Les musiciens qui étudient la musique à temps plein à des niveaux supérieurs (collégial et universitaire) ont, pour la plupart, le désir de faire carrière dans ce domaine. Par exemple, dans une étude de Bennett et Bridgstock (2015), 82 % des étudiants en musique interrogés avaient l’espoir de devenir musiciens professionnels suivant leur graduation. Toutefois, peu nombreux sont les élus et seuls les élites parviennent à devenir musiciens professionnels (Bennett & Bridgstock, 2015; Bonneville-Roussy, 2010; Robidas, 2004). Il devient important alors de s’intéresser à la performance musicale et aux différentes composantes pouvant l’influencer.
Ce qui se rapproche le plus dans la littérature d’une définition de la performance chez les musiciens serait la définition que font Ericsson et Charness (1994) de l’expertise, voire de l’excellence. Ce dernier définit la performance de niveau expert comme étant une performance systématiquement supérieure sur un ensemble spécifié de tâches représentatives pour le domaine à l’étude (traduction libre, p. 731). Dans leur méta-analyse de treize études, Platz, Kopiez, Lehmann et Wolf (2014) relèvent plusieurs façons différentes utilisées pour évaluer la performance en musique. Entre autres, une façon d’opérationnaliser la performance est d’avoir un expert qui note la performance de chaque musicien selon des critères préétablis (p. ex., la sonorité, la musicalité et l’intonation). Une autre façon est de prendre le résultat à un examen d’instrument (p. ex., une note sur 100) comme critère de performance. Il est également possible de compiler, par ordinateur, le nombre de notes jouées qui sont correctement performées. Finalement, d’autres chercheurs mesurent la performance lors de lectures à vue. Avec cette grande variété, il devient important, en plus de choisir une façon de mesurer la performance, de définir le genre de performance que l’on veut mesurer.
Selon Platz et ses collaborateurs (2014), il y a un manque d’études empiriques mesurant l’expertise dans le domaine de la musique. Il faut dire que ce dernier ne juge pas comme étant des mesures objectives de la performance les mesures auto-rapportées ou l’évaluation des habiletés par un chef d’orchestre. Toutefois, selon d’autres auteurs (p. ex., Ericsson, Krampe, & Tesch-Römer, 1993; Vallerand, 2015), l’évaluation de la performance par des évaluateurs expérimentés est une façon valable de mesurer la performance.
Un élément qui ressort de ce tableau est que l’opérationnalisation de la performance dans la littérature est assez variée. La façon de la mesurer dans la présente étude sera de type quantitatif, les participants se voyant octroyés une note en pourcentage à la suite d’une audition. L’opérationnalisation de la variable performance sera davantage explicitée dans la section « Méthode ».
Selon Gabrielsson (2003), la mesure de la performance devrait autant que possible être faite et considérée en relation avec les intentions du musicien qui performe. Toujours selon le même auteur, la musique est un moyen de communication et d’expression, et les différentes performances devraient donc être mesurées avec cette composante. Avec cette façon de voir les choses, il devient important de prendre en compte, dans la mesure de la performance, la capacité du musicien de transmettre un message ou une émotion dans sa musique. Les mesures recensées ne semblent pas considérer spécifiquement cet élément.
Déterminants de la performance chez les musiciens
Plusieurs éléments influencent la performance chez les musiciens. Il y a certains éléments plus techniques. Entre autres, les musiciens doivent prêter attention à avoir une belle sonorité, à avoir une précision rythmique, à interpréter avec justesse les nuances, à acquérir une dextérité digitale ainsi qu’à jouer avec la bonne intonation musicale (Morganstern, 2010). Il y a aussi des aspects psychologiques. Parmi ceux-ci, on retrouve des facteurs cognitifs et affectifs. Par exemple, dans une étude de Buma et al. (2015), la question suivante a été posée : « À quoi pensez-vous et sur quoi vous concentrez-vous lors des moments de performance sous haute pression?» L’étude avait un devis qualitatif et visait à explorer les pensées et les émotions des musiciens lorsqu’ils performent. Les résultats de l’étude ont indiqué que pour maintenir un haut niveau de performance sous la pression, les musiciens se concentrent sur les informations liées à la musique (p. ex., j’entends la note avec la bonne intonation avant de la jouer, puis je la joue), sur les aspects physiques (p. ex., la respiration) ainsi que sur les pensées qui donnent de la confiance (p. ex., je pense à ce solo qui s’en vient et je vais le jouer merveilleusement bien). Cette étude semble indiquer que, selon les musiciens, les processus cognitifs et affectifs utilisés peuvent positivement influencer leur performance.
Dobson et Gaunt (2013) ont également voulu explorer les expériences des musiciens. Spécifiquement, ces auteurs se sont intéressés aux croyances des musiciens face aux habiletés et aux qualités requises pour faire carrière en tant que musicien d’orchestre, à leur motivation ainsi qu’à la façon dont ils font face aux défis. Les résultats démontrent que les musiciens considéraient la concentration, la capacité d’adaptation, les habiletés sociales et interpersonnelles, la technique, la pratique, la rapidité, la lecture à vue, l’écoute et le fait de comprendre son rôle dans l’orchestre comme des éléments vitaux pour la performance. En regard de ces études, il apparait évident qu’une panoplie de facteurs techniques et psychologiques influence la performance en musique. Dans la présente étude, une attention particulière sera portée aux aspects psychologiques, notamment la passion pour la musique ainsi que l’importance accordée à la transmission des émotions et aux éléments techniques lors d’une performance.
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