METHODE D’APPREHENSION DE L’INCERTITUDE FORTE PAR LA THEORIE DES POSSIBILITES 

METHODE D’APPREHENSION DE L’INCERTITUDE FORTE PAR LA THEORIE DES POSSIBILITES 

Quels niveaux d’information conserver dans la recherche des logiques d’occupation du sol?

 Comme cela a déjà été mentionné, notre objectif consiste à appréhender les logiques de localisation des sites archéologiques afin d’estimer les zones de peuplement possibles sur l’ensemble de la zone étudiée. Ces logiques ne seront toutefois pas appréhendées à partir de critères théoriques ou présumés, mais évalués de manière empirique à partir de la localisation des sites connus. Au vu des résultats obtenus dans le chapitre précédent, nous postulons (et souhaitons vérifier) que les logiques de localisation des sites diffèrent en fonction de critères à la fois thématiques et relatifs aux données: Du temps considéré : le contexte socio-environnemental dans lequel évoluent les peuplements passés ayant pu évoluer d’un temps à l’autre, il est également fortement possible que les besoins et les priorités de ces populations aient évolué. Ainsi, toute modélisation du peuplement possible ne peut s’effectuer que du point de vue d’une période donnée, et n’est valable que pour cette période. ‐ Du type de configuration spatiale à laquelle les sites appartiennent (hot-spot ou outlier) : si l’on postule que ces deux types de configurations spatiales révèlent des modes d’occupation et éventuellement d’utilisation du sol différents, les peuplements qui y sont associés peuvent également relever de logiques de localisation différentes. ‐ Du niveau temporel considéré : selon le niveau d’observation temporel, on ajoute de nouveaux sites (attachés au temps 1A+1Ba) pouvant, en fonction de leur localisation, faire varier les grandes tendances d’occupation du sol observées. ‐ Du niveau de fiabilité des données considéré : selon le seuil de fiabilité des données pris en compte, on ajoute ou on retranche des données à l’analyse qui, tout comme pour l’ajout d’un second niveau temporel, peuvent faire varier les tendances observées dans l’occupation du sol. 

