Microscopies et mécanismes de déformation
Microscopies et mécanismes de déformation
Les essais mécaniques réalisés et présentés précédemment ont permis de mettre en évidence le comportement du PVDF en fonction de nombreux paramètres comme la température, la vitesse, le type de chargement, la triaxialité….Suivant le choix de ces paramètres, la rupture du PVDF peut être soit ductile quand la propagation est stable, soit fragile quand la propagation est instable. Les essais ont également montré que le matériau s’endommageait avant rupture, révélé notamment par un fort blanchiment des zones déformées. Dans ce chapitre, les résultats mécaniques vont être reliés aux observations microscopiques. Dans un premier temps, la microstructure initiale du matériau va être observée. Ensuite, seront présentés en détails les mécanismes d’endommagement du PVDF pour différents types d’éprouvettes sous différents chargements. Dans un troisième temps, les différences microstructurales entre un faciès de rupture ductile et un faciès de rupture fragile seront décrites. Enfin, les différents types de propagation de fissures seront reliés aux conditions de chargement et au taux de triaxialité des contraintes t . A. Le matériau L’utilisation de la microscopie électronique à balayage sur un polymère nécessite tout d’abord un dépôt de laque d’argent sur tout l’échantillon excepté sur la zone à observer. Ce dépôt permet d’éviter tout dégazage de l’échantillon dans l’enceinte du microscope lors de la mise sous vide de l’échantillon. Afin d’éviter les accumulations d’électrons à la surface, les échantillons sont ensuite métallisés sur une hauteur d’environ 2.5 nm avec un mélange or-palladium. Cela permet la conduction des électrons, sans nuire à l’observation de la surface. La tension d’accélération choisie est de 4 kV et le détecteur utilisé est à électrons secondaires. Cette technique permet la mise en évidence des reliefs de surface. Une zone sombre représentera un creux et une zone claire sera plutôt une bosse. Dans ces conditions, il est possible de travailler jusqu’à des grandissements de 100000 fois. Dans ces situations même avec une métallisation correcte, il faut une mise au point rapide sur l’échantillon pour éviter toute accumulation d’électrons sur la surface.
Observations de la structure sphérolitique
Comme il a été rappelé dans le premier chapitre au paragraphe A.II.3, la microstructure sphérolitique du PVDF est difficilement observable. Le matériau est résistant par rapport à de nombreux composés chimiques, il est alors assez difficile de trouver une attaque chimique permettant de dissoudre préférentiellement la phase amorphe par rapport à la phase cristalline. Les travaux de Glennon et al [Glennon et al, 1997, 1998] ont déjà été mentionnés dans le premier chapitre, où l’utilisation de l’acide nitrique fumant sur du PVDF plastifié permet de dissoudre préférentiellement le plastifiant localisé dans la phase amorphe. Ainsi, sur la surface, seule la phase cristalline reste ensuite visible. Sans être spécifique au PVDF, l’acide nitrique permet de dissoudre la phase amorphe du PVDF par le biais de la présence du plastifiant. Nous disposions d’un grade de PVDF identique au nôtre, extrudé cette fois-ci en présence de plastifiant. En se basant sur la même procédure que Glennon et al, on a attaqué plusieurs échantillons par de l’acide nitrique fumant. La figure III.1 présente deux micrographies après attaque chimique de surface de PVDF plastifié. Figure III.1 Micrographies de surface de PVDF plastifié après attaque à l’acide nitrique fumant Les micrographies révèlent une structure sphérolitique plus ou moins ordonnée. Des brins cristallisés (ou fibrilles) forment de manière plus moins classique des structures circulaires comme sur la figure III.1.c. Le diamètre sphérolitique du matériau plastifié est d’environ 2 µm et la largeur des fibrilles est d’environ 200 nm. Des résultats similaires ont été obtenus sur du PVDF de différentes longueurs de chaînes moléculaires [Ludwig et Urban, 1998]. La même attaque est réalisée sur le matériau de l’étude sans plastifiant en suivant exactement les mêmes recommandations. Ces attaques sont menées sur des échantillons issus des plaques ou des tubes en face