Méthodes d’éviction et de conditionnement du fond
carieux dans le traitement de caries juxta-pulpaires
Introduction
Touchant 92% des adultes, la maladie carieuse est une pathologie chronique infectieuse multifactorielle très répandue à travers le monde.(1,2) Les classes sociales les plus défavorisées sont les plus touchées par cette pathologie (3) qui a des répercussions à la fois sur l’état de santé général mais également sur le lien social. La carie dentaire consiste en une destruction localisée des tissus dentaires par les acides produits par la fermentation bactérienne de glucides alimentaires (3–6). Sa progression en direction pulpaire entraine des complications pulpaires potentiellement irréversibles préjudiciables pour la conservation de l’organe dentaire. (3) Dans le cas de lésions carieuses profondes, la conservation de la vitalité pulpaire peut représenter un défi dont l’issue est conditionnée par de multiples facteurs à la fois théoriques et techniques. Dans le cadre de cette thèse, les « caries profondes » sont définies comme des caries atteignant à la radiographie le tiers interne ou le quart interne de la dentine, avec un risque d’exposition pulpaire lors de l’éviction. (3). Elles correspondent donc aux stades 5 & 6 de la classification ICDAS (clinique et radiologique) et à des lésions sévères dans la classification ICCMS. Le but de la thèse est de donner au praticien une vue d’ensemble de la gestion des lésions carieuses profondes. Des rappels anatomiques quant à l’anatomie et la formation de l’émail, la dentine, et la pulpe, seront faits. Ensuite, la détection, l’évaluation, la biologie, ainsi que les différentes classifications de la carie dentaire seront développées. Ensuite, les différentes techniques d’éviction carieuse seront détaillées avec leurs avantages et inconvénients. Ainsi, nous allons comparer l’éviction complète non sélective, l’éviction partielle en un temps et la technique Stepwise. Cette section permettra de conclure sur la réelle nécessité de retirer la totalité du tissu carieux et présentera les instruments aidant à l’éviction. Enfin, les différentes méthodes de conditionnement du fond carieux avant la restauration définitive de la dent seront décrites. Anatomie des tissus dentaires Toutes les dents de mammifères partagent une structure similaire : ‐ L’émail ; ‐ La dentine située sous l’émail ; ‐ La pulpe, l’organe qui contient les cellules responsables de la dentinogénèse et qui contient l’innervation et vascularisation ; ‐ La racine, qui contient le canal radiculaire, est entourée par une fine couche de cément ; ‐ Le ligament parodontal, qui fait partie de l’alvéole dentaire et unit le cément à l’os alvéolaire. 2 Figure 1 ‐ Structure de la dent ‐ Laura Girard II.1 Histologie
Anatomie
L’émail dentaire est la substance la plus dure et la plus minéralisée du corps humain. Il forme la couche extérieure de la couronne dentaire et constitue une barrière isolante qui protège la dent des agressions physiques, thermiques et chimiques qui nuiraient à la pulpe sous‐jacente.(7) L’émail est constitué par la juxtaposition de structures élémentaires ou prismes. Ces prismes sont des cordons minéralisés d’hydroxyapatite qui parcourent l’émail de la jonction amélo‐dentinaire à la surface de la dent. Ils ont une section en trou de serrure ; une partie renflée ou cœur des prismes d’où se prolonge une partie mince ou queue des prismes. Les prismes sont imbriqués les uns dans les autres, et leur diamètre est d’environ 7 µm. Ils sont arrangés entre eux de telle sorte que le cœur d’un prisme est logé entre les queues de deux prismes sous‐jacents. Dans la portion centrale de l’émail, on note une alternance de prismes en section transversale et d’autres en section longitudinale réalisant l’alternance d’images claires et sombres : ce sont les bandes de Hunter‐Schreger. Dans le tiers externe de l’émail, le trajet des prismes devient progressivement rectiligne, ils sont alors parallèles entre eux et perpendiculaire à la surface dentaire. La substance inter prismatique se localise entre les prismes de l’émail. Elle est moins minéralisée et plus riche en substance organique que les prismes. Les cristaux d’hydroxyapatite y sont de taille plus réduite et sont disposés obliquement. Figure 2 ‐ Microscopie électronique des prismes (8)
Formation de l’émail
Le processus de formation de l’émail s’appelle l’amélogénèse. Chaque prisme est formé par un améloblaste. Les protéines de la matrice amélaire sont sécrétées par les améloblastes dans l’espace amélaire et y sont ensuite dégradées et retirées par protéolyse avec un grand degré de précision. Les améloblastes régulent ainsi la formation de novo de substance inorganique à base d’hydroxyapatite. En pourcentage de poids, l’émail mature est composé à 95 % de matière minérale, 1 à 2 % de matière organique et 2 à 4 % d’eau.(7) Des défauts de développement ou environnementaux peuvent affecter la structure de l’émail, cela étant visible par un changement de son opacité et/ou de sa couleur. Ces défauts sont critiques car, à la différence de l’os, une fois minéralisé l’émail est acellulaire, et de ce fait n’est pas capable de se remodeler une fois former(7) .
La dentine
Anatomie
A poids égal, la dentine est moins minéralisée que l’émail, mais plus que l’os ou le cément. La dentine est un puzzle de différents types de dentine, ayant différentes fonctions et spécificités (10). La dentine est composée de 70% de minéral, 20 % de matrice organique et 10% d’eau (11). Anatomiquement, il est possible de distinguer au sein de la masse dentinaire : ‐ La jonction amélo‐dentinaire ‐ La jonction cémento‐dentinaire ‐ La couche dentinaire périphérique : elle est constituée par le manteau dentinaire qui est une couche hypo minéralisée, dépourvue de tubuli secrétée aux premiers stades de la dentinogénèse ainsi qu’une fine couche de dentine canaliculaire. ‐ La couche dentinaire circumpulpaire : il s’agit d’une zone hypo minéralisée dans laquelle se trouvent des canalicules larges reliés entre eux par des espaces créés par les ramifications secondaires des prolongements odontoblastiques nécessaires aux échanges. Elle se compose de dentine inter‐canaliculaire, et de dentine péri‐canaliculaire voire intra‐canaliculaire. Cette dernière, déposée secondairement en périphérie du tubulus, réduit progressivement le diamètre de sa lumière.
II.1 Histologie |