38,6 milliards, c’est le nombre d’objets connectés dans le monde en 2025 selon les prédictions de Strategy Analytics réalisées en mai 2019 [1]. De plus en plus de circuits électroniques et microélectroniques prennent place dans notre quotidien et leur nombre ne cesse d’augmenter.
Si leur nombre augmente, la taille de ces dispositifs quant à elle tend à diminuer, afin qu’ils soient moins intrusifs et plus facilement intégrables dans leur milieu d’évolution, grâce aux avancées technologiques réalisées ces dernières années. Mais cette réduction de la taille amène à la réduction d’une partie de ressources disponibles sur ces produits, et plus particulièrement l’énergie, point très critique pour les applications de l’Internet des Objets. En parallèle, les circuits embarqués deviennent de plus en plus complexes, afin d’y intégrer plus de sécurité, plus de fonctionnalités, et de les rendre plus fiables. Cette augmentation de la complexité se traduit par une augmentation de la capacité à traiter l’information, et par conséquent un besoin en énergie plus grand. La technologie CMOS a toutefois évolué elle aussi, permettant de répondre à cette augmentation de la complexité tout en étant plus efficace énergétiquement. Cependant, cette amélioration progressive n’est pas éternelle et des limites de la technologie semi-conducteur ont été atteintes : les performances des processeurs augmentent difficilement depuis quelques années, si bien qu’ils sont mis en parallèle pour gagner en performances de calcul ; les effets parasites comme la résistance et l’effet capacitif des lignes de métal sont trop importants ; la densité de puissance augmente ; le nombre de défauts lors de la fabrication est plus important. Le développement des circuits intégrés est alors ralenti : pour réduire la proportion de circuits défaillants en sortie de production, le nombre de règles de conception augmente, allongeant alors le temps nécessaire à leur vérification.
La technologie CMOS traditionnelle n’est alors plus suffisante pour répondre aux contraintes posées par une grande partie des applications. Des solutions alternatives sont alors envisagées pour compléter ou remplacer la technologie traditionnelle et permettre la conception de circuits intégrés toujours plus rapides, plus petits, plus fiables, plus efficaces énergétiquement et moins coûteux. Deux points clefs sont ciblés : les éléments de mémorisation et la technologie transistor.
Différents types d’éléments dédiés à l’entreposage des données sont utilisés dans la hiérarchie mémoire des systèmes sur puces embarqués. Des registres du processeur et de ses périphériques aux mémoires principales, différentes solutions sont aujourd’hui utilisées selon les besoins exprimés en tous points de cette hiérarchie : temps de lecture, temps d’écriture, énergie nécessaire pour chaque opération, débit maximum, énergie statique, capacité, encombrement, non-volatilité, accès direct, procédé de fabrication, coût. Chaque solution présente des caractéristiques différentes, avec ses points forts mais également des contraintes. Ainsi, la technologie mémoire utilisée pour entreposer un programme applicatif n’est pas la même que celle utilisée pour contenir l’état du processeur. Aucune des solutions actuelles ne pouvant idéalement remplacer chaque élément de mémorisation d’un système sur puce sans contraintes, c’est un assemblage de différentes technologies qui permet d’obtenir une hiérarchie mémoire optimisée, mais certes pas encore idéale.
Afin d’améliorer l’efficacité énergétique de ces circuits, des stratégies d’économie d’énergie sont mises en place pour réduire leur consommation en courant, plus particulièrement en limitant ou en supprimant les pertes dues à des éléments internes ou à des parties de ces derniers lorsqu’ils sont inactifs, et ce grâce à des techniques de régulation dynamique de l’alimentation et de la performance des éléments concernés (DVFS, Dynamic Voltage and Frequency Scaling). Mais plus la stratégie est agressive en terme d’économie d’énergie, plus elle est contraignante : augmentation de la complexité des circuits, de leur temps de conception et de réalisation ; temps de réaction plus long face à un événement selon le mode d’économie d’énergie utilisé; gestion des différentes stratégies pas toujours évidente ; temps de développement plus long…
L’utilisation de solutions alternatives est nécessaire pour outrepasser les limites des technologies actuelles. Si différentes options sont envisagées, l’intégration d’une technologie mémoire magnétique dans les systèmes embarqués est une solution prometteuse qui apporterait une nouvelle façon de gérer de l’énergie pour les applications de type Internet des Objets.
De nouvelles stratégies et solutions techniques sont proposées pour améliorer l’efficacité énergétique des dispositifs sans fils utilisés pour de nombreuses applications de l’Internet des Objets ; les solutions traditionnelles n’étant plus suffisantes pour une partie des applications. La combinaison de deux technologies sera à l’étude au cours de cette thèse : la technologie FD-SOI (silicium sur isolant) et les mémoires magnétiques, plus particulièrement de type STT. Le premier objectif de la thèse est de définir et mettre en place les outils nécessaires à l’évaluation de ces nouvelles solutions intégrées dans les microcontrôleurs, et de définir une méthodologie d’évaluation adaptée et tenant compte du contexte applicatif. Les technologies mémoires non-volatiles permettent de mettre en place de nouvelles stratégies pour la gestion de l’énergie, en particulier la réalisation de circuits dits normalement éteints ; le second objectif de la thèse est la mise en place et l’adaptation de ces stratégies grâce à ces technologies émergentes, d’optimiser l’intégration et l’utilisation de celles-ci, et de les évaluer dans le but de qualifier leurs apports et leurs limitations pour les applications embarquées.
