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Mesure de la masse grasse
La masse grasse peut être mesurée à partir de méthodes précises d’évaluation de la composition corporelle, mais de manière courante, elle est prédite à partir d’indicateurs anthropométriques (Rolland-Cachera, 1993). Chez l’adulte, les deux étapes consistant à choisir une mesure et des bornes délimi-tant des degrés d’obésité ont été franchies: l’OMS a proposé l’utilisation de l’indice de Quetelet ou indice de masse corporelle (IMC) correspondant au poids/taille2 (P/T2 en kg/m2 ) pour évaluer le statut pondéral et a défini des classes sur la base des relations entre IMC et taux de mortalité. Chez l’enfant, l’OMS recommande l’utilisation de courbes du poids selon la taille établies par le National Center for Health Statistics (NCHS) (WHO, 1986), mais elles sont limitées à la tranche d’âge 0-10 ans pour les filles et 0-11,5 ans pour les garçons. Plus récemment, comme chez l’adulte, l’utilisation de l’IMC est devenue courante chez l’enfant et des courbes de référence ont été publiées dans différents pays tels que la France (Rolland-Cachera et coll., 1991), les Etats-Unis (Must et coll., 1991) ou le Royaume Unis (Cole et coll., 1995).
Il existe d’autres méthodes pour évaluer la masse grasse (tableau LI) ; les principales font appel à la mesure des plis cutanés en différents sites, aux calculs des surfaces brachiales à partir des plis cutanés et de la circonférence du bras. Des rapports de plis cutanés ou de circonférences (taille, Le choix de la valeur de l’exposant des indices de corpulence (Poids/Taillen ) doit permettre d’obtenir un indice qui est indépendant de la taille mais qui est corrélé au poids et à la masse grasse. L’indice qui réunit ces trois caractéristi-ques a des valeurs de n le plus souvent proches de 2 mais variables en fonction de l’âge (Cole, 1991). Chez l’enfant, après avoir comparé les indices PIT, P/Tz et P/T3 , il est apparu que l’indice PIT répondait le mieux à ces trois caracté-ristiques : il est, plus souvent que les autres, indépendant de la taille et bien corrélé au poids et à la masse grasse. Dès 1982, des courbes de l’évolution de la distribution en percentiles de cet indice ont été établies pour les garçons et les filles de l’âge de 1 mois à 16 ans (Rolland-Cachera et coll., 1982). La similarité des courbes de l’IMC avec les courbes des plis cutanés (Rolland-Cachera, 1995) indique que l’évolution de la cellularité du tissu adipeux (figure 1.1). Par ailleurs, cet indice répond mieux que les plis cutanés à certains critères (Rolland-Cachera, 1993) tels qu’une meilleure spécificité (Himes et Bouchard, 1989) ou une meilleure association avec des facteurs de risque cardiovasculaire chez l’enfant (Sangi et Mueller, 1991). Enfin, étant basé sur des mesures simples comme le poids et la taille, il présente d’évidents avantages pratiques. En conséquence, le comité OMS d’experts sur l’utilisation et l’interprétation de l’anthropométrie (WHO, 1995) a recommandé l’utilisation de l’IMC en fonction de l’âge chez l’enfant, et en particulier chez l’adolescent (Rolland-Cachera, 1993).
Il faut souligner que les courbes de l’IMC selon l’âge prennent en compte simultanément les données du poids, de la taille et de l’âge ce que ne faisaient pas les méthodes précédentes basées sur des courbes de poids en fontion de l’âge et de poids en fonction de la taille. Elles sont plus précises que les courbes classiques et permettent de connaître l’intervalle de temps entre deux mesu-res. Cependant, comme toutes les méthodes basées sur le poids et la taille, l’IMC présente diverses limites: en effet, il ne prédit pas précisément la part de masse grasse et de masse maigre, ni les risques réels de développer des pathologies à l’âge adulte. Pour estimer ces paramètres, il faudra utiliser des méthodes plus élaborées de composition corporelle et déterminer des critères utilisant par exemple des données biologiques ou génétiques.
Plis cutanés
La mesure des plis cutanés évalue l’épaisseur de la graisse sous-cutanée. Le pli cutané tricipital prédit le pourcentage de masse grasse, tandis que les plis sous-scapulaires et suprailiac prédisent la masse grasse totale (Roche et coll., 1981).
