Mise en évidence des mécanismes physiologiques impliqués dans la toxicité des huiles essentielles

Mise en évidence des mécanismes physiologiques impliqués dans la toxicité des huiles essentielles

Les huiles essentielles ont été introduites dans le quotidien des ménages à des fins thérapeutiques depuis le premier millénaire, mais leur utilisation dans le domaine agroalimentaire est très récente. Ce sont des concentrés de molécules extraites à partir de plantes, le plus souvent par hydrodistillation. Par leur constitution chimique qui leur permet d’entrer en réaction avec d’autres molécules, dont celles constituant les organismes biologiques (parois, membranes, contenu cellulaire), elles ont des propriétés chimiques (pH, corrosivité), physiques (densité, indice de réfraction) et biologiques (comme leurs propriétés insecticides, antimicrobienne, antifongique mais aussi antioxydant et antiradicalaire) qui peuvent être exploitées dans la lutte contre le rancissement des produits alimentaires (Adorjan and Buchbauer, 2010). Leur origine biologique et leur biodégradabilité ont conduit à l’essor de leur utilisation dans le domaine agroalimentaire (Sharma and Pongener, 2010). De nombreuses recherches ont axé leur intérêt sur la mise en valeur des HE dans le domaine thérapeutique et alimentaire. La capacité des huiles essentielles à stimuler ou à inhiber les organismes antagonistes des intérêts humains a été étudiée- in vitro comme in vivo. Dans la protection des denrées alimentaires, les conditions dans lesquelles elles peuvent être utilisées ont été évaluées sur de nombreuses espèces dont les fruits que ce soit au champ ou au stade post-récolte (Dayan et al., 2009). Par contact direct ou par diffusion dans l’air, les HE diffusent à travers les stomates et la paroi cellulaire et interagissent avec le contenu cellulaire (Lara et al., 2014). Il en résulte parfois, une perturbation, pouvant conduire à la mort de l’organisme hôte, des réactions métaboliques et des processus biologiques, telle la respiration. Au même titre que certaines bactéries antagonistes des champignons phytopathogènes des fruits (Ramanujam et al., 2012), certaines HE ont aussi la capacité d’éliciter les mécanismes de résistance interne du fruit, en stimulant la synthèse des composés phénoliques, dont les acides phénoliques et les résorcinols pour les mangues, ainsi que l’activité des enzymes liés à la défense contre les attaques pathogènes comme la chitinase, la phénylalanine–amonia–lyase, la glucanase pour les fruits en général (González-Aguilar et al., 2007; Karunanayake et al., 2011). En effet, des études ont suggéré qu’elles peuvent stimuler la synthèse de composés phénoliques (Lattanzio et al., 1994) et des composés chitinolytiques (Herrera-Estrella and Chet, 1999) qui ont des rôles protecteurs contre les champignons phytopathogènes et les dégâts causés par ces derniers au niveau membranaire mais aussi au niveau intracellulaire. En effet, la membrane cellulaire a une composition variable de chitine, cellulose, glucane (polymère glucidique), lipide et protéine en fonction du groupe de champignons (Webster and Weber, 2007). En interagissant avec le contenu cellulaire, les HE peuvent influencer les traits biochimiques, physiques et même organoleptiques des fruits. En ANDRIANJAFINANDRASANA Soloniony Navalonamanitra, Thèse de Doctorat Mise en évidence des mécanismes physiologiques impliqués dans la toxicité des huiles essentielles 79 effet, des facteurs comme la respiration, l’acidité, la couleur, la teneur en sucre sont déterminants pour le parfum, le goût et même la fermeté, qui sont des éléments clé de la conservation post-récolte et du commerce des fruits (Irtwange, 2006; Rahul et al., 2015). D’autres recherches ont révélé qu’elles agissent à travers les molécules biologiquement actives qu’elles contiennent. En fonction de la nature de chacun de ces molécules et de leur proportion dans l’HE, une molécule peut être le seul principe actif de cette dernière. Son activité peut être stimulée par les autres composants de l’HE (les composants mineurs) et leurs activités s’ajoutent de façon synergique, ou diminuent par leur action antagoniste (Burt, 2004). Selon que la fongitoxicité d’une HE découle d’un principe actif ou non, elle peut être étendue à d’autres HE ayant des compositions analogues. Dans la recherche d’alternatifs biologiques des fongicides commerciaux, il devient par conséquent important de connaître la composition chimique des produits utilisés, de comprendre comment ces produits agissent sur l’organisme cible, à savoir le pathogène ; mais aussi sur l’organisme que l’on cherche à protéger, à savoir les fruits. Ces HE agissent –t-elles sur le système de défense interne du fruit, sur les processus métaboliques de ce dernier à travers un principe actif, ou, ces molécules interagissent –t- elles entre elles pour engendrer ces activités ? Cette partie de nos recherches doctorales part de l’hypothèse que les traitements fongicides à bases d’HE issues de la biodiversité malgache, utilisés dans la précédente partie, élicitent aussi les molécules précurseurs de la défense au sein de la peau du fruit (H1), sans altérer les processus métaboliques et biochimiques au sein de la pulpe (H2) et ce, par l’intermédiaire d’un principe actif qui est le composant majeur de l’HE (H3). Pour répondre à ces questions et tester nos hypothèses : – les peaux des mangues réunionnaises traitées avec l’HE la plus fongicide ont été analysées par rapport à leurs activités chitinase, phénylalanine-ammonia-lyase et teneur en résorcinol, – les pulpes de tous les fruits ont été analysées par rapport à leurs couleurs, acidités titrables, pH et teneurs en sucres solubles, – la composition chimique de toutes les HE a été déterminée, – la fongitoxicité in vitro et la fongitoxicité in vivo du composant majeur de l’HE la plus fongicide ont été déterminées et comparées avec celles de cette dernière. Une comparaison entre les effets de ce composant et ceux de l’HE sur l’activité chitinase, phénylalanine-ammonia-lyase teneur en résorcinol de la peau des mangues réunionnaises ANDRIANJAFINANDRASANA Soloniony Navalonamanitra, Thèse de Doctorat Mise en évidence des mécanismes physiologiques impliqués dans la toxicité des huiles essentielles 80 traitées avec ces deux produits ainsi que la couleur, l’acidité titrable, le pH et la teneur en sucres solubles de la pulpe des fruits traités des mêmes manières, a été effectuée.

