Méthodes avancées de séparation de sources applicables aux mélanges linéaires-quadratiques
Principe général de la séparation aveugle de sources
Le problème de la séparation aveugle de sources (SAS ou BSS selon son appellation en anglais Blind Source Separation) a été abordé au début des années 1980 par Christian Jutten, Jeanny Hérault et Bernard Ans dans le cadre de la modélisation neuronale (Hérault et al, 1985). Plus tard, le problème de SAS a re¸cu une attention considérable de la part de la communauté scientifique dans plusieurs domaines tels que le traitement de signal, les statistiques, les réseaux de neurones, etc. Au sens large, le problème de SAS consiste à récupérer un ensemble de signaux sources inconnus à partir d’un ensemble de signaux observés qui résultent d’un mélange inconnu de ces signaux sources (Mansour et al, 2000; Comon and Jutten, 2010; Deville, 2016). Le terme aveugle se réfère au fait que ni les signaux sources, ni le mélange sont connus. Les applications des méthodes de SAS sont diverses, parmi lesquelles nous citons l’astrophysique (Berné, O. et al, 2007; Nuzillard, D. and Bijaoui, A., 2000), le biomédical (Kardec Barros et al, 1998; Deville, 2003; Kachenoura et al, 2007), la télédétection (Bayliss et al, 1997; Wang and Chang, 2006; Pauca et al, 2006; Sajda et al, 2003; Nascimento and Bioucas-Dias, 2005a) et la détection des composants chimiques (Bedoya, 2006; Duarte et al, 2014; Ando et al, 2015). Un aper¸cu détaillé des différentes applications des méthodes de SAS est présenté dans (Mansour et al, 2000; Mansour and Kawamoto, 2003; Hyv¨arinen et al, 2001; Cichocki and Amari, 2003; Jutten and Comon, 2007)Afin d’illustrer le principe de la SAS, prenons l’exemple classique du problème de la soirée cocktail (ou Cocktail Party Problem en anglais), o`u il y a un certain nombre de personnes qui sont en train de discuter dans une pièce. Dans ce cas, un être humain avec une audition en bonne santé peut faire la distinction entre les différentes voix parvenant mélangées à ses oreilles, et ainsi, il peut identifier une voix particulière et la comprendre. Il en est de même pour la SAS, dont le rˆole est d’offrir une solution en séparant les signaux sources, correspondant aux signaux vocaux des invités, à partir des mélanges enregistrés par des microphones placés dans différents endroits. Le principe de cet exemple de séparation est illustré en Figure 1.1. Un problème général de SAS peut être défini mathématiquement comme suit : nous avons un ensemble de K observations qui sont générées à partir d’un mélange de L signaux sources comme suit x = f(s), (1.1) o`u x = [x1, · · · , xK] T est le vecteur d’observations , s = [s1, · · · , sL] T est le vecteur des signaux sources, T désigne la transposée, et f désigne l’opérateur de mélange. Le but idéal de la SAS est de trouver la fonction inverse de f, appelée le séparateur g. Si cette fonction inverse existe, la séparation conduit à un vecteur de sortie y = [y1, · · · , yL] T qui contient les estimations des signaux sources s à certaines indéterminations près. Les sources estimées sont ainsi obtenues avec l’équation suivante : y = g(x). (1.2) La configuration générale du problème de SAS est illustrée dans la Figure 1.2. Les méthodes de séparation de sources peuvent être classifiées principalement selon trois critères : le type de mélange, le nombre de signaux observés par rapport au nombre de signaux sources, et les propriétés des sources considérées. Pour le premier critère, nous trouvons dans la littérature plusieurs types de mélange. Un premier type, concerne le mélange linéaire, c’est-à-dire le cas o`u les observations sont des mélanges linéaires des signaux sources. Les méthodes de SAS traitant ce type de mélange sont les plus étudiées en raison de la simplicité du modèle linéaire. Néanmoins, dans plusieurs applications, le modèle linéaire ne suffit pas pour décrire certains phénomènes physiques