interne ou externe. L’examen surfacique de ces échantillons avant attaque indique que seule la surface interne des tubes est suffisamment lisse pour permettre une observation directe. Pour les autres surfaces, il faut réaliser un surfaçage par microtomie pour enlever notamment les marques laissées par l’extrusion. Ces surfaçages par microtomie ont été réalisés à l’aide d’un couteau en carbure de tungstène ou d’un couteau en verre à -50°C. L’avantage des couteaux en verre est d’être jetables garantissant une surface de découpe sans défauts. Seules les observations faites après attaque sur la surface interne des tubes sont présentées (cf. Figure III.2). Figure III.2 Micrographies de la surface interne des tubes après attaque à l’acide nitrique fumant Au plus faible grandissement (cf. Figure III.2.a), l’attaque a été assez virulente puisque de nombreux trous sont présents sur la surface. Il semble pourtant que l’attaque ait permis de mettre en évidence une structure assez ordonnée puisqu’il est possible d’observer une succession d’îlots circulaires juxtaposés les uns contre les autres. A plus fort grandissement (cf. Figure III.2.b) et malgré la présence de trous dus à l’attaque, on observe des brins cristallisés. Bien que les observations soient moins convaincantes que celles du matériau plastifié, le diamètre sphérolitique peut être estimé entre 1 et 2 µm (cf. Figure III.2.c). 2 µm 2 µm Brins cristallisés sphérolite a b c 10 µm 5 µm 2 µm Trous dus à l’attaque a b c Néanmoins, il sera difficile d’utiliser cette attaque pour révéler par exemple un chemin de fissuration inter ou intrasphérolitique. Seul le surfaçage par microtomie paraît être la méthode à adopter pour étudier microscopiquement les mécanismes de déformation et d’endommagement du PVDF. Il faut signaler que les trous observés sur les figures précédentes sont dus uniquement à l’attaque chimique. La porosité dont il va être question par la suite n’a aucun lien avec les trous créés par l’acide nitrique. A.II Mise en évidence de la porosité initiale par cryofractographie Bien que le PVDF soit connu pour présenter quelques défauts de cristallisation [Maccone et al, 2000], il n’a jamais été montré auparavant que le matériau pouvait contenir des défauts tels que des porosités. Pourtant, des micrographies de surface de rupture d’essais de traction réalisés à -100°C semblent indiquer le contraire (cf. Figure III.3). Or, à cette température, on est proche d’une rupture sans déformation plastique préalable, comme l’indique la courbe contrainte-déformation avec un comportement fragile presque exclusivement élastique. L’hypothèse peut donc être faite que le faciès de rupture obtenu est très proche de celui qui serait obtenu par cryofractographie. La cryofractographie est une méthode permettant de révéler une microstructure interne sans au préalable déformer le matériau ni l’attaquer chimiquement. Elle consiste à laisser un échantillon dans l’azote liquide pendant plusieurs heures pour garantir un refroidissement complet. Dans le cas de l’étude, une lame de rasoir a été préalablement implantée dans l’échantillon avant refroidissement, pour permettre de fissurer plus rapidement le matériau dès qu’il est refroidi suffisamment. La microstructure obtenue est alors considérée comme représentative de la microstructure initiale. Figure III.3 Micrographie d’un faciès de rupture suite à un essai de traction réalisé à –100°C et 1,5.10-4 s -1 Sur le faciès de rupture de la figure III.3, de nombreuses cavités sont présentes. Comme la matière ne s’est pratiquement pas déformée plastiquement au cours de cet essai, il est postulé que ces cavités sont présentes dans le matériau avant essai. Afin de vérifier cette hypothèse, différentes cryofractographies sur le matériau neuf sont réalisées, à la fois sur les tubes ou sur les plaques. Les pré-fissurations initiales sont faites suivant différentes directions : dans le sens de refroidissement (cf. Figure III.4) et dans le sens de l’extrusion (cf. Figure III.5). La vitesse de refroidissement au moment de la cristallisation joue très souvent un rôle dans la formation de cavités dans la structure [Friedrich, 1979] et la vitesse d’extrusion peut donner une orientation préférentielle à la matière.