Microscopie de fluorescence en réflexion totale à l’échelle de la molécule unique
Bases de microscopie de fluorescence Nous présenterons dans cette section les principes de base de la microscopie de fluorescence et ce qui a amené l’équipe à choisir la microscopie TIRFM parmi les techniques existantes.
Phénomène de fluorescence
Description du phénomène de fluorescence
Une molécule fluorescente est une molécule qui, suite à l’absorption d’un rayonnement, va émettre à son tour de façon spontanée de la lumière. Cette propriété est intrinsèque aux molécules en question. Figure 2.1 – Diagramme de Jablonski avec les niveaux d’énergie singulets et triplets d’une molécule fluorescente organique La fluorescence est un processus d’interaction lumière-matière qui peut être décrit du point de vue de la physique moléculaire en considérant le diagramme de Jablonski (figure 2.1). La molécule est initialement dans l’état singulet fondamental S0. Par absorption d’un photon elle est amenée dans un état vibrationnel de l’état excité singulet S1. Suit alors un retour à l’état fondamental par l’émission d’un photon de fluorescence. Il est important de noter qu’un processus vient concurrencer la fluorescence quand la molécule est dans l’état S1. Elle peut être amenée par le phénomène de croisement inter-système dans un autre état excité métastable appelé état triplet. Ce processus bien que peu favorable (il s’agit normalement d’une transition interdite) a une probabilité non nulle de se produire.
Phénomène de photoblanchiment
L’état triplet présenté dans le paragraphe précédent a un temps de vie relativement long (10−3 à 10−4 s) en comparaison du temps de vie de l’état singulet (entre 10−7 à 10−9 s pour des Bases de microscopie de fluorescence fluorophores organiques), ce qui autorise des interactions entre la molécule excitée et son environnement. L’une de ces interactions est appelée processus de photoblanchiment. Par réaction chimique photo-induite avec l’environnement et en particulier avec l’oxygène qu’il contient, les molécules piégées dans l’état triplet vont perdre leur propriété de fluorescence. Le photoblanchiment entraine une perte irréversible de la fluorescence de la molécule au bout d’un temps variable. Néanmoins, pour chaque type de fluorophore, on peut caractériser le phénomène de photoblanchiment en regardant l’évolution temporelle du signal de fluorescence d’un grand nombre de molécules émettrices. Ce signal décroit mono-exponentiellement au cours du temps et le temps caractéristique de décroissance du signal donne la durée de vie avant photoblanchiment τ du fluorophore dans les conditions d’excitation de l’expérience. Le phénomène de photoblanchiment dépend du fluorophore, des conditions d’excitation et de l’environnement du dit fluorophore. Il est donc difficile de donner une valeur absolue de la durée de vie avant photoblanchiment, il faut l’évaluer dans les conditions réelles de l’expérience pour un marqueur fluorescent donné. En pratique, c’est une grandeur empirique. Figure 2.2 – Exemple de courbes d’évolution de la fluorescence au cours du temps pour différents fluorophores organiques. Source : ENS Cachan, TP cours M1. Comme nous souhaitons observer la disparition du signal de fluorescence des marqueurs lorsqu’ils sont détachés par le ribosome, le phénomène de photoblanchiment est en concurrence directe avec le signal de traduction. Augmenter la durée de vie de nos fluorophores en minimisant le phénomène de photoblanchiment est donc un enjeu important pour notre étude. Cet enjeu se pose dès la conception de l’expérience dans le choix des fluorophores utilisés pour marquer l’ARN messager.
Choix du type de fluorophores
Les fluorophores utilisés pour marquer l’ARN messager ont été choisis selon deux critères principaux : leurs propriétés photophysiques (brillance, spectres d’émission et d’absorption…) et leur adaptation au système rapporteur décrit dans le chapitre 1. 57 Chapitre 2. Microscopie de fluorescence en réflexion totale à l’échelle de la molécule unique Il nous faut prendre en considération la nécessité de venir hybrider les fluorophores sur l’ARN messager via des oligo-nucléotides. Le fluorophore doit donc être compatible avec une accroche de ce type. Mais il faut également que le ribosome puisse détacher la sonde fluorescente au moment de son passage. Cette nécessité exclut des fluorophores qui auraient une dimension trop importante. Figure 2.3 – Echelle de taille de quelques fluorophores comparés aux éléments constitutifs de notre système rapporteur. Les nanocristaux semi-conducteurs (ou quantum dots) ou les nanodiamants par exemple, bien que présentant des propriétés photophysiques très intéressantes (photoblanchiment faible ou inexistant, grande brillance) ont presque la même dimension que le ribosome (cf.figure 2.3). Ils risquent de perturber fortement l’activité de celui-ci au moment où il les rencontre. On favorise donc des petits fluorophores organiques dont la dimension, de l’ordre du nm, est beaucoup plus adaptée. Ces molécules sont aussi facilement couplées à un oligo-nucléotide. Notre choix s’est porté sur les ATTO 565 et 647N (disponibles commercialement chez ATTOTEC ou directement couplés à des brins d’ARN chez Eurogentec par exemple) pour leurs excellentes propriétés photophysiques en molécule unique. Nous les exciterons respectivement dans le vert (532nm) et dans le rouge (640nm). Leur spectres sont présentés sur la figure 2.4. Maintenant qu’ont été présentés les aspects de marquage essentiels pour réaliser une expérience de microscopie de fluorescence, nous décrirons les techniques de microscopie de fluorescence utilisées pour sa mise en œuvre.