Métallurgie structurale et déformation des aciers inoxydables austénitiques
Métallurgie structurale
Les aciers inoxydables austénitiques ont deux caractéristiques métallurgiques principales : ils contiennent suffisamment de chrome pour leur conférer un caractère inoxydable, et suffisamment d’éléments gammagènes, comme le nickel, pour leur conférer leur structure cubique à faces centrées. Ils s’agit de solutions solides obtenues par hypertrempe depuis une température de l’ordre de 1100°C. Les matériaux que nous avons étudiés sont de type AISI 316, mais nous serons amenés à évoquer d’autres nuances d’aciers. Le Tableau 1 récapitule les compositions chimiques de différentes nuances d’aciers inoxydables austénitiques.
La nuance 316 se différencie de la nuance 304 par l’ajout de 2.5% de molybdène. Cet ajout permet d’augmenter les caractéristiques mécaniques ainsi que la résistance à la corrosion. Les nuances 321 et 347 sont stabilisées par des éléments carburigènes (voir § I.1.2). Le sous type L signifie « low carbon » et indique que l’acier contient moins de 0.03% de carbone. Le sous type L(N) signifie de plus que la teneur en azote est contrôlée et donc supérieure à celle des aciers bas carbone simples.
Par opposition aux aciers bas carbone, on notera parfois H « high carbon » un acier qui possède une teneur en carbone supérieure à 0.03%. On peut utiliser la notion de chrome et de nickel équivalents pour placer ces aciers dans les diagrammes de phase pseudo-ternaires Fe-Cr-Ni. Harries (1981) propose les formules suivantes (en pourcentages massiques): Nieq = Ni + 0.5 Mn + 30 C + 0.3 Cu +25 N Creq = Cr + 2 Si + 1.5 Mo + 5 V + 5.5 Al + 1.75 Nb + 1.5 Ti + 0.75 W
Déformation
Comme pour tous les alliages en solution solide de structure cubique à faces centrées, le paramètre déterminant en ce qui concerne les mécanismes de déformation est l’énergie de faute d’empilement (EFE). Cette énergie est relativement faible pour les aciers inoxydables austénitiques – de l’ordre de 20 mJ/m2 à la température ambiante (Lacombe et al. 1990). Le maclage est donc relativement favorisé et les dislocations peuvent se dissocier facilement en deux partielles.
L’EFE augmente avec la température et varie nettement avec la teneur en éléments d’alliage. En se basant sur des observations de microscopie électronique en transmission, Lacombe et al. (1990) décrivent les mécanismes de déformation des aciers inoxydables austénitiques de la façon suivante : x A très basse température (EFE < 20 mJ/m2 ) : Le glissement de dislocations partielles de type 1/6<112> crée des défauts d’empilement qui forment ensuite des microbandes de phase H.
Enfin, la martensite D’ germe et croît aux dépens de la phase H x Au voisinage de la température Md30 (EFE § 20 mJ/m2 ) : Les dislocations sont peu dissociées. On observe la formation de phase H et/ou du micromaclage x Au dessus de la température Md30 (EFE > 20 mJ/m2 ) : Le glissement des dislocations non dissociées conduit à la formation de bandes de glissement puis de cellules x Pour des températures proches de Tf/2 :
Les phénomènes liés à la diffusion prennent de l’importance. Les dislocations peuvent désormais monter sous l‘effet de la contrainte et de la diffusion des lacunes. Le réseau de dislocations peut donc se restaurer partiellement. De plus, la précipitation se développe. On reviendra sur ces mécanismes dans la suite du texte car la fissuration en relaxation intervient dans ce domaine de température. La capacité d’écrouissage des aciers inoxydables est particulièrement importante à basse température lorsque la déformation conduit à la formation de martensite. Cependant, à plus haute température, même lorsqu’il n’y a pas de formation de martensite, cette capacité d’écrouissage reste relativement élevée.
En effet, autour de 400°C, on observe un effet de vieillissement dynamique car les solutés interagissent avec les dislocations (Barnby 1965). A cet effet Cottrell (1948), s’ajoute semble-t-il un effet Suzuki : certains solutés comme le chrome et le carbone seraient susceptibles de ségréger sur les fautes d’empilement entre deux dislocations partielles (Fujita et al. 1994 et Kaneko et al. 1995). Cet effet contrebalance la baisse de l’EFE qui intervient lorsque la température augmente, et contribue donc sans doute à limiter le glissement dévié et les cinétiques de restauration.