Microvasculature du tissu adipeux

Microvasculature du tissu adipeux

Comme cela a été décrit dans le chapitre précédent, l’homéostasie du tissu adipeux est fortement impactée lors du développement de l’obésité. La survenue de phénomènes délétères comme l’hypoxie, la fibrose et l’inflammation conduisent rapidement à l’apparition de troubles fonctionnels et métaboliques au sein de ce tissu. Même si l’ordre d’apparition et d’importance de ces événements restent difficiles à établir, il semble évident que l’hypertrophie adipocytaire (et l’hypoxie cellulaire qui en découle) est un élément précurseur dans cette cascade physiopathologique. De ce fait, l’étude de la microvascularisation du tissu adipeux semble essentielle. Le tissu adipeux est extraordinairement vascularisé. On observe néanmoins des différences suivant le type de dépôts adipeux. En effet, le tissu adipeux viscéral possède une densité capillaire inférieure au tissu adipeux sous-cutané, qui lui-même a une densité capillaire plus faible que le tissu brun, le tissu le plus vascularisé de l’organisme (Villaret et al. 2010; Gealekman et al. 2011). Du fait de cette forte présence vasculaire, les cellules endothéliales, formant l’épithélium simple des capillaires sanguins représentent la deuxième population cellulaire dans le tissu adipeux après les adipocytes. Elles forment un réseau dense permettant d’entourer chaque adipocyte d’une cavité vasculaire. 1) L’angio-adaptation tissulaire : S’il existe encore de nombreuses interrogations sur les phénomènes qui guident les cellules endothéliales dans l’espace pour qu’elles puissent s’y agencer et former un tel réseau complexe en trois dimensions, on sait que ce réseau forme une structure dynamique subissant des phénomènes de remodelage constants et importants par l’intermédiaire de sa croissance, de son extension ou sa régression au sein des différentes zones. Ce processus de remodelage des capillaires sanguins est appelé « angio-adaptation » et représente la plasticité du réseau capillaire en réponse à l’environnement tissulaire dans lequel les vaisseaux se situent. Le réseau capillaire en réponse à divers stimuli, qu’ils soient physiologiques ou pathologiques, peut se développer (principalement via le processus d’angiogenèse), être stabilisé ou encore régresser. Revue de la littérature 66 De ces trois mécanismes, le processus de croissance capillaire ou angiogenèse est de loin le plus documenté.

L’angiogenèse

La formation et la croissance des vaisseaux sanguins sont réalisées grâce à de nombreux processus biologiques incluant la vasculogenèse, l’artériogenèse et l’angiogenèse (Carmeliet & Jain 2000; Cao 2009a). Alors que la vasculogenèse et l’artériogenèse sont essentielles pour la formation directe de structures vasculaires primaires à partir de précurseurs mésenchymateux dans les premiers instants de l’embryogenèse (Jain 2003; Swift & Weinstein 2009), l’angiogenèse est un processus clé de la néovascularisation permettant la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir d’une structure endothéliale préexistante. On distingue trois types de processus d’angiogenèse : l’angiogenèse par bourgeonnement, par intussusception et par recrutement des cellules souches endothéliales circulantes (Korpisalo & Ylä-Herttuala 2010; Fang & Salven 2011) (Figure 19). Figure 19: Les mécanismes de croissance vasculaire et les différents processus d’angiogenèse (d’après (Korpisalo & Ylä-Herttuala 2010). Parmi ces mécanismes, l’angiogenèse par bourgeonnement est celui le mieux décrit. La première phase de ce processus est la perméabilisation vasculaire. Elle correspond à un Revue de la littérature 67 relâchement des contacts intercellulaires inter-endothéliaux, de la matrice extracellulaire et des cellules péri-endothéliales que sont les péricytes et les cellules musculaires lisses (Potente et al. 2011). Ces modifications permettent de faciliter la migration et la prolifération des cellules endothéliales à travers la matrice et la paroi vasculaire. Les cellules endothéliales vont proliférer et migrer de façon organisée en cône de croissance avant de former ensuite un tube endothélial en s’allongeant et à l’intérieur duquel on retrouve une lumière ou lumen (Carmeliet & Jain 2011). L’angiogenèse par intussusception diffère de celui par bourgeonnement dans la mesure où celui-ci n’entraine pas la prolifération des cellules endothéliales pour former un nouveau vaisseau. Ce dernier se forme grâce au réarrangement des structures préformées, à savoir par compartimentation d’un vaisseau qui va se scinder en deux en s’invaginant dans la lumière endothéliale (Makanya et al. 2009). L’angiogenèse, quel que soit son type, est un processus peu fréquent chez l’adulte. En effet, les cellules du réseau vasculaire sont dans un état quiescent et la croissance de nouveaux vaisseaux ne s’observe que dans certaines situations physiologiques comme par exemple, dans le muscle lors d’une activité physique soutenue (Olfert & Birot 2011; Potente et al. 2011), dans la muqueuse utérine au cours du cycle menstruel chez la femme ou lors de processus de réparation tissulaire.

