Méthodes de calcul des coûts à l’hôpital
Nous l’avons dit, contrairement à la comptabilité générale qui affecte les charges par nature, la comptabilité analytique repose sur le principe d’affectation par destination. Appliqué au cas de l’hôpital, la destination pourra être tout objet de coût (ou de profit) qu’un établissement souhaite suivre et mesurer, qu’il s’agisse d’un service clinique, d’un pôle, d’un patient par exemple ou encore d’une journée d’hospitalisation dans la lignée des travaux précédemment évoqués sur la base d’une tarification au prix de journée. Traditionnellement, en comptabilité analytique, il existe deux grands modèles de calcul de coûts : les coûts partiels (méthodes des coûts variables et spécifiques, imputation rationnelle, coût marginal..) et les coûts complets (méthode des sections homogènes, ABC/ABM, méthode des Unités de Valeur Ajoutée…). Nous ne présentons ici que les méthodes les plus souvent utilisées ; elles sont issues du Guide méthodologique la Comptabilité Analytique Hospitalière, diffusé depuis 1997 et dont la dont la 4ème édition est parue en octobre 2011 applicable au 1er janvier 2012.
La méthode des sections homogènes (ou coûts complets)
Elle considère l’ensemble des charges selon la possibilité de les affecter directement ou indirectement au coût que l’on veut calculer. Le coût complet est donc l’ensemble des coûts directs affectables et des coûts indirects répartis et imputés à l’aide de clés de répartition permettant d’aboutir au calcul du coût de revient d’un produit, d’une prestation ou d’une activité. Les coûts indirects sont collectés dans des « centres d’analyse » intermédiaires et ensuite répartis au prorata d’une clé de ventilation représentative de la consommation du coût indirect. Figure 2 : Méthode des sections homogènes Source : Guide Méthodologique de la Comptabilité Analytique Hospitalière, Octobre 2011 La comptabilité analytique hospitalière telle qu’elle est préconisée par le ministère à travers les différents guides s’inspire des coûts historiques complets qui englobent donc les dépenses directes d’un service clinique par exemple et les consommations induites tant en termes de logistique médicale (actes médico-techniques d’imagerie ou de laboratoire par exemple) que de logistique générale (restauration, blanchisserie…).
La Méthode ABC (Activity Based Costing)
Cette méthode de calcul de coûts basée sur les activités propose d’introduire une relation causale dans le rattachement des coûts aux produits. Fondée sur la description des processus, cette méthode mesure très précisément les coûts associés aux ressources consommées par les activités qui constituent le processus ; ce sont les activités qui consomment des coûts et les produits qui consomment des activités. La démarche consiste dès lors à identifier les activités créatrices de valeur puis des inducteurs de coûts qui permettent de déterminer pour chacune des activités retenues le processus selon lesquelles les ressources sont consommées. A titre d’illustration, nous présentons le cas d’un projet de centralisation des achats des pharmacies des hôpitaux du Centre Hospitalier de Metz et du CHU de Nancy, les gisements de performance propres à chaque hôpital ayant été identifiés via la méthode ABC. Cette méthode a en effet permis de caractériser les étapes constitutives du circuit des produits solutés dans les hôpitaux puis d’obtenir une carte précise des coûts de chaque activité, leur répartition par activité et par ressource et ainsi un référentiel quant à la valeur ajoutée des activités et le processus d’approvisionnement standard. Pour autant, la méthode ABC est peu utilisée à l’hôpital du fait de la complexité à définir précisément les produits. Elle nécessite en effet une étroite collaboration entre le détenteur de la connaissance métier en termes méthodologiques, qu’est le gestionnaire, et détenteur de la connaissance technique et s’avère donc très chronophage. La description fine du processus en termes d’activités comme de coûts nécessite également une réactualisation régulière. Elle doit donc être réservée à des processus bien ciblés (Laboratoire, Blanchisserie…) et pourrait être davantage utilisée sous réserve que la totalité des activités soit décrite sous forme de processus qu’il s’agisse de protocoles de prise en charge ou de parcours de soins et chemins cliniques par exemple.
La méthode dite des coûts variables
Elle considère les charges selon leur caractère fixe, variable ou mixte au regard du niveau de la production. Elle consiste à déterminer une marge entre le prix de vente et les coûts variables d’un produit, mesurant sa contribution à la couverture des charges fixes et à l’obtention du résultat de l’entreprise. Elle permet de calculer des seuils de rentabilité et les coûts marginaux. 51 Appliqué au cas hospitalier, elle s’avère pertinente dans le cadre de l’acquisition d’un matériel lourd qui implique un investissement (des coûts fixes) mais aussi des consommables nécessaires au traitement du patient (coût variable) ; quel que soit le mode de financement prévu, une fois la recette calculée, il est possible de calculer le nombre de patients à prendre en charge ou d’actes à réalisés pour atteindre le seule de rentabilité. La comptabilité analytique rendue obligatoire par la tutelle dans le contexte de maîtrise des dépenses de santé s’est traduit par une prolifération d’outils. Pour comprendre l’émergence de ces outils, il reste donc à définir de manière plus précise le produit auquel elles s’appliquent. S’agissant d’une comptabilité par destination, plusieurs types et niveaux d’activité peuvent en faire l’objet. Les principaux outils de la CAH sont construits ou produits à partir de ces méthodes. Les outils peuvent être le tableau issu du Retraitement Comptable (RTC), les coûts de production par activité issus de la méthodologie de la Base d’Angers et enfin les coûts par séjour construits à partir de l’ENCC (Echelle Nationale de Coûts à Méthodologie Commune).
La connaissance de l’activité hospitalière : un défi à relever pour une meilleure allocation des ressources
De nombreux auteurs ont mis l’accent sur la complexité du produit hospitalier du fait de trajectoires patients singulières (Minvielle, 1996) et d’une mesure de l’activité difficilement quantifiable (de Pouvourville, Kletz, Engel, Moisdon, Tonneau). Par ailleurs, l’innovation technologique a profondément changé la nature de la pratique médicale ; outre l’éclatement des savoirs médicaux qui contribue à renforcer la complexité des processus précédemment mise en évidence, on assiste à une intensification et une complexification de la prise en charge dans son ensemble qui se veut plurielle et se manifeste par la concertation de différents spécialistes et une multiplication des déplacements du patient autour des différents plateaux techniques. Ceci étant, quel que soit le parcours du patient lors de son séjour à l’hôpital, un acteur se retrouve constamment au croisement de tous les processus, le personnel soignant, infirmier et aide-soignant dont l’activité a rarement été décrite et mériterait pourtant une analyse plus fine.