Mise en lumière des processus d’intégration et d’innovation en conception

Mise en lumière des processus d’intégration et d’innovation en conception

Liens potentiels entre méthodes de conception et processus d’intégration/innovation

Les chapitres théoriques ont présenté des éléments méthodologiques concernant les activités de conception relatives aux situations d’enseignement et d’apprentissage et aux technologies émergentes. Nous nous intéresserons aux méthodes de conception suivantes, car elles pourraient influer les processus d’intégration/innovation :  la construction conjointe du système technique et des pratiques enseignantes ;  l’implication de participants en conception ;  la confrontation des hypothèses de conception ;  le cadrage du champ des possibles.

Ces quatre méthodes sont généralement liées dans les activités de conception, comme l’illustrent les exemples de méthodes de conception suivants. Les démarches de conception centrée utilisateur impliquent la spécification du contexte d’utilisation, la participation de 94 futurs utilisateurs et des itérations sur les solutions de conception (c.-à-d. leur confrontation), mais elles peuvent être centrées davantage sur le système technique que sur l’activité (Maguire, 2001). Les activités de conception participatives favorisent l’identification des besoins et l’anticipation des usages (Bourmaud, 2006).

En revanche, elles n’induisent pas toujours de co-construire les usages et l’artefact technique ou de confronter les versions intermédiaires de celui-ci. Le modèle de la boucle de la conception de Rabardel (1995) traite de la définition des fonctions constituantes d’un système technique et des modes opératoires prévus des utilisateurs.

De plus, il induit des phases de confrontation par l’usage, pour favoriser l’apparition de genèses instrumentales, en faisant mobilisant également des utilisateurs potentiels. L’approche Design-Based Research (Brown, 1992 ; Collins, 1990) sollicite des enseignants en petit nombre afin de confronter les résultats d’une activité de conception en situation réelle. Cependant, elle n’implique pas nécessairement d’outil numérique. Les parties suivantes décrivent en quoi chaque méthode peut favoriser les processus d’intégration/innovation en conception.

La construction conjointe du système technique et des pratiques enseignantes

Nous avons souligné l’intérêt de considérer en conception à la fois les caractéristiques d’un artefact en cours d’élaboration et l’activité future dans laquelle il doit être introduit (Béguin, 2013). Un parallèle peut être fait avec l’approche instrumentale et les notions de fonctions constituantes et de modes opératoires prévus définis par des concepteurs (Rabardel, 1995). Or les enseignants peuvent utiliser des scénarios pédagogiques pour guider leur activité d’enseignement (Musial & al., 2011 ; Pernin & Lejeune, 2004).

Ces formes d’autoprescription cristallisent les pratiques des enseignants et renvoient, selon nous, à la notion de mode opératoire. Elles peuvent par conséquent faire l’objet d’une élaboration, ou d’une réélaboration, en conception, tout en guidant le développement du système technique (p. ex. Scenario-Based Design, Carrol, 2000). De plus, les tables interactives renvoient à un large éventail d’usages et de modalités d’interactions possibles (p. ex. Scott & al., 2003 ; Benko & al., 2009 ; Chaboissier, 2011).

En particulier, les différentes formes de représentation de l’information qu’elles offrent, grâce 95 aux interactions tangibles, présentent a priori un intérêt pour des activités d’enseignement et d’apprentissage (Manches & O’Malley, 2012). Dès lors, la définition des caractéristiques de la technologie en parallèle de celle des scénarios pédagogiques serait triplement intéressante pour articuler intégration et innovation. 

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En premier lieu, la définition des scénarios pédagogiques pourrait orienter les usages des tables interactives afin de les intégrer aux activités en classe et ainsi, impacter la définition des caractéristiques de l’application technique.  Par ailleurs, les caractéristiques singulières des tables interactives pourraient offrir de nouvelles possibilités dans les pratiques d’enseignement en termes, par exemple, de contenus à aborder, de tâches d’apprentissage ou de gestion de la classe.  Inversement, ces mêmes caractéristiques pourraient également impacter l’activité future des enseignants et des élèves. Elles induiraient alors des modifications de leurs pratiques pour intégrer l’artefact technique conçu dans les activités en classe. 

L’implication de participants en conception

Les démarches de conception participatives présentent plusieurs caractéristiques générales intéressantes pour notre problématique. Elles favorisent les apprentissages chez les concepteurs et les futurs utilisateurs : p. ex. des apprentissages mutuels (Ehn, 1998 ; Béguin, 2003 ; Barcellini, 2015) ou des apprentissages incidents relatifs à la dimension constructive de l’activité de conception (Samurçay & Rabardel, 2004). Ces apprentissages sont intéressants pour un projet de conception « technology-push » (Nelson, 2011) sur technologie émergente telle qu’une table interactive. En effet, les futurs utilisateurs ont a priori peu de connaissances sur son fonctionnement ou ses usages.

Leur participation en conception pourrait avoir comme premier effet de les former à la technologie pour les aider à se construire une représentation des possibilités offertes par les tables interactives. Ils pourraient par la suite devenir force de proposition en exploitant ses caractéristiques innovantes lors de la conception de l’artefact technique. Par ailleurs, nous avons vu que la formation des enseignants pouvait favoriser l’intégration du numérique dans leurs pratiques (Elliot, Livengood & McGlamery, 2012 ; Assude & Emprin, 2013). Or, compte tenu des formes d’apprentissages en conception, celles-ci peuvent participer à la formation d’enseignants concepteurs (Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015).

Ainsi, elles peuvent leur permettre d’articuler différents types de connaissances sur leur pratique et 96 sur les tables interactives (cf. le modèle des TPACK [Mishra & Koehler, 2006] et l’approche Learning by design [Brown & Campione, 1996]). Dès lors, cette articulation devrait favoriser l’intégration des tables interactives en classes par la construction de connaissances relatives à des modes opératoires adaptés. D’un autre côté, solliciter quelques enseignants pionniers dans le cadre d’une démarche itérative leur permettrait de construire de nouvelles connaissances et de nouveaux savoir-faire vis-à-vis des tables interactives afin d’innover dans leurs pratiques d’enseignement (cf. l’approche Design-Based Research [Brown, 1992 ; Collins, 1990]).

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