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Evaluation des effets du traitement sur les processus physiologiques au sein du fruit

Principe

Il s’agit de traiter les fruits à l’HE et de voir si le traitement a un effet sur les processus physiologiques internes du fruit, à travers les indicateurs biochimiques de la peau et la pulpe. La teneur en molécules fongicides au niveau de la peau des fruits est évaluée dans la mesure où les principaux mécanismes de défenses des fruits contre les champignons phytopathogènes sont : la synthèse de molécules à activités parolytiques (dont la chitinase qui catalyse la dégradation de la chitine composant les parois des champignons) (Herrera-Estrella and Chet, 1999) ainsi que la synthèse de composés phénoliques qui est catalysée par l’enzyme phénylammonia lyase (PAL) (Hahlbrock and Scheel, 1989; Iriti and Faoro, 2009) et ces mécanismes de défenses sont localisés au niveau de la peau. Les effets des traitements sur les différentes propriétés biochimiques de la pulpe sont aussi évalués pour mettre en évidence d’éventuels impacts du traitement sur les mécanismes physiologiques au sein même du fruit et donc sur la qualité de ce dernier. b. Modèle Le modèle d’étude est constitué de : 3HE : à savoir les HE de ravensare, l’HE de girofles de Madagascar et l’HE de menthe synthétisée par Xeda internationale. fruits : Musa acuminata (bananes malgaches), Carica papaya Var. Solo (papayes malgaches), Mangifera indica Var. Diego (mangues malgaches) et Var. Cogshall (mangues réunionnaises) c. Dispositif expérimental i. Préparation des fruits Les fruits sont d’abord nettoyés à l’eau courante, puis stérilisés à l’alcool avant d’être séchés à l’air libre. Ils sont ensuite numérotés, pesés, la couleur initiale est mesurée par traitement d’image ou avec un chromamètre. ii. Echantillonnage Avant l’expérience (temps T0), cinq fruits sont : – pesés – leurs pulpes et peaux sont découpées, photographiées, pesées, emballées dans du papier aluminium puis plongées 5 minutes dans de l’azote liquide, sorties de l’aluminium et mixées jusqu’à obtention d’une poudre sèche qui se conserve à -80°C dans un flacon de 40mL, en prenant soin de faire un flacon pulpe et deux flacons peau (l’un sera lyophilisé et l’autre non). iii. Traitement L’intérieur de deux caissons est recouvert avec du papier aluminium afin de limiter l’imprégnation d’HE. Dix fruits sont ensuite déposés dans ces deux caissons. 500mL d’HE est alors pulvérisé à l’intérieur de l’un des caissons. Enfin, les caissons sont refermés et le tout est incubé dans une chambre froide à 20°C pendant X jours avant de retirer le revêtement en aluminium. X est le delai maximum d’incubation des fruits avec les HE sans endommager ces derniers. A l’excéption de l’HE de ravensare type MC pour laquelle X=1h, X=1j pour toutes les HE. L’expérience est arrêtée quand les fruits ont atteint leur maturité maximale (environ deux semaines après le début de l’expérience). Un échantillonnage de cinq fruits est effectué après l’incubation (T1) et en fin de maturation des fruits (Tf). Faute de moyens, cet echantillonage final Tf est estimé visuellement. Il est de 7 à 10 jours après l’arrivée des fruits (T0) pour les fruits malgaches et 10 à 15 jours après l’arrivée des fruits pour les mangues réunionnaises. 

