Méthode de construction navale traditionnelle
Durant la reconversion, Lorient reprend sans tarder ses activités de bâtisseur de navires. Plusieurs bâtiments sont construits par la méthode traditionnelle : des chalutiers de 48 mètres 50 (Michel-François, Michel-de-Montaigne, Montesquieu, Picorre), des gabares, des chalands automoteurs, etc. (photos 4 et 5), tandis que d’autres profitent d’un « nouveau procédé » de construction. La méthode traditionnelle est une « fabrication sur chantier » qui se caractérise par la réalisation en atelier d’éléments de coque. L’activité d’assemblage s’effectue sur site, dans le bassin ou la cale, par soudage successif des composants au bâtiment. Une fois la coque terminée, elle s’arme de ses différents matériels. Cette méthode oblige à une multitude de manutentions qui rendent l’aménagement interne du bâtiment et l’implantation des réseaux (électricité, fluide) tributaire de l’avancement des travaux de structures. De plus, l’emploi d’échafaudages est important, les risques d’accident sont élevés, les délais de construction mobilisent durablement les infrastructures limitant la productivité des cales. La préfabrication n’est pas exclusive à la construction navale. D’autres secteurs industriels (l’aéronautique, l’architecture, le génie civil) utilisent aussi ce procédé. Aleyda Resendiz-Vazquez identifie deux types de préfabrication qui sont fonction des méthodes, des moyens et du lieu de fabrication. La première, la « préfabrication simple », est une fabrication qui s’effectue hors du site définitif. Les éléments préfabriqués sont réalisés sur mesure en usine (en atelier) : « ce type peut correspondre aux constructions de caractère non répétitif, construites avec des éléments préfabriqués dont les moyens industriels de fabrication restent secondaires et dépendent des moyens de production des réalisateurs ». La deuxième est la « préfabrication industrielle » : les éléments sont fabriqués en atelier et montés hors du site de fabrication. La construction suit les méthodes de l’industrie.
Tout en préparant le prochain programme naval de 1950 (entre 1949 et 1950, deux tranches navales sont exécutées), le Chef de la section charpente Dutilleul promeut ce « nouveau procédé ». Il veut faire profiter Lorient du programme de Marine marchande confection en atelier de grands ensembles273. Ainsi, les conditions de travail et de sécurité seraient meilleures, et de surcroît amélioraient la qualité des soudures et le rendement général. Enthousiaste, Dutilleul veut faire adhérer le Directeur des Constructions neuves construction soudée et préfabriquée a été rendue possible275. Dans la forme, les éléments préfabriqués « à côté des bâtiments déjà en cours de montage, y sont commodément retournés s’il y a lieu pour l’exécution à plat des soudures intérieures, puis manipulées, sortis de la forme et stockés sur un terre-plein contigu en attendant qu’une grande partie des éléments d’un bâtiment complet y soient rassemblés276 ». Deux types d’ensembles seront construits, les ensembles plans et les blocs volumiques. Pour différencier les ensembles plans (ou quasi plans) des parties plus imposantes par leur volume (les blocs), en 1947, le Directeur des Constructions Navales de Cherbourg Barthelemy utilise deux expressions différentes277. La première est la « préfabrication primaire » et concerne les panneaux : fonds, cloisons, ponts du bâtiment.
Lourds de plusieurs tonnes, les panneaux, sont constitués de tôles planes soudées et maintenues par un quadrillage de fer profilé. La seconde est la « préfabrication secondaire » et concerne le bloc avant ou arrière du bâtiment. Pareillement, ils se composent de tôles et d’ensembles primaires, lesquels sont sensiblement plan – panneau de muraille, de fond, de cloison ou de pont –, réalisé sur une table à souder sans échafaudage (photo 6). Schématiquement, « le panneau préfabriqué est constitué par 1°) un élément de bordé sensiblement rectangulaire, 2°) un ou plusieurs réseaux de l’emploi d’échafaudages. D’autre part, comparativement au préassemblage à deux dimensions, les travaux d’emménagement hors cale sont plus ou moins poussés, à partir des éléments précédents (à deux dimensions) (photo 7). impressionnantes de la forme de construction290. Construits côte à côte, ils occupent une place de 100 mètres de long et laissent libre une aire de préfabrication de 110 mètres sur 36 desservie par plusieurs ponts roulants et un pont-portique. Les plans des navires, établis par les Ateliers et Chantiers de Provence (par méthode traditionnelle) sont repris à Lorient qui les adapte à la préfabrication291. Les ateliers et chantiers de Provence (ACP) n’ayant pas de moyens suffisants pour entreprendre les études d’exécution des cargos, le ministre de l’Armement charge Lorient des études de coque. En fait, les « ACP joueront vis-à-vis de l’arsenal de Lorient, le rôle que le STCAN joue vis-à-vis d’un chantier-chef de file pour les constructions de la Marine militaire292 ». Les ACP auront à fournir à Lorient les plans de principe d’échantillonnage d’emménagement de la coque, les schémas de principe des divers tuyautages et des canalisations, la spécification complète de la coque.