MESURE DE L’ENVIRONNEMENT SONORE
Malgré les nombreuses expériences qui ont été menées sur la qualité sonore, très peu d’études ont été réalisées sur la pertinence des échantillonnages choisis en temps et en espace. Ainsi, les échantillonnages temporels se sont appuyés sur des écoutes allant de 10 secondes [CERMAK 1976] jusqu’à 30 minutes [KUWANO 1988]. Plus récemment, les études portant sur le « soundscape » se sont basées sur des mesures de durée assez variable, c’est-à-dire 1 minute [MA 2010], 5 minutes ou encore 15 minutes . Les études sur la perception du niveau sonore se sont basées sur des stimuli allant de quelques secondes jusqu’à 80 minutes . Un travail exploratoire sur l’influence de l’échelle temporelle sur la pertinence des indicateurs a été mené au Laboratoire de géographie Mobilités, Réseaux, Territoires, Environnements (MRTE) de l’Université de Cergy-Pontoise . Dans cette étude, LAVANDIER C. et BARBOT B. ont mesuré l’environnement sonore en cinq lieux (un jardin, une rue piétonne, un marché couvert et deux boulevards) durant 24 heures, et ont tenté de déterminer quelle était la durée de mesure appropriée pour discriminer les différents lieux, en fonction de différents indicateurs tels que le LAeq, la sonie de Zwicker, des émergences ou encore des indicateurs psycho-acoustiques comme l’acuité (« sharpness »), la rugosité(« roughness ») et la force de fluctuation(« fluctuation strengh »). De l’analyse en composantes principales, il est ressorti que le calcul d’indicateurs classiques tels que le LAeq, la sonie ou encore l’écart-type du LAeq sur 15 minutes permettait de caractériser objectivement un lieu et que ce calcul devait être fait sur cinq périodes de la journée : la nuit, au réveil de la ville, le matin, l’après-midi et enfin sur la période d’endormissement de la ville. En revanche, les indicateurs psycho-acoustiques comme l’acuité et la rugosité n’ont pas été pertinents et n’ont pas apporté d’information permettant de discriminer les lieux. Quant au choix du maillage spatial nécessaire à la caractérisation des lieux, il a suivi plutôt les typologies architecturales des lieux sans en étudier une justification acoustique. Dans le travail présenté ici, la pertinence des choix temporels et spatiaux pour les mesures acoustiques en site urbain va être systématiquement étudiée, afin de fixer les durées, les moments et les lieux nécessaires aux enquêtes perceptives. Le but de ce double maillage, temporel et spatial, est donc d’optimiser les campagnes de mesures. Quelle est la durée nécessaire pour caractériser l’environnement sonore d’un lieu afin qu’elle ne soit ni trop longue pour éviter de perdre du temps au cours des mesures, ni trop courte pour éviter de perdre de l’information acoustique ? Quelle est aussi la distance à respecter entre les points de mesures afin de caractériser des lieux appartenant à des zones différentes d’un point de vue acoustique ?
CARACTERISATION SUBJECTIVE DU PAYSAGE SONORE
Dans leur étude évoquée dans l’introduction , le réseau de recherche COST TD0804 « Soundscape of European Cities and Landscapes » a également recensé différents facteurs perceptifs qui caractérisent le paysage sonore. Parmi eux se trouve un premier groupe d’indicateurs qui sont des descripteurs verbaux globaux et tentent de décrire l’expérience sonore dans son ensemble. Des attributs globaux comme apaisant et agréable ou gênant et bruyant ont été utilisés [BERGLUND 2006]. Lors d’une étude en composantes principales [CAIN 2010], ces nombreux multiples attributs ont pu être regroupés en deux axes étiquetés « Calme » (« Calmness ») et « Vitalité’ (« Vibrancy »). Plus généralement, ces deux axes sont nommés « Agrément » (« Pleasantness ») et « Animation » (« Eventfulness ») comme le précisent AXELSSON O. et al.. A ces deux dimensions, vient s’ajouter une troisième composante nommée « Familiarité » . Ces résultats sont concordants avec ceux trouvés par VIOLLON S. qui avait également trouvé trois axes nommés alors « Affective impressions, Un autre moyen de décrire les paysages sonores est de se focaliser sur les sources sonores qui composent l’environnement . Dans leur étude portant sur la contribution des caractéristiques des sources sonores sur le jugement du paysage sonore urbain, LAVANDIER C. et DEFREVILLE B. ont décrit les sources sonores avec des attributs tels que « Proximité », « Prégnance » et « Présence » en considérant les travaux de WOLOSZYN P. et SIRET D. [WOLOSZYN 1998]. Ces attributs étant respectivement reliés à l’espace, à l’énergie et au temps. Outre les descripteurs holistiques ou analytiques, une façon de décrire un « soundscape » est d’utiliser une méthode narrative. Dans ces conditions, le « soundscape » est vécu à travers des séquences d’écoute ciblée de l’environnement sonore auxquelles se mêlent des moments d’écoute plus globale. Ainsi, la narration fournit essentiellement le sens que les personnes donnent aux différentes composantes de l’environnement sonore. Une dimension spatiale peut également être ajoutée à travers un parcours commenté, en combinant la description narrative de l’environnement sonore avec un parcours au sein de celui-ci . Enfin, alors que les méthodes narratives tentent d’évoquer les « soundscapes » par des descriptions verbales (écrites ou orales), un relevé acoustique ou sonore essaie plutôt d’enregistrer un environnement sonore typique ou non et de le présenter avec une description adéquate du contexte afin de suggérer le « soundscape » dans l’esprit des personnes qui l’écoutent.
