Méthode de thermochronologie basse température
Principe général et historique de la méthode
Les méthodes de datation présentées ci-dessous (Traces de Fission sur Apatites ou AFT et (UTh-Sm)/He sur Apatites ou AHe) se basent sur deux phénomènes physiques naturels ayant lieu à intervalles régulier dans le temps, la désintégration radioactive et la fission spontanée. La désintégration radioactive est une réaction au cours de laquelle, un noyau père ou radiogénique produit un noyau fils plus léger, associé à une particule alpha (He), beta (électron/positron) et ou gamma.
Les désintégrations successives qui permettent à un élément père d’atteindre son état stable final forment ce que l’on appelle une chaine de désintégration radioactive. Ce phénomène est régi par l’équation de désintégration qui s’écrit de la façon suivante : 𝑑𝑁𝑑𝑡=-𝜆𝑁(𝑡) Avec: λ: constante de désintégration, elle est spécifique à chaque radioélément dN/dt: nombre d’atomes désintégrés par unité de temps. N(t): nombre d’atomes père au temps t La solution de cette équation est du type : 𝑁𝑡=𝑁0∗𝑒-𝜆𝑡 Que l’on peut écrire sous la forme: 𝑁𝑑𝑡=𝑁0∗𝑒-𝜆𝑡 (2.1) 𝑡 =1𝜆𝑙𝑛𝑁𝑑𝑁+1 (3) Avec: N0: le nombre d’atomes père au temps initial Nd (t): le nombre d’atome fils produit au temps t La méthode AFT, se base sur la fission de l’Uranium (U) tandis que la méthode AHe se base sur la désintégration de l’Uranium, du Thorium (Th) et du Samarium (Sm).
Ces méthodes reposent donc sur la quantification des éléments radiogéniques ou des traces de fission, dans le cas de la méthode AFT, accumulés dans une roche au cours des temps géologiques. Plus précisément, l’âge obtenu par l’équation générale ci-dessus permet de dater le passage d’une température théorique à partir de laquelle le minéral constitue un système fermé et Méthode de thermochronologie basse température 86 les éléments fils produits sont conservés dans le réseau cristallin du minéral. Cette température est spécifique à chaque isotope radioactif et au minéral étudié.
Traces de Fission sur Apatites 7
Principe général de la méthode La méthode des traces de fission sur apatite se base sur le phénomène de fission spontanée. La fission spontanée est un phénomène qui n’affecte que les isotopes suffisamment lourds (Z ≥ 90 et A ≥230). Dans la nature cela ne concerne donc que le 232Th, 235U et l’238U et seul l’238U fissionne avec une période suffisamment courte pour que le nombre de traces formé spontanément ne soit pas négligeable. Les traces de fission peuvent aussi être produites par l’effet d’un bombardement anormalement élevé de neutrons, ce qui n’est que très rarement le cas à l’état naturel, on parle alors de traces induites par opposition aux traces spontanées. 87 L’énergie cinétique associée aux produits de fission entraine la formation d’une zone linéaire d’endommagement du réseau cristallin.
Les noyaux fortement chargés vont entrainer l’ionisation des atomes environnants qui vont se repousser sous l’effet de forces électrostatiques et former après relaxation élastique un défaut « permanent » dans le réseau cristallin. Ces traces spontanées ne mesurent que quelques dizaines d’angstrœms et doivent être attaquées chimiquement avant de pouvoir être observées en microscopie optique (Price and Walker, 1962b). A des températures suffisamment élevées, le réseau cristallin est capable de se réorganiser et les traces de fissions ne sont donc pas conservées.
La température de fermeture (Tc) du système AFT correspond à la température à laquelle les traces sont conservées dans le minéral. On considère généralement une valeur de 110 ± 20°C pour la température de fermeture (Wagner and Van den Haute, 1992). De façon simplifiée, connaissant la fréquence de fission spontanée de l’238U, il est donc possible en comptabilisant le nombre de traces d’obtenir l’âge depuis le franchissement de la Tc. La zone de cicatrisation partielle (Partial Annealing Zone, PAZ) est définie comme la gamme de températures ou les traces de fission commencent à se cicatriser et où leur longueur passe de 90% à 10% de leur longueur initiale (Naeser, 1979 ; Wagner, 1979).
Processus de cicatrisation et signification des longueurs de traces confinées
Comme expliqué plus haut, le réseau cristallin possède la capacité de régénération, les traces de fission peuvent donc se résorber. La détermination de la PAZ nécessite de connaitre les différents paramètres influant sur la cinétique de cicatrisation. Les premières expériences réalisées en laboratoire pour étudier ces paramètres ont souvent été réalisées sur des apatites de Durango qui ont la particularité d’être riche en Cl (Laslett et al., 1987 ; Duddy et al., 1988 ; Green et al., 1989). Le phénomène de cicatrisation est thermo-dépendant et bien qu’actif à des températures de subsurface il ne devient significatif qu’à partir du moment où le minéral franchi l’isotherme 60°C. Cette température est considérée comme la limite basse de la PAZ pour le système apatite, la limite supérieure est placée à l’isotherme 110°C.
La chimie des apatites joue aussi un rôle dans la cinétique de cicatrisation. En effet, la composition en anions (CL, F, OH) et en cations (REE, Mn, Sr) a un impact sur la structure cristalline et donc sur la cinétique de cicatrisation (Barbarand et al., 2003). Parmi ces 88 éléments, le rapport Cl/F joue un rôle majeur, les apatites riches en Cl sont plus résistantes à la cicatrisation que les apatites riches en F (Crowley et al., 1991). La composition chimique en chlore peut être obtenue de manière indirecte en mesurant la taille des trous d’attaque à la surface des grains d’apatites (Dpar) (Burtner et al., 1994). La taille des Dpar est liée à la solubilité de l’apatite.