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Stabilisation et régression 

Même si la communauté scientifique porte un intérêt moindre aux phénomènes de stabilisation et de régression vasculaires comparativement à l’angiogenèse, ces deux processus physiologiques jouent un rôle fondamental dans le maintien des propriétés fonctionnelles du réseau capillaire. La stabilisation du réseau vasculaire fait intervenir les cellules périendothéliales comme les péricytes ou les cellules musculaires lisses (Bergers & Song 2005). Leur rôle consiste à stabiliser les vaisseaux naissants en inhibant la prolifération et la migration des cellules endothéliales tout en stimulant la synthèse de matrice extracellulaire autour de celles-ci. Elles jouent en plus un rôle de protection en préservant la structure endothéliale de la rupture ou de la régression. La stabilisation vasculaire est un mécanisme primordial lors du processus d’angiogenèse où la croissance des vaisseaux est concomitante avec le recrutement des péricytes et des cellules musculaires lisses remodelant et stabilisant les nouveaux capillaires sanguins afin d’éviter une angiogenèse anarchique (Gerhardt 2008; Carmeliet & Jain 2011). En Revue de la littérature 68 l’absence de péricytes et de cellules musculaires lisses, la rupture des interactions entre ces cellules péri-endothéliales, la matrice extracellulaire et la cellule endothéliale induit l’apoptose de cette dernière. C’est cette disparition de contact cellule-matrice qui sera à l’origine du phénomène de régression capillaire.

La balance angio-adaptative 

L’angio-adaptation de la microcirculation d’un tissu en faveur d’une angiogenèse, d’une stabilisation ou d’une régression du réseau capillaire existant est très finement régulée par une variété importante de molécules pouvant intervenir à toutes les étapes de l’angio-adaptation. Le fait que, chez l’adulte, la vascularisation de la plupart des tissus soit sous une forme quiescente et stabilisée suggèrent l’existence de régulateurs négatifs qui empêchent la croissance des vaisseaux sanguins. A l’appui de ce concept, de nombreux inhibiteurs endogènes de l’angiogenèse ont été identifiés que ce soit dans les tissus sains ou pathologiques (O’Reilly et al. 1994, 1997; Cao 2001). Leurs actions vont essentiellement conduire à l’apoptose des cellules endothéliales, l’inhibition de la prolifération, la migration des cellules endothéliales et la formation de tubes endothéliaux via notamment la rigidification de la matrice extracellulaire. Parmi ces inhibiteurs on peut citer notamment l’angiostatine, la thrombospondine-1/2 (TSP1/2) et l’endostatine. L’initiation d’un phénomène pro-angiogénique requiert alors un puissant stimulus capable de dépasser le signal de ces régulateurs négatifs pour faire pencher la balance angio-adaptative en faveur d’une croissance vasculaire (Cao 2004). En effet, il est retrouvé dans les tissus présentant des phénomènes de néovascularisation des niveaux d’expression importants de régulateurs positifs de l’angiogenèse (Cao 2009b). Ces régulateurs positifs vont agir sur l’augmentation de la perméabilité membranaire (Ve-cadhérine), la dégradation de la matrice extracellulaire (MMPs, héparinases), le recrutement dynamique des cellules périendothéliales (intégrine αvβ3, angiopoiétine 1/2), et bien évidement sur la prolifération et la migration des cellules endothéliales (VEGF, PDGF-B. HGF, récepteur Tie-1). Parmi l’ensemble des voies régulant la migration et la prolifération des cellules endothéliales, l’interaction entre les signalisations du VEGF et Notch va jouer un rôle primordial. Le VEGF et Notch forment deux gradients de concentration qui vont guider la formation et la migration des cônes de croissance vasculaire pour élaborer un réseau vasculaire optimal (Cao 2009b; Sawamiphak et al. 2010; Benedito et al. 2012) (Figure 20).

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