METHODOLOGIE POUR LA DEFINITION DE SCENARIOS HUMANITAIRES REALISTES ET REPRESENTATIFS

METHODOLOGIE POUR LA DEFINITION DE SCENARIOS HUMANITAIRES REALISTES ET REPRESENTATIFS

L’étude approfondie d’un réseau logistique suppose de s’intéresser aux flux, aux profils de demande, aux coûts des structures, au dimensionnement des ressources, à la rotation de stocks, aux objectifs de service, et à beaucoup d’autres facteurs encore. Ces éléments sont particulièrement difficiles à obtenir dans le cadre humanitaire. Le cas de la « demande » est notamment très critique tant l’incertitude y est grande. De prime abord, on peut imaginer qu’il est difficile, voire impossible, de prévoir l’emplacement et l’amplitude de la prochaine catastrophe humanitaire… Et même si l’on pouvait s’en approcher, le contexte serait tellement changeant que les informations deviendraient rapidement erronées ou incomplètes. Pourtant, les acteurs du monde humanitaire ont tout à gagner à pouvoir bénéficier d’outils d’aide à la décision capable de les aider à réaliser leurs missions. Charles (2010) a démontré qu’une grande majorité des outils disponibles, notamment pour concevoir les réseaux logistiques, sont développées au travers d’approches de type recherche opérationnelle et optimisation. Martel et al. (2013) ont par ailleurs souligné le fait qu’une grande partie de ces propositions étaient déterministes et ne considéraient que trop simplement le caractère incertain de l’humanitaire. Plus récemment, une tendance forte au développement d’approches stochastiques ou floues est apparue. La limite de ces travaux porte souvent sur l’utilisation de données de demande très simplistes qui ne permettent pas de véritablement valider les bénéficies et limites des propositions faites et de réellement donner confiance aux utilisateurs potentiels (Cassidy, 2003 : Murray, 2005 : Charles, 2010 : Martel et al. 2013). C’est pour pallier cette difficulté que plusieurs auteurs ont suggéré de s’intéresser à la réalisation de prévisions de demande en contexte humanitaire et à l’élaboration de scénarios réalistes (Charles, 2010 : Peres et al. 2012 : Braman et al. 2013).

Le sujet même de nos travaux de recherche invite à se poser la question de comment anticiper les futures catastrophes et leurs impacts potentiels. Si cette question a peu de sens dans le cadre de catastrophes majeures de type tsunami en Indonésie en 2004, tremblement de terre en Haïti en 2010, tsunami au Japon en 2011 ou typhon aux Philippines en 2013, le sujet prend tout son sens dans le cadre de crises récurrentes du type de celles que nous souhaitons étudier. Comme les travaux de (Charles, 2010), (Kovács et al., 2007) ou (Peres et al., 2012) l’ont démontré, l’occurrence de catastrophes récurrentes n’est pas si imprévisible que ce que le sens commun peut laisser croire. Sur cette base, et dans le cas exclusif des catastrophes récurrentes, nous émettons l’hypothèse qu’un système de prévisions doit pouvoir être établi. L’objectif étant de pouvoir disposer d’une estimation réaliste de la future « demande » à laquelle les chaînes logistiques humanitaires devront répondre. Pour alimenter cette réflexion, nous proposons dans cette section un rapide tour d’horizon du sujet de l’estimation de la demande d’abord par le prisme traditionnel de l’industrie, puis par celui de la gestion de crises. Dans un deuxième temps, nous proposerons une méthodologie instrumentée susceptible de concrétiser l’établissement de prévisions de besoin pour le cas des catastrophes récurrentes.

