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Introduction
Actuellement, le développement durable et l’impact de la construction sur l’environnement et sur la santé des occupants sont devenus des problématiques majeures. Afin de répondre aux nouvelles attentes dans le domaine du bâtiment, de nombreux aspects sont étudiés, comme l’optimisation de la consommation énergétique de l’habitat ou l’utilisation de matériaux écologiques. Parmi eux, la terre crue connait ainsi un fort regain d’intérêt, et ce, pour de nombreuses raisons environnementales, économiques et patrimoniales. Ce matériau de construction ancestral est utilisé à travers le monde, et fut populaire jusqu’à la moitié du XXème siècle en France. Sa capacité thermique (stockage et restitution de chaleur) et et ses propriétés de régulation de l’humidité de l’air intérieur sont intéressantes (Minke, 2006; Pacheco-Torgal and Jalali, 2012), permettant ainsi d’assurer un confort intérieur avec un environnement tempéré et frais. De plus, la terre crue peut être associée à des fibres végétales (paille, chanvre, etc.) afin de concevoir des matériaux biosourcés avec de très bonnes performances en matière d’isolation thermique (Binici et al., 2007; Laborel-Préneron et al., 2016). En supplément des propriétés énergétiques et de confort, ce matériau ne nécessite pas de transformation industrielle et est généralement issu directement du sol à proximité du lieu de construction, ce qui lui confère un impact environnemental quasi-nul (González and García Navarro, 2006) et en fait un matériau peu onéreux (Williams et al., 2010).
Toutefois, la terre crue reste sensible à l’eau et peut être altérée lors d’intempéries, de ruissellements ou de dégâts des eaux. De plus, une des problématiques associées aux fortes humidités intérieures est le développement de microorganismes dans l’habitat. La terre crue ayant besoin d’être humidifiée pour sa mise en place, la prolifération de moisissures à la surface de matériaux avec inclusion biosourcée a déjà pu être observée (Flament, 2013; Marcom, 2011). Les risques de prolifération sur les matériaux de construction à base de terre crue restent assez mal caractérisés, malgré les enjeux qu’ils représentent en termes de maintien de la qualité de l’air intérieur.
En effet, l’homme est plus de 80 % du temps à l’intérieur, et son exposition aux particules présentes dans l’air des bâtiments est particulièrement importante (Brasche and Bischof, 2005). Depuis plusieurs décennies, une prise de conscience des problématiques sanitaires et économiques liée à la pollution de l’air intérieur a lieu. En 2014, une étude menée par l’ANSES1, l’OQAI2 et le CSTB3 a évalué le coût de la pollution intérieure par différents
1 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
2 Observatoire de la qualité de l’air intérieur
3 Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
composants (benzène, radon, monoxyde de carbone, etc.) à près de 20 milliards d’euros, notamment en se basant sur les coûts de mortalité, de qualité de vie ou encore de perte de productivité. De nombreux composants sont impliqués dans la détérioration de la qualité de l’air (monoxyde de carbone, amiante, etc.), et parmi eux les polluants biologiques produits lors de la prolifération fongique et bactérienne (COV, allergènes, toxines, etc.) (ASEF, 2012). En effet, lorsque des conditions environnementales particulières sont atteintes (humidité, température, nutriments), certains microorganismes peuvent se développer de manière importante (Andersson et al., 1997; Gravesen et al., 1999), émettant alors de nombreux composés nocifs dans l’air intérieur (Kirchner et al., 2011). L’OMS4 a établi en 2009 qu’il y avait suffisamment de résultats confirmant l’impact de l’occupation d’un bâtiment humide et/ou avec présence de moisissures sur le développement de nombreuses maladies tels que des allergies, des irritations voir des pathologies plus graves comme des infections. Le nombre d’habitations touchées par ces développements fongiques serait particulièrement élevé, de l’ordre de 10 à 50 % suivant les pays.