CARACTERISATION OBJECTIVE DU PAYSAGE SONORE
Les indicateurs décrits ci-dessus s’appuient sur des mesures perceptives relatives aux êtres humains. Il existe beaucoup de situations où des indicateurs basés sur les enregistrements acoustiques ou des simulations sont les seules possibilités : surveillance, création de cartes, etc. Des mesures globales de l’environnement sonore telles que le LAeq, le LA50 ou LA90, des mesures spectrales ou encore de dynamique (écart-type du LAeq par exemple) sont alors nécessaires. A première vue, ces mesures globales ne traduisent pas la présence de sources sonores particulières. Cependant, compte tenu d’un contexte particulier, ces indicateurs globaux peuvent témoigner de la présence de sources caractéristiques. Par exemple, les hautes fréquences dans les parcs urbains pourraient indiquer la présence d’oiseaux et de sons humains alors que le LA90 sera représentatif du trafic lent lointain. L’interprétation de ces 10 mesures globales peut donc fournir des informations importantes sur la nature des sources présentes et permettre une meilleure compréhension de l’environnement sonore étudié. Enfin des mesures analytiques de l’environnement sonore devraient mieux correspondre aux évènements présents dans l’environnement sonore que les mesures holistiques. Toutefois, ces indicateurs sont parfois très difficiles à extraire du signal global capté par le microphone et une reconnaissance « à l’oreille » des sources sonores dans un flux continu s’avère souvent être un travail fastidieux. Bien que toujours en développement, des outils de reconnaissance automatique des sources peuvent aider à identifier l’apparition de sons caractéristiques mêlés à un flux sonore global dans un enregistrement long. Quoiqu’il en soit, des indicateurs comme le nombre d’évènements, le temps de présence de ces évènements ou le niveau sonore durant lequel ces évènements sont émergeants sont nécessaires à la caractérisation du paysage sonore. Ainsi, le temps de présence et le niveau de plusieurs sources prédominantes dans un environnement sonore sont au cœur d’un outil de description d’un « soundscape » développé par MATSUI T.et al. . Le concept de « Time-Component Matrix Chart » (ou « TM Chart » en abrégé), dont une représentation est donnée Figure 2, consiste à représenter visuellement dans un espace à deux dimensions, le pourcentage de temps de présence de plusieurs sources prédominantes et les niveaux de celles-ci ramenés en pourcentage de temps d’apparition. Ainsi, plusieurs environnements sonores peuvent être comparés à travers leur représentation en « TM Chart ». preferences » (« impressions affectives, préférences ») pour le premier et corrélé à 98% avec l’adjectif « pleasant » (« agréable »), « Activity due to sound presence of human beings » (« activité due à la présence sonore des comportements humains ») pour le second, corrélé avec l’adjectif « bustling » (« animé ») et enfin « Auditory expectations » (« attentes auditives ») pour le troisième, corrélé avec l’adjectif « unexpected » (inattendu ») [VIOLLON 2000a]. Cependant, ces descripteurs globaux de l’environnement sonore ne donnent que peu d’informations sur la description du paysage sonore. De plus, ils ne sont valides que pour un groupe particulier de personnes et dans le contexte particulier de l’étude. Aussi des descriptions plus détaillées sont nécessaires pour passer entre les différents contextes et sousgroupes de populations.