Le choix de la logique floue pour la modélisation de connaissances incertaines

D’après L. Gacôgne (2003) « la logique floue, ou plus généralement le traitement des incertitudes, a pour objet d’étude la représentation des connaissances imprécises et le raisonnement approché ». Pourtant encore très peu adopté en archéologie (cf chapitre 1) nous postulons que ce cadre théorique et méthodologique est particulièrement adapté à ses problématiques, notamment lorsqu’il s’agit de modéliser le peuplement inconnu sur des zones peu prospectées à partir de connaissances elles-mêmes incertaines (c’est-à-dire ce que l’on appelle communément « l’archéologie prédictive »). 1.2.1 Logique floue et possibilités versus probabilités : quel cadre théorique choisir ? Le cadre envisagé dans le traitement de l’incertitude en archéologie (mais aussi souvent en géographie) est bien souvent celui des probabilités (cf chapitre 1). L’explication qui suit prend l’exemple de l’estimation de la localisation de sites archéologiques envisagée dans le cadre de la  théorie des probabilités et des possibilités, afin de montrer la différence essentielle qui réside entre les deux approches et de justifier notre choix de la théorie des possibilités. Dans le cadre de la théorie des probabilités, la somme des probabilités de la localisation d’un site archéologique est obligatoirement égale à 1, et toutes les alternatives doivent être connues et évaluées quantitativement. Ainsi, la probabilité de localisation d’un site n’est pas une valeur intrinsèque de sa propre incertitude, mais une valeur relative à la probabilité de localisation des autres sites. Dans le cadre de la théorie des possibilités, la possibilité de localisation d’un site A n’influe pas sur la possibilité de localisation des autres sites : celle-ci est une valeur intrinsèque à la localisation du site A. De ce fait, l’ensemble des possibilités de l’ensemble des sites n’est généralement pas égal à 1. Zadeh (1978) utilise un exemple simple pour illustrer la différence entre les probabilités et les possibilités, et propose de considérer l’assertion: « Hans a mangé X œufs au petit déjeuner ». L’incertitude de X est évaluée dans le Tableau 23. On constate ainsi que si la possibilité pour que Hans ait mangé 3 œufs est de 1, la probabilité pour qu’un tel évènement se produise et faible, de 0.1. Ainsi, un faible degré de possibilité n’implique pas forcément un faible degré de probabilité (et inversement). Cependant, si un évènement est impossible, on peut supposer qu’il est improbable. On voit également que le cadre des probabilités offre un ensemble bien plus restreint de choix que celui des possibilités au nombre d’alternatives plus ouvert, correspondant en fait au cône des localisations probables de sites modélisées classiquement en archéologie « prédictive ». Le tableau ci-dessus nous apprend cependant que certains évènements improbables sont des réalités tout à fait possibles : la théorie des possibilités permet ainsi, au-delà des situations les plus habituelles (également prises en compte par les probabilités) où X = 1 à 3, de prendre en compte des situations plus inhabituelles (X = 4 à 8), peut être rares, mais possibles exceptionnellement. Face au haut degré d’incertitude auquel nous sommes confrontés dans les problématiques archéologiques et dans l’évaluation des « passés possibles », l’utilisation de méthodes plus ouvertes que le cadre des probabilités doit être adoptée. Notamment parce-que ce dernier suppose, en amont une connaissance en amont presque exhaustive du système envisagé, ce dont nous ne pouvons nous targuer. Le cadre des possibilités offre l’opportunité d’intégrer dans l’estimation du peuplement certains facteurs de localisation de sites dont on assume ne pas connaître précisément l’ensemble des composantes et des relations possibles. P. F. Fisher (2005) distingue les cas où les probabilités et la logique floue (sur laquelle se base la théorie des possibilités) peuvent être mobilisées : « If both the class and the individual are well defined then the uncertainty is caused by errors and is probabilistic in nature. (…) If the uncertainty is attributable to poor definition of class of object or individual object then definition of a class or set within the universe is a matter of vagueness, and this can conveniently be treated with fuzzy set theory ». Le choix d’une démarche empirique et exploratoire La démarche adoptée consiste ainsi à évaluer les paramètres ayant pu entrer en compte dans les préférences de localisation des sites (pour chacun des différents niveaux mentionnés en 1.1), puis à partir de l’observation de ces critères sur l’ensemble de la zone étudiée, transposer ces observations en termes de possibilités d’occupation des zones non prospectées en fonction des caractéristiques de ces zones.Notre démarche se base donc sur des critères empiriques, et diffère en cela de la démarche adoptée par Bernard Geyer dans l’élaboration de la carte d’ « attractivité » pour les Marges Arides (Figure 10), recouvrant une partie de l’espace étudié. L’appréciation des niveaux d’ « attractivité » repose en effet sur une évaluation experte des critères théoriques dont on suppose qu’ils aient joué un rôle dans la localisation préférentielle des sites en un lieu donné plutôt qu’un autre. Ce modèle théorique est ensuite confronté à la localisation des sites par période, afin d’en vérifier la validité. Notre démarche est complémentaire à celle-ci en ce que l’évaluation des critères ne se réalise pas par connaissance experte de manière théorique mais en se basant sur les aspects de la localisation des sites connus et en en inférant des possibilités de localisation de sites dans les zones à prospecter. La démarche est exploratoire en ce que la corrélation entre les critères à tester (c’est-à-dire, les informations dont nous disposons afin d’évaluer les préférences de localisation des sites) et la localisation des sites est évaluée statistiquement en amont du calcul des possibilités. Il s’agit donc en tout premier lieu, de tester l’impact des divers critères dont on suppose qu’ils aient pu jouer un rôle dans la localisation des sites, afin de sélectionner les plus pertinents. Selon Hans Kamermans (2006), il semblerait que la démarche adoptée ici corresponde à ce que l’on appelle une démarche “inductive” en archéologie “prédictive” : « With the inductive approach to predictive modeling, a model is constructed on the basis of correlations between known archaeological find spots and attributes that are predominantly taken from the current physical landscape. It is only a predictive model when the observed correlations are extrapolated”. Bien que cette définition corresponde globalement à notre démarche au sens méthodologique, les termes employés ne conviennent pas tout à fait à notre philosophie, et nous préférons nous ranger au discours de Thomas G. Whitley (2006), selon lequel “We should not characterize probabilistic modeling with the simplified and incorrectly applied terms of “inductive” and “deductive”. Similarly, I have replaced the term “predictive” with “probabilistic” to reflect a greater degree of indeterminacy” bien que la démarche employée ici soit résolument possibiliste et non probabiliste. 

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