – 3 : Lien entre vitesses de refroidissement et gradient de structure sur le croissant : a) diagramme TRC de la nuance 3, b) section horizontale à mi-hauteur et c) section verticale Concernant le croissant, il est possible d’établir une corrélation entre les zones de différentes épaisseurs du croissant, les vitesses de refroidissement et les structures finales (et donc les duretés). Le gradient d’épaisseur conditionne la répartition des températures au cours du refroidissement, et donc les vitesses de refroidissement présentes dans la pièce, in fine. La connaissance de ces vitesses et du diagramme TRC permet d’estimer la répartition des structures au sein d’une géométrie quelconque. Ce gradient de structure au sein du croissant est un vecteur à trois dimensions, sa norme, sa direction et son sens étant la résultante des composantes suivantes : • la composante radiale ; • la composante circonférentielle ; • la composante longitudinale. Pour le croissant et la nuance présentés dans l’exemple, la température de chauffe est de 930°C et la structure est totalement austénitique, car la température de fin de transformation austénitique AC3 est dépassée. Cette structure évolue entre cette température Chapitre III: mise en œuvre de la méthodologie sur une pièce test : le croissant 78 initiale de 930°C et la température finale de 20°C, en fonction des domaines de transformations de phases traversés. Les corrélations suivantes peuvent être établies : • la vitesse de refroidissement est très élevée au bout des pinces, car l’épaisseur y est la plus faible. En supposant une vitesse de refroidissement de 50°C par seconde, seul le domaine martensitique serait traversé, donc cette zone fine du croissant aurait une structure totalement 100% martensitique ; • une certaine épaisseur de peau du croissant est affectée par une vitesse de refroidissement moindre. En supposant cette vitesse à 5°C/s (soit dix fois moins qu’en bout des pinces), les domaines bainitique et martensitique seraient traversés. En lisant le diagramme TRC, cette peau contiendrait au final 65% de bainite pour 35% de martensite ; • le cœur du croissant est la zone refroidie la plus lentement. En supposant une vitesse de refroidissement de 0,5°C/s (dix fois moins que pour la peau), un amalgame de 50% de ferrite, 45% de bainite et 5% de martensite est formé.
L’ouverture des pinces, une déformation typique en traitement thermique
La géométrie particulière du croissant permet la création de gradients de température et de structure. Ces gradients créent des contraintes de traction et de compression qui provoquent des déformations plastiques, en cas de dépassement de la contrainte élastique du matériau. Compte-tenu de cette précision, une zone du croissant particulièrement sensible aux déformations est donc celles des pinces. En effet, si de fortes contraintes sont présentes dans cette faible épaisseur, les déformations peuvent être importantes. L’étude de la littérature sur le croissant permet d’identifier un phénomène de déformation typique du croissant : l’ouverture des pinces (Figure III – 4). L’ouverture des pinces est observée par Walton [WAL02], Hardin [HAR05], Hernández-Morales [HERN05], Li [LI05], Teodorescu [TEO06], Northwood [NOR07], Brooks [BRO07] sur des croissants chauffés à température d’austénitisation, puis trempés dans des bains d’huile. Cette ouverture se traduit géométriquement par un déplacement radial et tangentiel des pinces, alors que la partie massive du croissant est fixe. Ce phénomène est couramment cité car son effet est aisément quantifiable par la mesure au pied à coulisse de la différence d’écartement des pinces par rapport au nominal. La plupart des études de déformations du croissant se limite à ce phénomène dont l’amplitude est de quelques centaines de micromètres. Cependant, la déformation globale du croissant ne peut être limitée à la seule prise en compte de l’écartement des pinces, d’autant plus que cet effet local dépend d’un phénomène de déformation plus global qu’est l’ouverture des pinces. C’est pourquoi, dans ces travaux de thèse, la méthode présentée au chapitre II sera appliquée afin d’identifier puis de qualifier les phénomènes de déformations d’effets significatifs sur la déformation totale du croissant.