Ferme pédagogique bref historique
D’après l’ouvrage sur la création d’une ferme pédagogique1, la dynamique des fermes pédagogiques vient des Etats-Unis avec la Green Chimmery Farm fondée par Samuel Ross en 1947 dans la banlieue de New York. Au début, c’est une école privée constituée d’un internat et d’une ferme. Celle-ci évolue pour devenir un centre de soins pour les enfants comme support à la scolarisation et la socialisation. Cette expérience influence les pays du nord de l’Europe (Grande-Bretagne, pays scandinaves, Allemagne, Pays-Bas et Belgique) où apparaissent les premières fermes pédagogiques dans les années soixante. Ce mouvement vient du constat de l’éloignement des citadins de la nature et sur une réflexion autour de la qualité de vie en milieu urbain. Il vient également du développement d’une éducation relative à l’environnement et d’une pédagogie active, ainsi que de l’observation des bienfaits des relations entre l’homme et l’animal.
En France, la première ferme dite pédagogique voit le jour à Lille en 1974. Elle est créée par Marcel Dhénin et a été suivie par le développement de nombreuses fermes dites d’animation. Elles sont soutenues par les collectivités qui recherchent des supports d’éducation à l’environnement par l’agriculture, surtout pour des publics scolaires. Durant cette période, le monde agricole n’est pas enclin à s’ouvrir à l’accueil pédagogique. Vers la fin des années quatre-vingt, par besoin de diversification et de communication concernant leur profession, les exploitants commencent à réaliser des activités d’accueil pédagogique. Cette diversification agricole correspond à un souci de recherche de revenus complémentaires, puis sur le besoin de transmettre la passion de la terre et du métier, ainsi que pour rapprocher la ville et la campagne. Le nombre de fermes pédagogiques augmente dès les années nonante pour se stabiliser à partir des années deux mille. Longtemps tournées uniquement vers les enfants, les fermes pédagogiques se sont désormais adaptées à d’autres publics et traitent des évènements de la société liés à la santé, l’alimentation et aux pollutions. Elles deviennent un principal outil de communication pour l’agriculture et informent le public à la compréhension des espaces agricoles, la gestion des territoires ruraux, l’origine de certains de nos aliments et des modes de production. D’autres finalités existent démontrant la richesse des fermes pédagogiques qui offrent des supports d’éducation variés. L’accueil social à la ferme se développe visant les personnes en situation de handicap. La diversité des activités va de visites spécialement étudiées pour des personnes souffrant de déficits sensoriels, à l’accueil de personnes en situation d’handicap mental, ainsi qu’à la réinsertion de jeunes en difficultés ou encore à l’accueil d’enfants médicalisés. La ferme représente une chance d’intégration, de se sentir utile, responsable et devient un moyen de surmonter son handicap.
Apports
Motricité Les enquêtes sur le terrain relèvent que la motricité peut être développée grâce aux apports du travail dans une ferme pédagogique. Cependant, on distingue deux sortes de motricité, la motricité fine et la motricité globale. Selon le professeur de l’Université du Québec Robert Rigal, la motricité fine est définie comme la : « coordination des mouvements faisant intervenir la main en relation avec la vision (écriture, lancer dans une cible) »6. Les entretiens montrent que cette motricité fine est travaillée lors d’opérations délicates, comme le triage des oeufs ou la manutention de petits animaux, relevé par Emilien : « Il y a aussi un développement de la motricité fine. Une personne était maladroite pour poser un bidon d’oeufs sur une table. Avant, à 2cm de la table elle lâchait le bidon! Aujourd’hui, elle arrive à le poser délicatement! ». Quant à la motricité globale qui : « correspond à la coordination des contractions de différents groupes musculaires produisant un mouvement adapté au but recherché (marche, course, saut, lancer, etc.) »7, les activités à la ferme sont généralement physiques et faites en position debout. Cela permet aux travailleurs d’améliorer leur motricité globale comme relevé par Pascal : « Ce qui est intéressant de travailler dans une ferme c’est qu’on utilise des outils et au niveau corporel, ça fait bouger le corps, travailler un peu la force, l’équilibre, la concentration. Il y a des activités où on utilise les mains, ce qu’on ne fait pas forcément à l’école à part un peu durant les travaux manuels. Je pense que c’est aussi intéressant pour faire fonctionner l’esprit de bien utiliser les mains.». Les entretiens nous ont permis de prendre en compte que le travail dans la ferme évolue sur différents types de sols (terre, herbe, béton, sol sec, sol mouillé…) ce qui favorise également le sens de l’équilibre. Comme l’a relevé ce dernier intervenant, le travail permet d’améliorer la musculature des personnes en situation de handicap lorsqu’elles utilisent des outils et qu’elles mettent leur corps en mouvement.