Circonférences et surfaces brachiales
La circonférence brachiale seule ou ajustée pour la taille, est traditionnelle-ment utilisée comme index de malnutrition chez l’enfant (Briend et Zimicki, 1981). Associée au pli cutané tricipital, elle permet d’évaluer la part de la masse maigre et de la masse grasse. Si on fait l’hypothèse que le bras et ses constituants sont cylindriques (Jelliffe et ]elliffe, 1969), la surface brachiale totale (SBT) est calculée à partir de la circonférence du bras (C): SBT = C2/4n. La surface brachiale musculaire calculée à partir de la circonfé-rence brachiale et du pli cutané tricipital (TRI) est égale à (C-(TRln»2/4n. La surface de la graisse au niveau du bras est obtenue par différence. Cette méthode sous-évalue la surface graisseuse, particulièrement chez les obèses (Forbes et coll., 1988). A partir du même principe, un nouvel indice plus simple à calculer et plus précis a été validé chez l’enfant en le comparant à des mesures réalisées par résonance magnétique (Rolland-Cachera et coll., 1997). La surface de la graisse brachiale est égale à C x (TRI/2) et la surface muscu-laire est obtenue par différence avec la surface brachiale totale.
Répartition de la masse grasse
La quantité de graisse corporelle est un paramètre important mais c’est surtout sa localisation qui est associée au risque de développer des pathologies telles mesurés au niveau du tronc (par exemple, le pli cutané sous-scapulaire (SS)) sont des marqueurs de ce risque (Vague, 1956; Bj6rntorp, 1996) alors que ceux ceux mesurés au niveau des extrémités (par exemple le pli cutané tricipital (TRI)) ne le sont pas. Par exemple chez l’enfant, la répartition de la masse grasse peut être évaluée par le rapport des plis cutanés tronc/extrémité (SS/TRI) (Sangi et Mueller, 1991). Une valeur basse correspond à une répartititon de type périphérique, peu liée aux facteurs de risque cardiovascu-laires alors qu’une valeur élevée correspond à un type centralisé, associé aux facteurs de risque.
Les circonférences permettent également de prédire la répartition de la masse grasse. Un rapport taille/hanche ou taille/cuisse élevé correspond à une répar-tition androïde de la graisse. Ces mesures sont plus simples à réaliser chez les obèses que celles des plis cutanés.
Chez l’enfant, des études récentes ont montré que les circonférences de la taille et des hanches étaient l’une et l’autre prédictrices de la graisse viscérale. Contrairement à ce que l’on avait observé chez l’adulte, le rapport des circon-férences taille/hanche chez l’enfant est un mauvais prédicteur de la graisse viscérale (Brambilla et coll., 1997; Goran et coll., 1998). En conséquence, l’utilisation de la circonférence de la taille seule est recommandée chez l’enfant.
Indicateurs de croissance liés à l’obésité
La mesure d’indicateurs anthropométriques simple comme le poids et la taille permet de suivre la croissance des enfants. Le rebond d’adiposité, déterminé à partir des courbes d’IMC selon l’âge est un paramètre qui permet d’estimer le risque de survenue de l’obésité. Chez les enfants obèses, c’est également l’indicateur d’une accélération de la croissance, tout comme l’avance de maturation.
Rebond d’adiposité
Au cours de la première année de la vie, l’IMC comme la mesure des plis cutanés, augmente puis diminue jusqu’à l’âge de 6 ans. A cet âge, la courbe augmente à nouveau. Cette remontée de la courbe est appelée rebond d’adi-posité (Rolland-Cachera et coll., 1984). L’âge du rebond d’adiposité prédit l’adiposité à l’âge adulte: plus il est avancé, plus le risque de devenir obèse est élevé (Rolland-Cachera et coll., 1984; Siervogel et coll., 1991 ; Prokopec et Bellisle, 1993 ; Whitaker et coll., 1998 ; Williams et coll., 1999). La figure 1.2 permet de comprendre les différents types d’évolution. Un enfant gros à l’âge de un an restera gros après un rebond précoce (cas 1) ou rejoindra la moyenne après un rebond tardif (cas 2). Un enfant mince à un an pourra développer une tardif (cas 4). L’évolution vers l’obésité peut être visible sur la courbe alors que l’enfant est encore mince (cas 3). Cette figure illustre le fait qu’avant l’âge de 8 ans, les enfants changent souvent de niveau de corpulence, tandis qu’après cet âge, la majorité des enfants suivra le même rang de centile. En effet, de nombreuses études s’accordent à montrer que la majorité des enfants obèses au début de la vie ne le restera pas (Prokopec et Bellisle, 1993 ; Rolland-Cachera et coll., 1987; Whitaker et coll., 1997). Le caractère transitoire des obésités au début de la vie est un élément important à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse à l’obésité des jeunes enfants. Un rebond d’adiposité précoce a été retrouvé chez pratiquement tous les enfants obèses (Rolland-Cachera et coll., 1987; Girardet et coll., 1993). L’examen des courbes d’enfants obèses suivis en consultation pour obésité à l’hôpital Necker Enfants malades à Paris a montré que l’âge moyen du rebond d’adiposité était de 3 ans au lieu de 6 ans
L’âge du rebond d’adiposité prédit aussi l’âge osseux: plus le rebond est précoce, plus l’âge osseux est avancé (Rolland-Cachera et coll., 1984). Le rebond d’adiposité précoce des enfants obèses reflète l’accélération de leur croissance.
