La lèpre, connue sous le nom de maladie de Hansen, est une infection bactérienne chronique due à Mycobacterium leprae (M. leprae) qui touche la peau, les nerfs périphériques et les muqueuses jusqu’à causer des sévères infirmités si elle n’est pas traitée (Spencer et al., 2011). Cette maladie est très ancienne et est parmi les plus redoutées au monde, synonyme de stigmatisation et des préjugés en raison des déformations qu’elle a produites. Au cours des deux dernières décennies, les efforts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la mise en œuvre de la polychimiothérapie (PCT) ont entraîné une baisse parallèle de l’incidence ou la détection de nouveaux cas de lèpre au niveau mondial (Dogra et al., 2013).
GENERALITES SUR LA LEPRE
La lèpre est parmi les maladies les plus anciennes, connue depuis l’antiquité. Les squelettes portant la trace de la maladie datent de 2000 ans avant Jésus Christ (J.C) au site de Balathal Rajasthan en Inde (Robbins et al., 2009). Des écritures anciennes et plusieurs passages dans la bible, autant dans l’ancien que le nouveau testament, font référence à la lèpre. En effet, l’histoire de la lèpre est assez confuse car ce terme a été utilisé pour de différentes maladies de peau d’origine et de gravité variable. Les premières descriptions caractéristiques de la lèpre sont écrites dans le livre de médecine indienne six siècles avant J. C. Ainsi, on peut considérer l’Inde comme le premier foyer du fléau car leur origine est encore imprécise. Cependant, la maladie semble provenir aussi de l’Afrique de l’Est ou du Proche-Orient et s’est propagée au gré des migrations humaines successives. Grace à des techniques comparatives de génomes, des chercheurs de l’Institut Pasteur, ont pu dissimuler les origines géographiques de la maladie. Ils ont aussi établis que la propagation de la lèpre à travers le monde provient d’une seule souche mais ceci a subi des modifications au cours des siècles (Monot et al., 2005).
Pendant plusieurs temps, de nombreuses cultures pensaient que la maladie est due à une malédiction ou à des châtiments des dieux. En effet, la lèpre désigne des infections squameuses de la peau qui se manifestent très défigurant (Nsagha et al., 2011). Sa cause biologique n’était pas encore évident, elle était mal interprétée et sans traitement disponible. Ainsi, les individus touchés par la lèpre étaient évités et stigmatisés (Lusli et al., 2015). Ils ont été isolés dans les léproseries, lieux enfermés et éloignés de la population générale mais qui sont pourtant près des grands chemins.
Au milieu du XVIe siècle, le fléau pouvait être considéré comme vaincu en Europe. Les lépreux résidants des léproseries se sont diminués en nombre et disparu vers le début du XVIIe siècle. Ce n’est que dans les années 1940 que la dapsone, premier sulfone qui a permis de stopper la maladie, a été mis au point (Dogra et al., 2013). En 1981, M.leprae a commencé à résister à la dapsone, l’usage de la polychimiothérapie (PCT) utilisant la rifampicine et la clofazimine en plus de la dapsone est recommandé par l’OMS (Duthie et Balagon, 2016). Grâce à ce traitement et aux stratégies de l’OMS, la prévalence de la lèpre a diminué de plus de 90% ces trois dernières décennies.
LE BACILLE DE HANSEN
En 1873 à Bergen, le médecin norvégien Gerhard Armauer Hansen a découvert le bacille de la lèpre, M. leprae. Ce dernier a été aussi identifié comme premier pathogène d’origine bactérienne pour l’homme (Young et al., 1985,Vissa et Brennan, 2001). Mycobacterium est le seul genre qui représente la famille des Mycobacteriaceae, dans l’ordre des Actinomycétales et de la classe des Actinobactéries. M. leprae représente l’une des trois grandes entités de ce genre dont plus de 150 espèces en sont déjà connues (Jagielski et al., 2014).