Les matériaux de construction étant un support de développement et prolifération des microorganismes, il est important de mieux appréhender leur comportement dans les conditions hygrothermiques (normales et accidentelles) rencontrées dans les bâtiments. De nombreuses études se sont ainsi intéressées au développement bactérien et fongique sur les matériaux conventionnels (plâtre, béton, etc.), afin d’identifier les conditions environnementales nécessaires à leur croissance sur ces supports. Toutefois, peu d’études se sont intéressées aux supports en terre crue et à leur sensibilité au risque fongique et bactérien, ainsi qu’à l’impact de l’ajout de fibres végétales sur ces risques. Les flores bactériennes et fongiques présentes dans les habitats conventionnels ont été caractérisées et reliées à différents facteurs (géographie, saison, etc.) (Adams et al., 2013a, 2014; Dunn et al., 2013; Lax et al., 2014), que cela soit dans des conditions normales ou suite à des accidents hydriques. Mais celles présentes in situ sur les matériaux à base de terre ne sont pas connues, et un inventaire des microorganismes présents au sein d’habitations en terre se révéle nécessaire pour appréhender les éventuels risques de développement.
Le projet ANR BIOTERRA (2014-2018) a pour but d’identifier et de caractériser la prolifération microbienne sur des produits de construction biosourcés, et de proposer des solutions pour réduire ou inhiber ces proliférations, dans la perspective de mettre en œuvre
4 Organisation Mondiale pour la Santén
des bâtiments sains et durables. Ces travaux de thèse, intégrés dans ce projet ANR, ont eu pour objectif plus particulièrement de caractériser et d’identifier les flores fongiques et bactériennes présentes sur les matériaux en terre crue, à la fois dans des matières premières et sur des murs dans des constructions du patrimoine. Pour cela, des méthodes de prélèvement et d’analyse par biologie moléculaire des flores microbiennes présentes sur ces matériaux ont été développées et mises en place. La présence de microorganismes dans des matériaux, biosourcés ou non, a également été évaluée au fil du processus de fabrication, ainsi que lorsque les matériaux ont été soumis à des conditions d’humidité extrême. Enfin, une piste de maîtrise de la prolifération fongique a été initiée à travers le développement de méthodes de lutte biologique en utilisant des flores bactériennes antifongiques, initialement présentes dans la terre crue.
Suite au premier chapitre que constitue cette introduction, un second chapitre fait la présentation des informations issues de la littérature. Les méthodes de fabrication à base de terre crue sont présentées, de même que les techniques existantes de prélèvement et d’évaluation des flores microbiennes intérieures. Les différentes communautés bactériennes et fongiques issues du sol et de l’habitat sont décrites, ainsi que les conditions de prolifération de certains microorganismes et les risques sanitaires associés. Enfin, le concept de biocontrôle est présenté, en vue d’un transfert à l’échelle du matériau de construction.
Le troisième chapitre présente l’optimisation des méthodes de prélèvements pour les matériaux en terre crue, ainsi que la caractérisation par culture des flores présentes dans les matières premières et sur les matériaux in situ. L’isolement de bactéries par culture a permis l’initiation des méthodes de biocontrôle appliquées aux matériaux en terre crue. L’activité antifongique des isolats bactériens obtenus in situ a ainsi été évaluée afin de sélectionner ceux présentant le plus d’intérêt pour une future application sur matériau.
Le quatrième chapitre concerne l’analyse par biologie moléculaire (séquençage haut-débit) de la diversité et de la composition des communautés microbiennes, assurant une représentativité plus exhaustive des microorganismes prélevés qu’avec les approches culturales.
Table des matières
Abréviations
Chapitre 1 – Introduction
Chapitre 2 – Etude bibliographique : la flore microbienne associée aux constructions
