Milton Babbitt et l’émergence du concept de groupe en musique et musicologie

Milton Babbitt et l’émergence du concept de groupe en musique et musicologie

La conception de la méthode dodécaphonique comme un « système », au sens mathématique du terme, se précise chez le compositeur américain dès les années quarante, comme le témoigne un document qui n’a été rendu publique que récemment. Il s’agit de sa thèse de doctorat intitulée The function of Set Structure in the Twelve-Tone System, complétée en 1946 mais approuvée par le département de musique de l’Université de Princeton seulement au début des années quatre-vingt-dix33. Ce travail académique représente un moment très important de l’histoire des méthodes algébriques en musique. Pour la première fois, la méthode dodécaphonique est décrite comme une « structure », ou, dans la terminologie de Babbitt, un « système » qui est constitué par un « ensemble d’éléments, de relations entre ces éléments et d’opérations sur ces éléments » [BABBITT 1946/1992, viii]34 .

Le compositeur reconnaît que cette perspective structurale du dodécaphonisme n’abouti pas, dans son étude musicologique, à une formalisation algébrique explicite, car « une vraie mathématisation aurait besoin d’une formulation et d’une présentation dictées par le fait que le système dodécaphonique est un groupe de permutations qui est façonné [shaped] par la structure de ce modèle mathématique » [BABBITT 1946/1992, ii]35 . Il conclut alors cette discussion sur le caractère informel de sa démarche, d’un point de vue strictement mathématique, en affirmant qu’une approche de type algébrique « représenterait la façon définitive d’aborder ce sujet, aussi bien d’un point de vue de la rigueur que d’une efficacité opérationnelle » [BABBITT 1946/1992, ii].

En dépit de ces précautions, Milton Babbitt fait un pas décisif vers l’approche algébrique quand il utilise la notion de congruence (modulo 12) pour définir ce qu’il appelle les « nombres d’ensemble » [set numbers]. L’ensemble, dont la structure est étudiée dans sa fonction à l’intérieur du système dodécaphonique, pour reprendre le titre de sa dissertation, est donc bien le groupe cyclique d’ordre 12. Cela explique le choix terminologique de Babbitt de ne pas utiliser les termes employés traditionnellement pour indiquer la série dodécaphonique (row et series). Ces deux termes ont, selon Babbitt, une connotation « thématique » qui affirme la prédominance de la composante horizontale sur toute organisation harmonique du système dodécaphonique.

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Omni-combinatorialité du premier ordre

Un hexacorde omni-combinatoire est du premier ordre s’il y a une seule valeur de transposition entre lui et son complémentaire. Cette famille est constituée des trois hexacordes qu’on notera H1 , H2 et H3 . Leurs complémentaires sont notés respectivement h1 , h2 et h3. La (seule) transposition qui permet de passer d’un hexacorde Hi à son complémentaire hi est celle de triton, c’est-à-dire de six demi-tons. En suivant l’usage traditionnel de l’école américaine44, on notera T6 cette transposition. On pourra donc écrire la condition qui caractérise tout hexacorde omni-combinatoire du premier ordre à l’aide de la simple équation : T6(Hi )=hi pour tout index i=1, 2, 3.

Omni-combinatorialité du deuxième ordre Il n’y a qu’un seul hexacorde omni-combinatoire du deuxième ordre, c’est-à-dire tel qu’il y a deux valeurs de transposition entre lui et son complémentaire. Il sera noté H4 et les deux valeurs de transposition sont respectivement la tierce mineure et la sixte majeure, ce qui donne, dans la terminologie adoptée, les deux transpositions T3 et T9 respectivement. Formellement on obtient les deux relations : T3(H4 )=h4 et T9(H4 )=k4 où les deux hexacordes h4 et k4 sont le même hexacorde complémentaire de H4 si la transposition est calculée modulo l’octave : Figure 5 : L’hexacorde du deuxième ordre avec ses deux transpositions

Omni-combinatorialité du troisième ordre

Il n’y a qu’un seul hexacorde omni-combinatoire du troisième ordre, c’est-à-dire tel qu’il y a trois valeurs de transposition entre lui et son complémentaire. Il sera noté H5 et ces trois valeurs de transposition sont respectivement la seconde majeure (T2 ), le triton (T6 ) et la septième mineure (T10), comme le montre la figure suivante. Encore une fois, les trois hexacordes ainsi obtenus se réduisent (modulo l’octave) à un seul hexacorde h5 complémentaire de H5 

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