Avance de maturation
Les enfants obèses présentent une avance de maturation, ils sont plus grands et ont une masse maigre plus développée (Knittle et coll., 1979; Garn et Clark, 1975 ; Forbes, 1977). Les filles obèses ont des règles plus précoces. Seulement 1 % des filles de poids normal ont des règles avant 11 ans alors qu’elles sont 26 % dans un groupe ayant un poids supérieur à 120 % du poids idéal (Stark et coll., 1989).
Choix des seuils définissant l’obésité de l’enfant
Chez l’adulte, les seuils définissant les différents degrés d’obésité ont été établis à partir des relations entre l’IMC et les taux de mortalité. Chez l’enfant, on se réfère à des distributions calculées à partir de populations de référence. Quelle que soit la mesure utilisée pour définir l’obésité chez l’enfant, il est indispen-sable, étant donné les importantes variations au cours de la croissance, de se reporter à des valeurs établies en fonction de l’âge ou de la taille et du sexe. Pour choisir un seuil, il faut choisir une unité de mesure, une population de référence et un niveau dans la distribution.
Choix de l’unitéde mesure
Afin d’être indépendantes de l’âge et du sexe, les unités de mesure (kg pour le poids corporel, mm d’épaisseur pour les plis cutanés, cm2 pour les surfaces brachiales ou kg/m2 pour l’IMC) peuvent être transformées, à partir des valeurs de référence, en pourcentage de la médiane, en écart réduit à la moyenne (ou Z-scores) ou en rang de centile. La méthode du pourcentage de la médiane n’est pas recommandée, car elle ne tient pas compte de la variation de la distribution selon l’âge et le sexe. Les calculs de centiles et de Z-scores sont préférables et de plus en plus utilisés. Le Z-score est l’écart entre une valeur individuelle et la médiane d’une population de référence, divisée par l’écart type de la population de référence. Pour calculer les valeurs exactes des centiles et des Z-scores, en particulier lorsque les valeurs ne sont pas distri-buées normalement, on utilisera la méthode Least Mean Square, LMS (Cole, 1990) jeune enfant et l’IMC de 9 à 24 ans. Les données de référence s’appuient sur la première enquête «National Health and Nutrition Examination Survey » (NHANES 1), réalisée aux Etats Unis d’Amérique. Les valeurs de référence de la circonférence brachiale, des plis cutanés et de l’IMC sont présentées en centiles en annexe du rapport technique (WHO, 1995).
En France, on dispose de valeurs de référence, en particulier pour les indica-teurs d’adiposité présentés dans le tableau 1.1. Elles proviennent de l’étude longitudinale internationale de la croissance coordonnée par le Centre Inter-national de l’Enfance (CIE), réalisée en collaboration avec Nathalie Masse et Frank Falkner. Cette étude a débuté en 1953 en Europe (Bruxelles, Londres, Stockholm et Zürich) aux Etats Unis (Louisville) et en Afrique (Dakar). Un grand nombre de mesures anthropométriques ont été publiées dans un docu-ment intitulé Auxologie, Méthode et Séquences (Sempé et coll., 1979). Il présente l’étude et décrit les techniques de mesure standardisées pour l’étude internationale (Falkner et coll., 1961).
Les données relatives à la surcharge pondérale présentées dans ce livre sont le poids selon l’âge, le poids selon la taille, et les plis cutanés. D’autres valeurs de référence ont été publiées à partir des données de cette étude, telles que les rapports des plis cutanés (Rolland-Cachera et coll., 1990), les surfaces bra-chiales (Rolland-Cachera et coll., 1997) et l’IMC. Ces dernières sont présentées sous forme de co rbes de centiles (3 ème 10ème 25 ème 50ème 75 ème 90ème li « . , , ,
et 97ème ) de 1 mois à 16 ans (Rolland-Cachera et coll., 1982), puis ont été complétées par d’autres données françaises, allant ainsi de la naissance à 87 ans (Rolland-Cachera et coll., 1991). Les valeurs de P/Tz sont présentées sous forme de moyennes et écarts types et de 7 centiles. Les paramètres qui permettent de calculer les valeurs exactes des Z-cores sont également disponi-bles (Rolland-Cachera et coll., 1982).
Les courbes de l’IMC ont été diffusées par l’INSERM en 1985 sous forme de fiches individuelles, pour les garçons et pour les filles, à destination des médecins. Actuellement, elles sont présentes dans les carnets de santé des enfants français. Ces références ont été recommandées par un comité euro-péen réuni pour définir l’obésité chez l’enfant (Poskitt, 1995).