terre crue
2.1. La terre crue : diversité des constructions et origine du regain d’intérêt.
2.1.1. L’Histoire de la terre crue en France
2.1.2. Quel type de terre est utilisé en construction ?
2.1.2.1. Formation du sol
2.1.2.2. Composition du sol..
2.1.2.3. Sélection du type de terre pour utilisation en terre crue dans la construction
2.1.2.4. Ajouts à la terre crue
2.1.3. Différentes techniques de construction en terre crue
2.1.3.1. Le pisé
2.1.3.2. La bauge
2.1.3.3. L’adobe
2.1.3.4. Le torchis
2.1.3.5. Les enduits de protection
2.1.4. Intérêts de la terre crue dans le bâtiment
2.2. Méthodes d’évaluation et de caractérisation des flores environnementales
2.2.1. Généralités sur les microorganismes
2.2.1.1. Les champignons
2.2.1.2. Les bactéries.
2.2.2. Méthodes de prélèvements
2.2.2.1. Prélèvements de surface
2.2.2.2. Prélèvement de l’air.
2.2.3. Méthodes d’analyses des communautés microbiennes
2.2.3.1. Méthodes phénotypiques
2.2.3.2. Méthodes d’identification par détection des composés chimiques/biochimiques
2.2.3.3. Méthodes de biologie moléculaire
2.2.3.3.1. Extraction d’ADN
2.2.3.3.2. Méthodes d’analyse par empreinte génétique
2.2.3.3.3. Méthodes d’analyse par hybridation génétique
2.2.3.3.4. Méthodes d’analyse par séquençage génétique
2.2.3.3.4.1. Techniques de séquençage
2.2.3.3.4.2. Sélection du marqueur génétique
2.2.3.3.4.3. Analyses des données de séquençage
2.3. Etude des flores environnementales
2.3.1. Flore microbienne du sol
2.3.2. Flore microbienne associée à l’habitat
2.3.2.1. Origines des microorganismes à l’intérieur des habitats
2.3.2.2. Flores microbiennes dans les habitats sains..
2.3.2.3. Flore microbienne dans les habitats humides
2.3.3. Qualité de l’air et impacts sanitaires
2.3.3.1. Enjeux de la qualité de l’air
2.3.3.2. Typologie de la pollution intérieure
2.3.3.3. Développement microbien et pollution de l’air intérieur
2.3.3.3.1. Conditions environnementales de prolifération des microorganismes au sein du bâtiment
2.3.3.3.2. Impact des matériaux de construction sur la prolifération des microorganismes
2.3.3.4. Impacts de la détérioration de la qualité de l’air intérieur par les microorganismes sur
des occupants
2.4. Biocontrôle de la prolifération fongique
2.5. Objectifs de la thèse
Chapitre 3 – Etude par culture de la flore microbienne des matériaux biosourcés
3.1. Matériaux et sites de prélèvement étudiés
3.1.1. Matériaux étudiés
3.1.2. Sites de prélèvements
3.2. Mise au point du protocole d’isolement des microorganismes
3.2.1. Matériels et méthodes
3.2.1.1. Méthode de récupération des microorganismes à partir des prélèvements
3.2.1.2. Méthode de prélèvement par adhésif.
3.2.1.3. Outils statistiques
3.2.2. Résultats
3.2.2.1. Optimisation de la méthode de récupération des microorganismes pour une mise en culture
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3.2.2.2. Optimisation de la récupération des spores fongiques à partir du film adhésif
3.2.3. Discussion
3.3. Caractérisation par culture des flores microbiennes in situ
3.3.1. Matériels et méthodes
3.3.1.1. Prélèvements à la surface et à l’intérieur des éprouvettes manufacturées.
3.3.1.2. Evaluation de la cinétique développement de moisissures sur des éprouvettes manufacturées
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3.3.1.3. Mise en culture des prélèvements sur matériaux in situ
3.3.1.4. Caractérisation des microorganismes isolés
3.3.2. Résultats
3.3.2.1. Microorganismes issus des matières premières
3.3.2.2. Prélèvements et quantification sur des éprouvettes manufacturées
3.3.2.3. Observation du développement microbien en condition de forte humidité en laboratoire sur
éprouvettes manufacturées
3.3.2.4. Quantification et identification des microorganismes des prélèvements in situ
3.3.3. Discussion
3.4. Approche de biocontrôle de la flore fongique des matériaux biosourcés via une flore
bactérienne antagoniste
3.4.1. Matériels et méthodes
3.4.1.1. Souches fongiques et isolats in situ étudiés
3.4.1.2. Méthode d’évaluation de l’activité antifongique par double-couche
3.4.1.3. Méthode d’évaluation de l’activité antifongique sur membrane
3.4.2. Résultats
3.4.2.1. Méthode par double-couche..
3.4.2.2. Méthode par inoculation sur membrane
3.4.3. Discussion
Chapitre 4 – Analyse des communautés microbiennes par méthodes moléculaires
4.1. Matériels et méthodes
4.1.1. Extraction d’ADN
4.1.2. Amplification PCR et séquençage
4.1.3. Traitements des données de séquençage
4.1.4. Statistiques
4.2. Résultats
4.2.1. Alpha diversité ou richesse spécifique
4.2.2. Beta diversité ou différentiel de diversité
4.2.3. Assignation taxonomique
4.3. Discussion
4.4. Mise en perspective des résultats obtenus par culture et par biologie moléculaire
Chapitre 5 – Conclusion
Bibliographie
Table des Figures
Liste des Tableaux
Annexes
Liste des publications et communications
Résumé
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