Méthodes quantitatives pour l’identification de sections de route dangereuses

Méthodes quantitatives pour l’identification de sections de route dangereuses

Problèmes liés à la qualité des données

Il est connu que les accidents corporels de la circulation ne sont que très incomplètement recensés par les forces de l’ordre (Amoros et al., 2006), en France comme dans la plupart des autres pays. Cela ne poserait qu’un problème relatif si ce sous-enregistrement ne concernait que les accidents les plus bénins, et si le degré de sous-enregistrement était relativement stable dans le temps et dans l’espace. Or ce n’est pas le cas.

En particulier, les pratiques peuvent varier d’une circonscription administrative à l’autre, selon le service de gendarmerie ou de police concerné. Et pour un même ressort territorial, le degré de recensement peut varier grandement dans le temps, du moins pour les accidents corporels sans hospitalisation1 .Il faut donc prendre garde à ce que la sophistication des analyses quantitatives ne conduise pas à masquer la fragilité de leurs résultats, liée entre autres aux limites des données sur lesquelles elles s’appuient.

D’autre part, la recherche de zones dangereuses sur la base d’une approche quantitative des accidents observés suppose évidemment que les accidents soient bien localisés dans l’espace. Il semble que la localisation par coordonnées GPS du lieu de l’accident soit présente dans le fichier national des accidents corporels, de façon quasi-systématique depuis 2017, du moins pour le secteur d’intervention de la gendarmerie nationale (présence des coordonnées GPS dans 97 % des cas sur le secteur gendarmerie). Un état du pourcentage de cas d’accidents disposant d’une localisation GPS dans ce fichier sur les années 2005-2016 a été publié (El Mansouri et Fournier, 2018).

Mais la précision de la localisation GPS de l’accident reste assez mal connue. Sur ce point, une première évaluation sommaire a été faite sur 50 cas d’accidents (en milieu urbain et non urbain) pour lesquels les coordonnées GPS étaient fournies dans le fichier national des accidents. Pour 86 % d’entre eux la distance entre le lieu réel de l’accident – obtenu après des investigations poussées incluant l’analyse du procès-verbal d’accident – et la position GPS donnée dans le fichier est de moins de 100 m. Mais dans 6 % des cas la différence excède 300 m (El Mansouri et Fournier, 2018).

Enfin, certaines techniques d’identification de zones dangereuses utilisent des indicateurs rapportant les nombres d’accidents aux volumes de trafic : taux d’accidents, au sens du nombre d’accidents sur la période d’étude rapporté aux kilomètres parcourus (véhicules kilomètres) sur la même période, ou nombre d’accidents en carrefour rapporté aux volumes de trafic sur les deux routes concernées. Selon les réseaux étudiés, et en particulier sur les réseaux ouverts (donc hors autoroutes et infrastructures similaires), les données peuvent être manquantes ou imparfaites (compteurs en nombre trop limités compte tenu des changements de volume de trafic liés à certains carrefours intermédiaires ; compteurs temporaires impliquant des extrapolations un peu hasardeuses ; compteurs en panne sur certaines périodes, etc.).

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D’autre part, il est fréquent que, pour les intersections, le niveau de trafic sur la route secondaire ne soit pas connu. Si l’on souhaite prendre en compte plus systématiquement les trafics dans la recherche de zones ou points dangereux, on peut se demander s’il ne faudrait pas accéder à certaines données des opérateurs de télécommunication sur les traces GPS des smartphones pour avoir des informations plus systématiques (la réquisition de ces données pour des usages d’intérêt public ne serait pas nécessairement choquante). Cela ne peut se faire sans certaines précautions (règlementation sur la protection des données personnelles), et cela supposerait aussi quelques calibrages et vérifications par comparaison avec les mesures de compteurs fixes.

Aspects aléatoires, utilisation de la distribution de Poisson

La survenue d’un accident est un phénomène en partie aléatoire au sens où, si elle peut être vue comme la conséquence d’un certain nombre de déterminants, d’états, de faits où événements antérieurs, elle dépend néanmoins aussi d’un grand nombre de conditions dont la présence ou la coïncidence dans le temps et dans l’espace peut être considérée comme aléatoire (comme le fait que deux usagers soient présents au même moment dans une intersection, par exemple, ou, plus simplement, la conjonction d’un état de grande fatigue chez le conducteur et de la présence d’une forte pluie limitant la visibilité , etc.).

Du fait de ces facteurs aléatoires, sur un site routier, même lorsque le volume de trafic et le niveau intrinsèque de sécurité de ce site ne varient pas dans le temps, le nombre observé d’accidents subit d’importantes fluctuations aléatoires d’une période d’observation à l’autre. Pour tenir compte de ces fluctuations aléatoires dans les analyses, il est usuel d’avoir recours à la distribution statistique de Poisson. Le recours à la distribution de Poisson est justifié dans la mesure où elle est particulièrement adaptée à la représentation d’événements rares et indépendants, et où, en outre, divers travaux de recherche ont confirmé la bonne adéquation de cette distribution aux données empiriques sur les accidents survenus sur des sites routiers considérés individuellement (voir par exemple Nicholson et Wong, 1993 ; Jarrett, 1994).

Dans ce cadre, le nombre observé d’accidents sur une période d’étude donnée (de cinq ans, disons, ou tout autre choix), que nous noterons x, est vu comme la réalisation d’une variable aléatoire de Poisson X, de moyenne m. Cette moyenne m (espérance mathématique de X) n’est pas observable mais on considère qu’elle représente le « vrai » niveau d’accidentalité du site au sens où, si on pouvait observer ce site sur une infinité de périodes semblables et dans des conditions identiques, on 4 observerait en moyenne m accidents par période.

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