Caractérisation par la mesure de perméabilité au gaz de l’endommagement mécanique et hydrique dans l’EDZ des argilites du Callovo-Oxfordien
Notions fondamentales
Dans les paragraphes suivantes, nous présentons une étude bibliographique sur le transfert de gaz, et nous présentons tout d’abord des notions fondamentales liées au transfert des fluides en milieux poreux afin d’expliquer les phénomènes du transfert de gaz. 2.1 Notions liées aux écoulements multiphasiques non miscibles La tension superficielle La tension superficielle est l’énergie qui existe à la surface de séparation de deux fluides non miscibles. Elle résulte de la non-identité des interactions moléculaires de part et d’autre de la surface de séparation. Elle s’exprime en N.m-1 et elle peut être calculée par la formule de Jurin, qui exprime la hauteur du liquide mouillant dans un tube capillaire : gr h ρ 2γ cosθ = 1. 1 γ tension superficielle [N.m-1] ; θ angle de contact ; ρ masse volumique du liquide [kg.m-3] ; g accélération de la pesanteur [9,81 m.s-2] ; r rayon du tube [m]. Différentes techniques existent pour quantifier ce paramètre comme les tensiomètres à lames ou à anneaux, les tensiomètres à pression de bulle maximale, les méthodes de goutte pendante etc. La tension interfaciale de l’eau pure est de 72,8.10-3 N.m-1 à 20°C. Ce paramètre dépend de la nature du fluide et des différents cations en solution. Ainsi pour les argilites où le fluide interstitiel présente une certaine concentration en cations K, Na, Cl etc…, la valeur de la tension interfaciale sera plus petite.
Figure 1-1 : Schéma de la hauteur d’ascension capillaire définie par la loi de Jurin 9 Pression de disjonction Lorsque l’épaisseur d’un film de liquide séparant deux milieux diminue et devient inférieure à la distance pour laquelle l’attraction moléculaire est significative, la tension interfaciale tendrait à diminuer en raison de la diminution du nombre de molécules interagissant. Dans ce cas, l’énergie résultant de l’interaction entre les molécules des milieux séparés s’appelle la pression de disjonction. Elle est définie à partir du travail nécessaire pour modifier l’épaisseur du film fluide. Son expression est : dh dW h Πd ( ) = − 1. 2 où W est le travail pour augmenter l’épaisseur du film, h, de h à h+dh. Une expression analytique générale est : ( ) m H d h A ∏ h = 1. 3 avec m exposant fonction de la nature des forces d’attraction dominante : m = 3 dans le cas de forces de van der Waals ; m = 2 dans le cas de forces électrostatiques ; AH constante caractéristique, dite constante d’Hamaker. Des montages expérimentaux ont été mis au point par des scientifiques russes (Derjaguin, Churaev, 1978) et bulgares (Platikanov et al, 1987) dans les années 60-80 pour mesurer cette pression par des moyens ‘mécaniques’. Pression capillaire Lorsque deux fluides ou plus coexistent dans un système de capillaires, la combinaison de leur tension interfaciale et de la courbure causée par ces dernières imposent des pressions différentes pour chacune des phases fluides. On appelle pression capillaire la différence entre les pressions deux phases fluides non miscibles. Elle peut être évaluée avec la loi de Laplace : = + 1 2 1 1 r r Pc γ 1. 4 avec Pc : la pression capillaire ; γ : la tension superficielle ; 1 r , 2 r : les rayons de courbures principaux de l’interface.
Cette définition peut apporter des difficultés pour expliquer physiquement l’état du liquide, parce que le liquide (eau par exemple) ne peut subir de fortes pressions négatives (-1000 MPa) en raison du phénomène de la cavitation intervenant sous de faibles pressions négatives. De nombreuses études (L. Mercury et Y. Tardy, 2001, 2004 ; N. R. Tas et al, 2003 ; D. Quéré, 1997; Q .Zheng et al, 1991 ; etc.) ont été réalisées sur les pressions négatives de l’eau. Niels R. Tas a expliqué la possible existence d’une importante pression négative sans cavitation dans des nano tubes et il a défini une notion de rayon critique. Zheng et al a confirmé en laboratoire que l’eau peut supporter une pression inférieure à -140 MPa à 42°C ; la limite théorique de la tension de l’eau serait comprise entre 50 et 300 MPa. 10 Figure 1- 2 : Courbe théorique de la limite de stabilité d’état de l’eau liquide et valeur expérimentale extremale de la pression négative d’eau liquide (Lionel, 2001)
Le potentiel de l’eau en milieu poreux et la succion
Les molécules d’eau du fluide interstitiel d’un milieu poreux (Buckingham, 1907 ; Bolt et Miller, 1958 et Hillel, 1998) possèdent un potentiel dont la valeur peut se calculer sous la forme d’une somme de potentiels : – potentiel gravitaire et de pression (équivalent à la notion de charge hydraulique) ; – potentiel pneumatique (lié à la pression totale de l’atmosphère en contact avec le matériau) ; – potentiel capillaire (liée à la différence de pression de part de d’autre d’un ménisque séparant la vapeur d’eau d’une eau pure saturant la porosité) ; – potentiel osmotique (lié à la composition chimique du fluide interstitiel) ; – potentiel d’absorption (lié aux interactions entre les composants du fluide interstitiel et les surfaces des minéraux). La charge hydraulique, le potentiel pneumatique et le potentiel capillaire sont explicitables et donc calculables. Par contre les potentiels d’absorption et osmotique ne sont pas calculables. Pour les argilites, le potentiel du fluide interstitiel est la somme des potentiels matriciel stricto-sensu, osmotique et d’absorption.