Musculature Le résultat de notre investigation auprès des intervenants, nous permet de déduire que le travail à la ferme est en soit salutogène (favorise la santé). Le setting ou cadre de vie de la ferme « lieu ou contexte social dans lequel des êtres humains accomplissent leurs tâches quotidiennes et au cours desquelles des facteurs environnementaux, organisationnels et personnels agissent conjointement et influencent la santé et le bien-être.»8, conditionne une bonne forme physique. Le travail se fait à l’extérieur, dans diverses positions selon les activités, offrant ainsi une multitude d’exercices différents pour le corps. Les travailleurs peuvent bouger et se dépenser davantage que dans un atelier intérieur comme le soulève Pierrette : « c’est bien pour les jeunes car ils peuvent plus bouger, je trouve que cela est important. Mettre en action leur énergie.». L’observation des intervenants du terrain montre un réel bien-être de certains travailleurs, comme l’explique Maurice : « Je pense que dans la ferme, la population accueillie a entre 30 et 50 ans. Je remarque qu’il y a une certaine forme physique présente. Je pense qu’avec tous les travaux comme celui du bois ou des travaux demandant d’être un peu costaud. Je pense qu’au niveau de la musculature, l’entretien personnel cela aide.». Cet entretien personnel est-il uniquement favorisé par les tâches physiques ou existe-t-il un lien avec une certaine sensibilisation à bien se nourrir de produits sains, bio ?
Nutrition La sensibilisation à la nutrition n’est pas un apport observé par tous les professionnels travaillant dans les fermes pédagogiques. En soignant les animaux et cultivant les fruits et les légumes, les travailleurs ont plus d’intérêt à manger les produits qui sont le résultat final de leur travail. Cela renforce l’envie de manger des produits sains et de consommer des produits comme le souligne Pascal : « Moi c’est un de mes intérêts dans mon projet. Tous les repas de fêtes ou lors des retours de vacances se prennent dans le cadre de ma famille, à ma table et c’est mon épouse qui prépare les repas. On essaie de cuisiner des produits provenant si possible de la ferme. Le but est de leur redonner goût aux légumes. Ils voient qu’ils viennent du jardin. Pour les pommes de terre, ils viennent avec moi, car ils vont aussi dans les champs. Ils suivent la culture, donc quand on mange ce que l’on a cultivé, c’est intéressant pour eux et donne beaucoup de sens et d’intérêt pour l’alimentation. Ce n’est pas seulement de la « bouffe » ou simplement du « chicken nuggets ». ». Cependant les observations faites démontrent que c’est plus dans le secteur de l’hébergement auprès des éducateurs ainsi qu’au sein des ateliers de cuisine que les professionnels peuvent axer leur accompagnement sur la bonne nutrition comme l’explique Roland : « Ils sont sensibilisés car nous produisons une culture bio. En cuisine, ils démontrent la valeur du bon produit et l’équipe éducative relève l’importance de bien se nourrir. ».
Contraintes La peur est une émotion primaire que l’on ressent face à un danger qui est réel. C’est une réaction normale chez les humains. Par contre, ressentir une peur intense voir incontrôlable ou irrationnelle face à une situation, un objet ou un animal pas du tout menaçant, cela devient une phobie. « Le terme « phobie », du grec ancien phobos, signifie « peur ». Si la peur est considérée comme une émotion normale que l’on ressent devant un danger, la phobie désigne une peur irrationnelle, excessive et disproportionnée devant une situation, un objet ou encore un animal qui ne sont pas menaçants. Ressentir de la peur ou de la panique en voyant s’approcher de soi un gros chien qui aboie férocement et montre les crocs ne peut pas être considéré comme une phobie. Le danger est effectivement bien réel. Par contre, ressentir une peur ou un sentiment de panique lorsque l’on croise un chien qui porte une muselière et qui est attaché à une laisse contrôlé par son maître entre dans le champ des phobies. Le sujet qui présente une phobie est également conscient que sa peur est excessive et irrationnelle (Pedinielli et Bertagne, 2009). »25. Cette émotion primaire nous permet de survivre en nous mettant en alerte face aux dangers qui nous menacent. Au sein d’une ferme pédagogique, la plus grande problématique relevée par les intervenants dans le domaine de la peur est celle des animaux.
Cette dernière peut limiter grandement les personnes en situation de handicap comme l’explique Alain : « La peur peut limiter certaines personnes dans l’exécution des tâches face à des animaux. ». De plus, cela peut être un problème de sécurité mentionne Emilien : « La peur ou phobie des animaux est une grosse contrainte car elle met en danger la personne ou le groupe durant la réalisation de certaines tâches. ». La peur ou l’insécurité face aux animaux est souvent présente au début du travail à la ferme, mais selon la capacité d’adaptation des usagers, cette dernière s’atténue avec le temps et l’expérience, comme nous l’avons également traités sous l’item du stress et de la confiance en soi, nous explique Pascal : « Il y a des enfants qui ont une peur bleue des animaux. Par exemple, j’ai un enfant qui est maintenant ici. A l’idée d’aller sur un cheval, ça allait mais dès qu’il était posé dessus, il faisait des cris. Maintenant, il commence à monter et ce qui est génial, c’est que cela a ouvert énormément de choses et augmenté sa confiance en lui. C’est sûr qu’il y a des enfants qui ont peur des animaux mais en général, ils apprennent et évoluent assez bien. En partant, ils sont tous capables de faire pas mal de trucs, par rapport au cheval ou avec d’autres animaux. Certains n’ont pas peur au début. Par contre, dès qu’ils découvrent la force que peut avoir un cheval, ils prennent conscience que ce n’est pas aussi évident que ça. C’est intéressant à voir, mais cela permet justement d’évoluer dans la prise de conscience des choses. Ils réalisent qu’ils ne maîtrisent pas tout et ça développe leur capacité à analyser les choses, prendre conscience des risques et de trouver ses propres limites. ».
1. INTRODUCTION |