intervenant dans le mélange. Pour résoudre ce problème, il est nécessaire d’utiliser un modèle non-linéaire. La spécificité du modèle non-linéaire est sa capacité d’offrir une meilleure description de la réalité physique. L’extension des méthodes de SAS aux mélanges non-linéaires reste toujours moins étudiée en raison Chapitre 1. Séparation Aveugle de Sources 8 de leur complexité. Pour simplifier leur utilisation, des modèles non-linéaires moins complexes ont été proposés dans la littérature. Nous citons, par exemple, le modèle post-non-linéaire o`u le mélange est formé d’une partie linéaire suivie d’une distorsion non-linéaire due aux capteurs. Un autre modèle est le modèle linéaire-quadratique qui contient à la fois des termes linéaires et des termes croisés résultant des interactions qui peuvent se produire entre les différentes sources. Nous nous intéressons dans cette thèse à ce dernier modèle qui sera traité en détail par la suite. Une deuxième classification possible des méthodes de SAS est selon le rapport entre le nombre de signaux observés et le nombre de sources. Lorsque le nombre de signaux observés est supérieur au nombre de sources, nous parlons d’un mélange sur-determiné, et quand le nombre de signaux observés est inférieur au nombre de sources, le mélange devient sous-déterminé. Enfin, le mélange est considéré déterminé lorsque les nombres de sources et de signaux observés sont égaux. Le troisième critère de classification concerne les propriétés vérifiées par les sources. En effet, la SAS n’est théoriquement possible que si certaines hypothèses sont vérifiées par les signaux sources. Dans la littérature, plusieurs propriétés ont été utilisées : signaux à valeurs réelles ou complexes, stationnaires, cyclo-stationnaires ou nonstationnaires, mutuellement indépendants ou non, indépendants et identiquement distribués (i.i.d.) ou non-i.i.d., positifs ou non, parcimonieux ou non, etc. La plupart des méthodes de séparation de sources ont été proposées pour les signaux sources i.i.d. et mutuellement indépendants. Dans ce chapitre, nous considérons un classement selon le type de mélange étudié. Nous présentons, tout d’abord, les mélanges linéaires et les différentes méthodes utilisées en SAS pour les séparer, et par la suite, nous traitons en détail les mélanges linéairesquadratiques et les méthodes élaborées dans ce cadre.
Mélanges linéaires
Dans la littérature, les mélanges linéaires ont largement été étudiés en séparation de sources. Ce type de mélange sera présenté dans cette partie d’une fa¸con succincte. Tout d’abord, nous présentons les différents types de mélanges linéaires ainsi que leurs formulations mathématiques. Ensuite, nous exposons un panorama des méthodes de séparation de sources proposées pour ce type de mélange. Les mélanges linéaires peuvent être répartis en trois sous-catégories présentées dans les sous-sections qui suivent. 1.3.1 Mélanges linéaires instantanés Tout d’abord, nous commen¸cons par décrire le modèle de mélange linéaire instantané. Dans ce cas, l’opérateur de mélange correspond à une somme pondérée et instantanée des signaux sources. Ainsi, l’équation de mélange pour chaque observation xi à l’indice d’échantillon n (ou l’instant t dans le cas d’un signal temporel), en absence de bruit, peut s’exprimer comme suit xi(n) = X L j=1 aijsj (n), ∀1 ≤ n ≤ N, ∀1 ≤ i ≤ K, (1.3) o`u sj (n) représente le j eme ` signal source à l’indice d’échantillon n, aij est un coefficient représentant la contribution de la source j sur le capteur i et N est le nombre d’échantillons. Le modèle reliant les K observations xi aux L signaux sources sj peut s’écrire sous la forme matricielle suivante : X = AS, (1.4) o`u X ∈ R K×N est la matrice contenant les signaux observés, A ∈ R K×L est la matrice contenant les coefficients de mélange aij , et S ∈ R L×N est la matrice contenant les sources.
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