Le potentiel matriciel stricto-sensu m ψ p est lié la pression capillaire, qui est définie par la loi de Young-Laplace. 11 ) 1 1 ( ) ( 1 2 r r Vw P Vw Pa Pc Vw m ψ p = = − = − γ + 1. 5 Pa est la pression atmosphérique, dans l’état standard et qui est prise comme origine des pressions et égale à 0, Pc est la pression capillaire, P est la pression de l’eau dans le pore et l’exposant m signifie la matrice des pores, Vw le volume spécifique partiel [m3 kg-1]. Le potentiel osmotique est donné par la relation suivante ψ 0 = −Vw ∏ 1. 6 ∏ pression osmotique, qui se définit comme la pression minimale qu’il faut exercer pour empêcher le passage d’un solvant d’une solution moins concentrée vers une solution plus concentrée au travers d’une membrane semi-perméable. En négligeant le potentiel d’absorption, le potentiel total est égal à : ( ) = 0 + = − w c + ∏ m ψ ψ ψ p V P 1. 7 Par rapport à un système en équilibre (eau-vapeur d’eau) de référence, le potentiel d’énergie des molécules d’eau dans l’atmosphère peut être aussi défini par : = = 100 ln ln _ _ HR M RT P P M RT v sat w v atm w ψ 1. 8 avec : R constante des gaz [8,314 J·K-1·mol-1] ; T température [K] ; Mw masse molaire de l’eau [kg.mol-1] ; Pv_atm pression partielle H2O dans l’atmosphère [Pa] ; Pv_sat pression de vapeur saturante de H2O [Pa] ; HR humidité relative [%]. Il faut noter que l’humidité relative est le rapport entre la pression partielle de la vapeur d’eau rapporté à la pression de la vapeur d’eau saturante à la température considérée. Elle s’exprime en pour-cent (%). *100 _ _ v sat v atm P P HR = 1. 9 Elle ne dépend que la température. Succion En comparant les relations (1.7) et (1.8), on peut en déduire la notion de succion, qui a été définie en science du sol en 1965, à partir d’une approche thermodynamique, comme une énergie potentielle comparable à la charge hydraulique dans les sols saturés. ln( ) _ _ v sat v atm w w t c P P V M RT S = P + ∏ = − 1. 10 Au contraire de la notion de la pression négative, qui est difficile à comprendre pour un état liquide de l’eau, la succion est quantifiée par une valeur positive.
On parle également parfois de pression capillaire, terme propre aux actions capillaires, mais qui n’est pas adapté pour les sols fins. 12 En fait, la succion est une notion qui simplifie la complexité des phénomènes physiques. Elle n’est pas une quantité réellement mesurable, mais elle ne correspond qu’à une certaine énergie. 2.3 Les lois phénoménologiques de transfert en milieu poreux 2.3.1 Loi de Darcy pour un écoulement en milieu poreux saturé Cette relation a été établie par Henri Darcy en 1856. En étudiant le débit de fluide recueilli après percolation d’eau à travers une colonne de sable (Figure 1- 3), Darcy déduisit cette loi phénoménologique : L h Q K A ∆ = − ⋅ 1. 11 Q débit volumique du fluide, [m3 .s-1] ; ∆h différence de charge de l’eau entre le sommet et la base du massif sableux, [m] ; A et L section et épaisseur du massif sableux, [m] ; K coefficient de perméabilité, [m.s-1], appelé aussi conductivité hydraulique par les hydrogéologiques.
Si l’on note A Q v = la vitesse filtration et L h i ∆ = la perte de charge par unité de longueur du milieu poreux traversé, encore dénommé gradient hydraulique, on obtient une expression plus simple : v = −K ⋅i 1. 12 qui peut être étendue sous forme vectorielle : v = −K ⋅ grad h 1. 13 Cette loi se base sur les hypothèses suivantes : – les forces d’écoulement dues à la viscosité prédominent sur les forces d’inertie ; – l’écoulement du fluide est supposé laminaire ; – le fluide d’infiltration est inerte vis-à-vis du milieu poreux, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune interaction chimique ou physique entre le fluide et le matériau. Le coefficient de perméabilité K dépend des propriétés du milieu poreux et de celles du fluide. On utilise la notion de perméabilité intrinsèque, k, indépendante des caractéristiques des fluides. La relation entre le coefficient de perméabilité K et la perméabilité intrinsèque, k est : g k K ρ µ = ⋅ 1. 14 avec µ la viscosité dynamique du fluide [Pa.s] et ρ la masse volumique du fluide [kg.m-3]. Dans le système SI, l’unité de la perméabilité intrinsèque est le m2 . Dans le domaine pétrolier elle est exprimée en Darcy (1 Darcy = 10-12 m2 ).
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