Analyse des échantillons

L’analyse de l’activité PAL, de l’activité chitinase et de la teneur en résorcinol concerne uniquement les peaux de mangues réunionnaises tandis que la mesure des propriétés biochimiques a été effectuée sur les pulpes de tous les fruits. i. L’activité Phénylalanine– Ammonia – Liase L’activité PAL induite par les traitements effectués au niveau de la peau des fruits est évalué en ajoutant 0.25g de peau lyophilisée à de 1.5mL de tampon borate bétamercaptoethanol 0.1M [pH 8.6 : 4.828mg de B4Na2O7(10H2O) dissouts dans 100mL de H2O ultra pure (au bain ultrason)+20mL de HCl 0.5N+43µL de béta-mercaptoethanol] ainsi que de 0.05g de polyvynilpolypirrolidine (PVPP). L’ensemble est homogénéisé au vortex puis centrifugé à 12000g pendant 20mn et à 4°C. 200µL de surnageant est ensuite ajouté à 0.05g de PVPP, 160µL de phénylalanine et 600µL de tampon borate béta-mercapthoethanol. Le mix est incubé 1h à 30°C au bout duquel la réaction est stoppée avec 160µL d’acide trichloracétique 28%. L’ensemble est incubé 5min pour précipiter les protéines avec l’acide avant de centrifuger 20min à 12000g et 4°C. La mesure est ensuite effectuée à 290nm avec 200µL par microplaque sur un lecteur de plaque en quartz. ii. L’activité chitinase 0.2g de peau lyophilisé sont ajoutés à 2mL de tampon Sodium acétate 50mM [(pH 5.0 : 29.6mL de A+70.4mL de B, A : 100mL (2.889 mL d’Acide acétique + Eau ultrapure), B : 100mL (4.1015g d’acétate de Sodium, Poids moléculaire 82.03 + Eau ultrapure)]. L’ensemble est centrifugé à 12000g pendant 5 à 10mn et à 4°C. La chitinase n’étant pas soluble, elle doit être resuspendue dans le tube par vortex pour obtenir une suspension représentative de l’échantillon. 600µL de cette suspension est ensuite ajouté de 125µL de chitine azure 2% (50mL de tampon sodium acétate 50mM + 1g de chitine azure). La réaction est stoppée avec 25µL de HCl 1M avant de centrifuger l’ensemble 5min à 12000g et 4°C. La mesure est ensuite effectuée à 550nm avec 200µL par microplaque sur un lecteur de plaque Biotek Powerwave HT.

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