D’autres données de l’étude de référence française sont disponibles, telles que l’âge osseux (Sempé, 1988), l’âge du rebond d’adiposité dont la moyenne est égale à 6,3 ± 1,6 (Rolland-Cachera et coll., 1987), l’âge des premières règles qui est en moyenne de 13 ans ± 10,5 mois (Roy et coll., 1972). Une étude longitudinale plus récente de la nutrition et la croissance a débuté en 1985-86 chez des enfants de 10 mois et suivis jusqu’à l’âge de 12 ans (Deheeger et coll., 1994). Elle comporte les données anthropométriques habituelles présen-tées au tableau 1.1, dont les circonférences de la taille, des hanches et de la cuisse qui n’étaient pas incluses dans l’étude de référence.
Choix du niveau des seuils
Pendant la croissance, les courbes de centiles des plis cutanés ou de l’IMC définissent les classes du statut pondéral de »l’enfant. Le comité OMS d’experts (WHO, 1995) à proposé d’utiliser à cet effet l’association d’un IMC élevé (> 85ème centile) et d’une surcharge graisseuse sous-cutanée (~ 90ème centile pour le pli cutané sous-scapulaire et le pli cutané tricipital). Cette définition devrait atteindre une spécificité maximale pour l’identification des enfants qui présentent à la fois une surcharge pondérale et une surcharge graisseuse.
En France, l’obésité de l’enfant peut se définir par des valeurs supérieures au 97ème centile de l’IMC et/ou des plis cutanés. Les valeurs du 97ème centile de la distribution de l’IMC des enfants français (Rolland-Cachera et coll., 1991) correspondent approximativement aux valeurs du 85 ème percentile de la distribution des enfants nord américains (Must et coll., 1991). La figure 1.3 compare ces deux distributions (De Onis et Habicht, 1996) et montre que bien que basées sur des populations et des rangs de centiles différents, ce sont les mêmes valeurs de l’IMC qui définissent l’obésité dans les deux pays.
Nouvelle définition internationale de l’obésité de l’enfant
Le Childhood Obesity Working Group de l’International Obesity TaskForce (IOTF) , groupe de travail sous l’égide de l’OMS, a élaboré une nouvelle définition (Cole et coll., 2000).
Différents points ont été retenus:
• L’IMC a été choisi pour évaluer l’adiposité car il répondait le mieux à différents critères de composition corporelle et cliniques.
• La population de référence est constituée de données recueillies dans six pays ayant des données nationales représentatives. Des courbes de centiles ont été établies à partir de cette population, séparément pour les garçons et les filles.
• Les seuils définissant les degrés 1 et 2 de surpoids chez l’enfant sont consti-tués par les courbes de centiles de l’IMC atteignant à 18 ans les valeurs 25 et 30 kg/m2 qui correspondent aux seuils des degrés 1 et 2 de surpoids chez l’adulte.
Cette nouvelle méthode présente l’avantage d’établir une continuité entre la définition de l’obésité pendant l’enfance et l’âge adulte. De plus, les nouvelles bornes étant basées sur des données statistiques reliant l’IMC et les taux de mortalité et non sur une population de référence, cela devrait résoudre le problème du choix des distributions, jusque là variables d’un pays à l’autre et dans le temps.
En France, les courbes d’IMC établies à partir de l’étude longitudinale de référence française figurent dans le carnet de santé des enfants. Elles doivent être utilisées pour compléter l’examen des courbes du poids et de la taille. De plus, elles comportent 7 rangs de centiles, permettant d’évaluer le d~ficit et l’excès pondéral ainsi que l’évolution de l’IMC au cours de la croissance. 11
Table des matières
Approches épidémiologique et sociologique
1 Définition de l’obésité chez l’enfant
2 Prévalence de l’obésité chez l’enfant
3 Conséquences de l’obésité de l’enfant
4 Prévention de l’obésité chez l’enfant
5 Dimensions sociales de l’obésité
Approche clinique
6 Méthodes de diagnostic de l’obésité chez l’enfant
7 Genèse du risque de diabète chez l’enfant obèse
8 Aspects nutritionnels des obésités
9 Activité physique et lipolyse adrénergique
10 Rôle du pédiatre
Approche biologique
11 Développement du tissu adipeux blanc
12 Physiologie du tissu adipeux brun
13 Génétique des obésités
14 Comportement alimentaire et facteurs nutritionnels précoces
Synthèse et recommandations Commun
Sur et sous-médicalisation de l’obésité
Traitement précoce des surcharges pondérales de l’enfant
Comment l’industrie tient compte des données scientifiques?
Formulation des laits infantiles en acides gras polyinsaturés