M. leprae est un parasite intracellulaire obligatoire avec un tropisme pour les macrophages mais aussi les cellules de Schwann et les nerfs périphériques (CMIT, 2010). Il préfère les régions froides du corps (tissu cutané, lobule de l’oreille), ce qui explique une des méthodes utilisées en diagnostic : effectuer un frottis mince à partir du derme du lobe de l’oreille. C’est un bacille droit ou légèrement incurvé, immobiles et non sporulés, de 0,2 à 0,5 µm de diamètre sur 1,5 à 8 µm de long (Gentilini, 2012). Il présente parfois des ramifications qui peuvent former des filaments faciles à diviser en unités bacillaires .
Comme les autres mycobactéries, M. leprae possède la propriété d’acidoalcoolo résistante (BAAR). Considéré comme à Gram positif, il ne peut pas être facilement coloré par la coloration de Gram du fait de la richesse en lipides et glycolipides de sa paroi. Sa coloration implique une méthode sensible et plus adaptée telle que la technique de Ziehl-Neelsen qui colore les bacilles en rouge vif. La partie interne de sa paroi qui est en contact avec la membrane plasmique est formée de peptidoglycane, relié de façon covalente à un polymère de molécules d’arabinogalactane, qui se fixe par des liaisons esters à des acides mycoliques de la couche intermédiaire. La paroi externe est constituée de protéines, de phospholipides et des glycolipides notamment le glycolipide phénolique I (PGL-1) qui est la cible de la réponse immunitaire de l’hôte (Polycarpou et al., 2016). A la différence des autres mycobactéries, la L-alanine des chaînes tetrapeptidiques latérales contenue dans le peptidoglycane est remplacée par une glycine. Le test d’oxydation de la Ddihydroxyphénylalanine (DOPA) et l’extraction à la pyrimidine qui élimine la propriété d’acido-résistance permettent aussi d’identifier M. leprae des autres mycobactéries (Acha et Szyfres, 2005).
La culture de M. leprae n’est pas réalisable in vitro. Le temps de doublement est extrêmement long (11 à 13 jours) par rapport aux autres bactéries connues, sa température optimale de croissance est inférieure à 37 °C (Gentilini, 2012). Ce qui rend la recherche en laboratoire (in vitro) sur cet organisme très difficile. Mais l’inoculation in vivo aux rongeurs, au tatou et aux singes est à présent la seule méthode de culture sûre.
La séquence génomique du M. leprae contient 3 268 203 paires de base (pb) et présente en moyenne 57,8 % de G + C. Ainsi, il possède le plus petit génome parmi les mycobactéries mais aussi le plus riche en A + T. Seulement 1 604 gènes (49,5 % de son génome) code pour les protéines, 1 116 de pseudogènes (27 % de son génome) et le reste soit 23,5 % peut correspondre à des séquences régulatrices ou à des vestiges de gênes non identifiables (Saint-André et Bollet, 2007).
EPIDEMIOLOGIE
Au niveau mondial, la lèpre a connu une régression après l’introduction de la PCT. Au cours des trois dernières décennies, la prévalence de l’infection a baissé audessous d’un cas sur 10 000 habitants dans les 90 % des pays endémiques (Dogra et al., 2013). En 1991, cette diminution était l’objectif de l’OMS pendant la 44e assemblée mondiale de la santé, pour l’élimination de la lèpre en tant que problème de santé publique (Nsagha et al., 2011).
Malgré cette progression, le nombre de nouveaux cas détecté demeurent élevé dans les pays endémiques tels que : le Brésil, l’Inde, l’Angola, la République centrafricaine, le Népal, la République-Unie de Tanzanie, la République démocratique du Congo, la Mozambique et Madagascar. De 2006 à 2015, plus de 100 000 nouveaux cas sont détectés chaque année, dont la charge maximale provient de la région de l’Asie du Sud-Est. En 2014, 213 899 nouveaux cas ont été détectés dans le monde et au début de l’année 2015, 174 608 nouveaux cas ont été enregistrés .
INTRODUCTION |