MESURE EN CONTINU DE LA TURBIDITE EN RÉSEAU D’ASSAINISSEMENT UNITAIRE
La qualité des effluents est caractérisée par de nombreux paramètres auxquels on ne peut accéder que par des analyses en laboratoire, réalisées sur des échantillons prélevés in situ. Ces opérations sont lourdes, coûteuses et inadaptées à une surveillance en routine (Bertrand- Krajewski et al., 2008; Joannis et al., 2010). De plus elles ne fournissent qu’une vision très lacunaire des phénomènes, car ceux-ci se caractérisent par une grande variabilité dans le temps (Langeveld et al., 2005; Lacour et al., 2009b; Métadier and Bertrand-Krajewski, 2011) et nécessite un échantillonnage temporel intensif. Elles sont bien sûr inadaptées pour le développement et la validation des modèles de calcul de flux polluants en réseau d’assainissement (Jack et al., 1996; Ahyerre et al., 1998; Kanso et al., 2007). Les turbidimètres permettent d’obtenir en continu et à pas de temps court une information sur la charge particulaire, ce qui permet d’accéder à la dynamique des phénomènes de transport solide (Ruban, 1995; Marechal, 2000). Ils procurent également une information indirecte sur un certain nombre de contaminants associés aux particules en suspension (Bertrand Krajewski et al., 2010). Cette information est moins spécifique, plus globale, dans le sens où elle ne cible pas des contaminants particuliers comme le font les analyses en laboratoire. Mais en contre partie l’échantillonnage temporel obtenu s’avère très représentatif. Ces turbidimètres suscitent un intérêt croissant de la part des chercheurs et des services opérationnels. En particulier, les chercheurs français travaillant sur les sites expérimentaux en hydrologie urbaine (OPUR à Paris, OTHU à Lyon, ONEVU à Nantes) expérimentent depuis un certain nombre d’années l’efficacité et les gammes d’emploi des capteurs et des méthodes permettant leur exploitation (Joannis et al., 2008). Les résultats obtenus confirment que, la mesure de turbidité en réseau d’assainissement unitaire peut être mise en œuvre avec précision et fiabilité à condition de suivre une démarche métrologique rigoureuse incluant l’étalonnage des sondes, l’implantation in situ et la maintenance régulière des capteurs (Ruban et al., 2008; Lacour, 2009; Joannis et al., 2010).
En assainissement, les habitudes et les prescriptions réglementaires font que les mesures optiques de turbidité sont souvent traduites en concentrations de contaminants, telles que les matières en suspension (MES) ou la demande chimique en oxygène (DCO). Les relations entre paramètres optiques et MES restent une question difficile à appréhender (Ruban, 1995; Bertrand Krajewski et al., 2010). En effet, la relation théorique entre la turbidité et la concentration en MES dépend non seulement de la quantité des particules, mais aussi des caractéristiques de ces particules notamment la granulométrie, la densité, la forme ou encore la teneur en matière organique des particules et la longueur d’onde du signal lumineux utilisé. Cette relation risque donc d’être variable dans les eaux urbaines parce que les particules en suspension ont des caractéristiques très variables, suivant la nature de l’effluent (temps sec ou temps de pluie), l’heure de la journée par temps sec et les caractéristiques des événements pluvieux. Ce chapitre permet de faire une synthèse des travaux sur la mesure de la turbidité en réseau d’assainissement unitaire. Il est organisé en deux parties. La première partie aborde les aspects théoriques de la mesure de la turbidité afin d’identifier les paramètres qui influence la relation entre les MES et la turbidité. La deuxième partie concerne plus l’application de la turbidité en réseau d’assainissement unitaire, en particulier les questions liées à la mise en œuvre et à l’estimation des concentrations en MES.
Définition de la turbidité
Le principe de mesure de la turbidité est décrit par la norme NF EN ISO 7027 (2000) (NF EN ISO 7027, 2000). Les interactions entre un faisceau lumineux et des particules induisent en effet une modification du signal lumineux qui peut être décrite par les lois de l’optique et de l’électromagnétisme notamment la théorie de Mie (Mishendo et al., 1999). Les mesures de turbidité peuvent être influencées par des substances dissoutes absorbant la lumière (par exemple des colorants). Toutefois, de tels effets peuvent être diminués en faisant les mesures à des longueurs d’onde supérieures à 800 nm. Pour les deux méthodes, la norme NF EN ISO 7027, 2000 exige une longueur d’onde λ de la radiation incidente de 860 nm avec une largeur de bande spectrale ∆λ inférieure ou égale à 60 nm et l’angle de mesure doit être à ϑ ± 2.5° avec un angle d’ouverture Ωϑ compris entre 20° et 30°. Selon la méthode utilisée, la turbidité est mesurée en unité FNU (Formazin Nephelometric Unit) (diffusion à 90°) ou en FAU (Formazin Attenuation Unit) (atténuation). Ces unités sont relatives à des suspensions d’étalons de formazine (polymère organique : C2H4N2) dont la granulométrie s’étend de 0.2 à 10 µm et utilisées pour l’étalonnage des capteurs. 1 FAU ou 1 FNU correspondent ainsi à une concentration de 0.72 mg/L de l’étalon (Ruban et al., 2006).