Depuis la création des premiers réseaux informatiques à grande échelle dans les années 1960, qui après plusieurs décennies d’évolution, a permis d’obtenir le réseau de communication mondial « internet » tel qu’on le connaît aujourd’hui, l’interconnexion de capteurs et de détecteurs à ces réseaux pour la récupération d’informations à distance a toujours suscité un grand intérêt. Initialement filaires, l’utilisation de réseaux sans fils pour ce type de dispositifs a rapidement été motivée par des frais de déploiement et de maintenance élevés [2].Il faudra toutefois attendre latoute fin des années 1990 avant de voir les premiers réseaux de capteurs sans fil connectés aux réseaux informatiques conventionnels, en particulier grâce aux projets Smart Dust [3], [4] et WINS (Wireless Integrated Network Sensors) [5]. Dès les débuts du projet Smart Dust, les plus grandes difficultés rencontrées étaient liées à l’énergie, et les participants au projet ont mis en évidence l’importance de l’efficacité énergétique des systèmes intégrés, jusqu’alors mise au second plan par les concepteurs en faveur des performances seules de ces systèmes. L’utilisation de récupérateurs d’énergie, en particulier des cellules photovoltaïques, était déjà envisagée pour répondre au problème de la densité énergétique du produit [3]. Aujourd’hui, plusieurs milliards de dispositifs sans fil sont connectés à internet et peuvent communiquer entre eux ou avec d’autres composants du réseau mondial, dans le cadre de ce qu’on appelle l’Internet des Objets. Si les différentes technologies utilisées pour réaliser ces dispositifs ont évolué au fil des années, la principale source de contraintes des premiers réseaux de capteurs sans fil, l’énergie, reste encore aujourd’hui le problème majeur. C’est cette question de l’optimisation de l’efficacité énergétique des systèmes sur puce très basse consommation pour l’Internet des Objets qui nous a motivé à réaliser ce projet.
L’Internet des Objets est défini par l’Union Internationale des Télécommunication (UIT, ou ITU pour International Telecommunication Union) comme une infrastructure mondiale pour la société d’information interconnectant des objets, qu’ils soient physiques ou virtuels, grâce aux technologies de l’information et de la communication, pour disposer de services évolués [6]. Les objets sont dotés de dispositifs capables d’agir (actionneurs), de saisir une information (capteurs), de la traiter et/ou de la transmettre. Les technologies mises en œuvre, les supports et protocoles de communications, les types de dispositifs utilisés et leur comportement sont choisis pour répondre aux services et aux contraintes imposées par une application donnée.
Au-delà de l’Internet des Objets, dans le cas de déploiement de dispositifs sans fils servant essentiellement à la saisie d’informations relatives à un objet ou à un milieu, on parle plus spécifiquement de réseau de capteurs sans fils (WSN, Wireless Sensors Network), où ces dispositifs sont appelés « nœuds capteur ». Un réseau de capteurs sans fil n’est pas nécessairement connecté au niveau mondial ni au niveau régional. Quel que soit l’échelle de ces réseaux, l’utilisation de telles infrastructures est présente dans de nombreux domaines, pour une très grande diversité d’application :
– dans la sécurité civile, pour la prévention et la gestion des catastrophes, d’origines naturelles ou humaines, la surveillance des personnes à risques ou encore la localisation de victimes après une catastrophe [7] ;
– dans l’agriculture, pour le suivi des événements météorologiques, la bonne utilisation et l’optimisation des ressources, le contrôle de maturité, la détection de maladies ou d’invasion de parasites et de nuisibles ; dans l’élevage, pour le suivi des animaux domestiques, de leur santé, la détection de parturition et de ponte, la détection d’attaque de prédateurs [8] ;
– dans les villes (mais aussi bien au-delà), pour la gestion et l’optimisation du trafic urbain, des emplacements de stationnement, de l’acheminement et du traitement des eaux usées et des déchets, de la distribution de l’eau et de l’énergie, des services de livraison, des transports en commun, de la navigation des véhicules d’urgence et de secours, la surveillance des infrastructures routières et des bâtiments [9] ;
– dans la santé, pour le suivi à distance des conditions physiques des personnes, pour la détection de malaises, de chutes, d’évanouissements et autres situations de détresse, pour l’aide au diagnostic, pour la détection et le suivi d’épidémies, pour la détection de la contamination de l’eau et des produits comestibles, pour le suivi de la chaîne de froid des médicaments, des aliments et autres produits sensibles à la température [10] ;
– dans l’industrie, pour l’identification, la localisation, le suivi et la protection des objets, des outils, des marchandises et des personnes, pour l’optimisation des ressources, pour le diagnostic, la prise de décision et la reconfiguration automatisés, pour l’optimisation de la production en général [11] ;
– dans le secteur militaire, pour la détection, la localisation et le suivi de troupes, de véhicules de missiles et de drones, pour la détection de substances chimiques, d’armes biologiques et explosives, pour des services de navigation et de guidage.
1. Introduction générale |