Méthode global/local non-intrusive pour les simulations cycliques non-linéaires
Une description macroscopique est suffisante
La question est donc celle de la définition du comportement macroscopique. Très souvent celle-ci est basée sur des modèles dits phénoménologiques. Dans le cas de matériaux où la microstructure est complexe, ce comportement macroscopique peut-être construit par homogénéisation. Un domaine privilégié est celui des matériaux composites où un volume élémentaire représentatif (VER) périodique peut être défini.
Homogénéisation
Dans ce cas, la théorie de l’homogénéisation asymptotique, initiée par [SanchezPalencia, 1974], fournit un cadre rigoureux pour définir le comportement homogénéisé dans le cas linéaire et même pour des lois de physiques différentes. À partir d’un calcul macroscopique, il est ensuite possible de revenir aux quantités locales sur le VER. Cette technique est particulièrement efficace mais requiert une hypothèse de séparation d’échelle complète, non-valide en cas de forts gradients de sollicitations macroscopiques comme au voisinage des bords des structures. Notons que cette hypothèse de séparation d’échelle se traduit, en terme de calcul, par la définition du comportement macroscopique au niveau des points de Gauss du modèle de la structure entière. Ainsi, la taille du VER disparaît complètement du calcul. De nombreuses méthodes existent pour l’homogénéisation du VER, comme une approche analytique à l’aide d’un développement limité [Devries et al., 1989] ou encore par des formules énergétiques [Tabiei et Yi, 2002] dans lesquelles le VER est lui-même décomposé en cellules. Une des difficultés de cette approche est son extension au non-linéaire bien que des réponses soient déjà proposées [Terada et Kikuchi, 2001] ou encore [Brassart et al., 20] pour les matériaux composites.
Méthode FE2
Cette méthode [Feyel et Chaboche, 2000] très populaire permet d’étendre numériquement les approches d’homogénéisation aux cas de comportements non-linéaires. À partir d’une solution macro homogénéisée, on résout, en chaque point de Gauss, un modèle défini sur le VER, soumis à l’incrément de déformation associé à la solution macro. Le résultat à l’échelle micro permet ensuite de construire le comportement tangent FE2 . Ce processus peut alors être répété sur plusieurs incréments de déformation ou de chargement. Méthode global/local pour les simulations cycliques non-linéaires 8 État de l’art Le procédé itératif est décrit de manière générale ci-dessous et illustré par la figure 1.1. Il est initialisé par un calcul, sur la structure complète, avec une loi matériau homogénéisée. — À chaque point de Gauss macroscopique est associé un problème microscopique représentant le VER et résolu par éléments finis. Le chargement microscopique est défini à partir de l’itéré de déformation macroscopique, on en déduit par le calcul un état de contrainte microscopique et par homogénéisation un état macroscopique. On calcule de la même manière le comportement tangent macroscopique sous les hypothèses de l’homogénéisation périodique. — Le problème macroscopique utilise l’état homogénéisé pour calculer le résidu d’équilibre, et le comportement tangent pour effectuer une itération de Newton qui fournit la déformation macroscopique aux points de Gauss. Cette méthode se caractérise par de très nombreux appels aux calculs microscopiques, ce qui peut se révéler coûteux malgré un parallélisme parfait. FIGURE 1.1 – Principe de la méthode FE2 (adapté de [Feyel et Chaboche, 2000]) Un avantage de la méthodologie est qu’elle peut être appliquée à des comportements macroscopiques particulièrement complexes, comme ceux issus de la mécanique des milieux continus généralisés [Feyel, 2003]. Un inconvénient de la méthode est son coût, aussi des simplifications ont été proposées. [Peyre et al., 20] réduit « la complexité numérique des modèles » FE2 via une méthode d’hyper-réduction du domaine d’intégration. Par ailleurs, [Ramière, 2017] propose une version hybride dans laquelle seuls certains points de Gauss sont analysés par la méthode FE2 lorsque cela est nécessaire, sinon un modèle homogénéisé classique est employé. Méthode global/local pour les simulations cycliques non-linéaires Méthodes de prise en compte de détails ou de comportements locaux
La description micro est nécessaire partout
Lorsque les hypothèses justifiant une approche d’homogénéisation sont mises en défaut sur l’ensemble de la structure, comme en l’absence de VER précis ou lorsque les gradients des solutions macroscopiques sont trop prononcés (mécanique de la rupture), des simulations à l’échelle fine sont requises. Le calcul monolithique est alors extrêmement coûteux et des approches multi-échelles dédiées ont été développées ; elles sont adaptées aux ordinateurs à architecture parallèle. On peut citer dans cette catégorie les méthodes de décomposition de domaine et les méthodes multi-grilles. Par souci de simplicité, les techniques rapportées dans cette section sont présentées dans le cadre linéaire, même si ce dernier n’est pas restrictif.