Il existe diverses méthodes pour obtenir des prévisions. Ces méthodes reposent implicitement sur l’idée qu’il est possible de prévoir la demande future du produit étudié en se basant sur un certain référentiel de connaissance. Les méthodes de prévision dépendent de la manière de construire ce référentiel. Pour un produit totalement nouveau ou récent sur le marché, on utilise l’avis d’expert ou les informations recueillies en testant le produit sur un panel restreint d’utilisateurs potentiels. Lorsque le produit (ou des produits similaires) sont déjà présents sur le marché, on utilise la connaissance du passé pour extrapoler le futur. Deux phases sont alors nécessaires pour établir une prévision (Bourbonnais et UD’après Bourbonnais et Usunier (2001). La figure suivante présente les grandes étapes d’un système de prévision des ventes dans le monde commercial. Avant toute chose, il convient de collecter les données qui serviront à la modélisation du passé. Ces données devront être fiables et en nombre suffisant. Ensuite, vient la méthode de prévision à proprement parlée quelle qu’elle soit. Le traitement est alors informatisé et les données éventuellement mises à jour. La prévision peut alors être définie et validée avant d’être diffusée auprès de l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique qui travaillent avec.  sunier, 2001) : Les informations utilisées peuvent être quantitatives (constituées de données chiffrées) ou qualitatives (basées sur des opinions). Les techniques et outils sur lesquels reposent les méthodes de prévisions dépendent bien évidemment de la nature de ces données. Les méthodes quantitatives partent de données chiffrées. Ces données peuvent être internes à l’entreprises : historique de ventes mensuelles, chiffre d’affaire réalisé au cours des dernières années. On parle alors de méthodes quantitatives endogènes. Mais elles peuvent aussi provenir de l’environnement extérieur (indices des prix, indices économiques, ventes d’autres produits complémentaires …). On parle alors de méthodes quantitatives exogènes. Ces méthodes sont faciles à mettre en place (un tableur est suffisant pour les calculs). Elles sont simples et rapides à utiliser lorsque le modèle a été développé. Les principaux logiciels du marché les proposent. Les données nécessaires existent le plus souvent dans les systèmes d’information des entreprises (ex. ventes des mois passés) ou sont faciles à trouver (ex. indices économiques). Lorsqu’on dispose d’un historique suffisant, on va extrapoler cet historique pour obtenir les prévisions. On parle alors d’analyse des séries chronologiques. Les principales méthodes d’analyse des séries chronologiques en production manufacturière sont la moyenne mobile, le lissage exponentiel simple, double (modèle de Holt) ou triple (modèle Holt-Winters) et les méthodes de Box-Jenkins. D’autres méthodes issues du monde économique existent également telles que les modèles économétriques Inputs/Outpts (dont the Regional Economic Modeling System, REMI et the Computable Equilibrium Models). Elles forment le gros des méthodes de prévision proposées par les logiciels du marché. Leur inconvénient principal est leur faible capacité à prendre en compte des facteurs «nouveaux» ou imprévus. La longueur de l’historique est importante. Par exemple, si les ventes sont saisonnières sur une année, il faut disposer d’au moins deux années d’historiques. Dans le cas contraire, les prévisions relèvent du domaine de l’expertise. Pour certains produits, il est possible de relier la demande aux ventes réalisées antérieurement sur d’autres produits (les pièces de rechange par exemple) ou sur des faits passés (la vente de petits pots bébé est liée aux naissances des mois précédents). Lorsqu’il est possible de corréler la demande avec des phénomènes sur lesquels on dispose de données statistiques fiables, on utilise des méthodes de corrélation et l’économétrie. Les méthodes quantitatives s’appuient sur des données. Or, les données dont on dispose, bien qu’elles soient vraies et reflètent la réalité, ne sont pas forcément exploitables telles quelles dans les calculs. Pour un certain nombre de raisons, les données brutes ne sont pas toujours homogènes ou induisent des biais. Il faut donc procéder à un nettoyage préliminaire des données avant de les utiliser (ou en termes plus précis : redresser les chroniques). Inversement, il faudra parfois redresser les prévisions issues des calculs pour tenir compte d’évènements à venir connus (promotions, vacances…). Dans les méthodes dites qualitatives (parce qu’on n’y traite pas des chiffres et des quantités), on utilise des données subjectives. Ces données dépendent du jugement, de l’expérience et de l’expertise de certains acteurs. Elles sont les seules envisageables lorsqu’il existe très peu de données sur le produit étudié (introduction d’un nouveau produit ou pénétration d’un nouveau.

 

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