Méthode de Schwarz
Historiquement, la méthode de Schwarz a été conçue de manière à résoudre de manière itérative un problème posé sur un domaine complexe, à partir de résolutions effectuées sur des domaines simples (pour notre exposé, deux sous-domaines cf. figure 1.2). Un point essentiel de cette méthode est que les deux domaines Ω1, Ω2 présentent une zone de recouvrement. FIGURE 1.2 – Domaines de Schwarz avec et sans recouvrement Deux variantes principales existent, comme rappelé en détails dans [Gander, 2008], qui se distinguent par l’ordre de résolution et la façon d’échanger les informations entre les sous-domaines : — Méthode de Schwarz multiplicative : il s’agit d’une approche séquentielle utilisant systématiquement la dernière solution calculée sur l’autre sous domaine. ( K1u i 1 = F1 dans Ω1 u i 1 = u i−1 2 sur Γ1 ( K2u i 2 = F2 dans Ω2 u i 2 = u i 1 sur Γ2 (1.1) Cette technique présente une bonne convergence, mais par définition ne peut être parallélisée (ou de manière relativement grossière par coloriage des sousdomaines). Méthode global/local pour les simulations cycliques non-linéaires 10 État de l’art — Méthode de Schwarz additive : c’est ici une approche parallèle, mais qui a une convergence moins rapide que la précédente. ( K1u i 1 = F1 dans Ω1 u i 1 = u i−1 2 sur Γ1 ( K2u i 2 = F2 dans Ω2 u i 2 = u i−1 1 sur Γ2 (1.2) Une application de l’approche additive est la méthode Chimère initialement proposée dans [Steger et al., 1982] dans le cadre de la mécanique des fluides puis améliorée dans [Brezzi et al., 2001]. [Lions, 1990] souligne la nécessité d’avoir une zone de recouvrement afin d’utiliser ces méthodes, ce qui est assez restrictif. Il propose alors de changer l’information qui transite entre les sous domaines et remplace les conditions de Dirichlet par celles de Robin, c’est-à-dire des conditions mixtes en déplacements et en efforts : ( K1u i+1 1 = f1 +λ i+1 1 dans Ω1 λ i+1 1 +Q1u i+1 1 = λ i 2 +Q1u i 2 sur Γ ( K2u i+1 2 = f2 +λ i+1 2 dans Ω2 λ i+1 2 +Q2u i+1 2 = λ i+1 1 +Q2u i+1 1 sur Γ (1.3) Cela revient à résoudre sur chaque sous-domaine, un problème soumis à des conditions de Robin dont les impédances d’interface Q1, Q2 sont des paramètres. Seule la version alternée est rappelée ici, bien que son homologue parallèle fonctionne également. Ce type d’approches, sans recouvrement, a connu un essor important. [Glowinski et Le Tallec, 1990] l’utilise et propose une interprétation en la comparant à une technique de Lagrangien augmenté. D’autres techniques sans recouvrement existent. Elles ne reposent pas sur un point fixe contractant mais sur la formulation d’un problème condensé à l’interface [Farhat et Roux, 1991, Mandel, 1993]. Les méthodes de décomposition de domaine telles que présentées ici souffrent d’un problème d’extensibilité (chute des performances avec l’augmentation du nombre de sous-domaines). Pour y remédier, il suffit de rajouter une contrainte de second niveau bien choisie [Farhat et al., 1994, Mandel, 1993, Ladevèze et Dureisseix, 2000] ; on parle alors de méthode multi-échelles, par analogie avec les méthodes multi-grilles, le second niveau est alors dit « grossier ».
Méthodes multi-grilles
Les méthodes multi-grilles sont des techniques d’accélération pour les solveurs itératifs. Elles reposent sur le constat que ces algorithmes, appliqués à des systèmes creux, sont efficaces pour transférer l’information haute fréquence (associé à une petite longueur d’onde – typiquement la taille de maille), mais peinent à transmettre l’information à grande longueur d’onde (basse fréquence – macro). Par une hiérarchie de grilles, Méthode global/local pour les simulations cycliques non-linéaires Méthodes de prise en compte de détails ou de comportements locaux 11 de plus en plus grossières, les méthodes multi-grilles [Fedorenko, 1964] transmettent l’information macroscopique et permettent d’accélérer la résolution pour les solveurs itératifs classiques de types Gauss-Seidel, Jacobi, SSOR ou encore de gradient conjugué [Saad, 2000]. On donne le principe général des méthodes à deux grilles. On souhaite résoudre le problème finKh uh = fh. Pour cela, on construit une représentation grossièreKH , des opérateurs d’extension EH→h et de restriction Rh→H . Un algorithme possible d’implémentation est le suivant : — On réalise quelques itérations sur la grille fine (pré-lissage) de manière à obtenir un itéré uh et un résidu rh = fh −Kh uh. — On projette le résidu sur la grille grossière rH = Rh→H rh, et on résout le problème grossier de manière à en déduire une correction : ∆uH = rH . — On ramène la correction à l’échelle fine : uh = uh +EH→h∆uH . — On réalise quelques itérations du solveur fin, à partir de uh (post-lissage). Si besoin on remonte sur la grille grossière La résolution du problème grossier peut elle-même être traitée par un solveur itératif, accéléré par une méthode multi-grille. On a alors au moins trois grilles et à la fin de chaque calcul on peut s’interroger s’il vaut mieux passer à une grille plus fine (pour mieux évaluer le résidu) ou une grille plus grossière (pour mieux propager l’information). Différents cycles classiques sont possibles (V-cycle, W-cycle cf. fig. 1.3). On peut aussi construire le cycle selon les niveaux d’erreur apparaissant à chaque échelle. Quand la grille grossière est construite à partir d’une véritable discrétisation éléments finis, on parle de méthode multi-grilles géométrique. Une possibilité pour calculer la grille fine est d’utiliser une technique de multi-grilles algébriqueKH = Rh→HKhEH→h. En général, on choisit EH→h = RT h→H (ce qui préserve la symétrie de la matrice grossière). Il est possible de construire des restrictions Rh→H par une simple analyse de la matrice Kh, sans référence au maillage ou au problème continu.
Table des figures |