Mécanismes de résistance aux antibiotiques chez Pseudomonas aeruginosa 

Généralités sur Pseudomonas aeruginosa

Habitat : Pseudomonas aeruginosa est une bactérie opportuniste capable de s’adapter dans la nature (ubiquitaire en particulier dans les milieux humides et chauds). On la rencontre à l’état saprophyte dans les sols humides, sur les végétaux et surtout dans les eaux usées, douces et marines (Ruiz et al., 2004). C’est une bactérie indépendante de l’homme mais elle peut être commensale de son tube digestif. La peau saine, lipophile, est mal colonisée par la bactérie à l’inverse des muqueuses (respiratoire, digestive, urinaire) qui présentent une ambiance hydrophile (Chaibdraa et al., 2008). À l’hôpital, ce germe ayant peu d’exigences nutritives est répandu dans les environnements humides comme les robinets, les siphons, les lavabos, les douches, la surface des thermomètres buccaux, les nébuliseurs, les humidificateurs et peut aussi contaminer des solutions d’antiseptiques.
Rôle pathogène : P. aeruginosa est à l’origine des infections nosocomiales exogènes (infections manuportées, infections sur matériel implanté) et endogènes (flore cutanée, digestive) chez des patients le plus souvent immunodéprimés (Denis et al., 2007). Les souches les plus pathogènes sont productrices d’une cytotoxine nécrosante et surtout d’une exotoxine protéique dite A (Lashéras et al., 2006). Ses propriétés microbiologiques de résistance naturelle à de nombreux antibiotiques et ses capacités d’adaptation et de mutation très rapides font de Pseudomonas spp une préoccupation permanente chez lez brûlés les plus graves (Chaibdraa et al., 2008). P. aeruginosa provoque des infections respiratoires chroniques chez les personnes atteintes de fibrose kystique (FK) et agit comme agent pathogène opportuniste de la bactériémie des infections des voies urinaires et pneumonies nosocomiales chez les patients avec des brûlures, des cathéters urinaires, et ceux de la ventilation invasive (Clifton et al., 2011). Chez les patients atteints de la mucoviscidose, la production d’un mucus visqueux qui en résulte favorise la colonisation bronchique par diverses espèces dont la plus significative sur le plan de la pathogénicité est P.aeruginosa. Cette bactérie de l’environnement parvient à s’implanter chez ces patients et à aggraver la symptomatologie pulmonaire avec une action pré-inflammatoire. La présence de P. aeruginosa accompagne souvent une dégradation progressive de la fonction respiratoire, rythmée par des phases d’exacerbation infectieuse (Vettoretti, 2009).

Mécanismes de résistance aux antibiotiques chez Pseudomonas aeruginosa

Résistances naturelles : P.aeruginosa possède une résistance naturelle à un grand nombre d’antibiotiques en raison de la production d’une bêta-lactamase chromosomique inductible de classe C qui n’est pas inhibée par la clavulanate et d’une mauvaise perméabilité membranaire. P.aeruginosa est donc naturellement résistante aux pénicillines des groupes V, G, M et A, à la plupart des céphalosporines de troisième génération et aux quinolones de première génération. P.aeruginosa est aussi généralement résistante à la kanamycine (Poole, 2004) . A ces différents mécanismes s’ajoute le système d’efflux actif MexAB-OprM , qui se produit constitutivement chez les bactéries sauvages, et qui joue un rôle fondamental dans la résistance naturelle à de nombreux agents toxiques ou antibiotiques dont les β-lactamines (Livermore, 1995) et aux aminosides (Masuda et al, 2000). Elle possède également la capacité d’acquérir très rapidement d’autres résistances soit par mécanismes enzymatiques : protéases, bêta-lactamases à spectre élargi (BLSE), type céphalosporinase, imipenémase, soit par un mécanisme non enzymatique (imperméabilité). Parmi ces modes de résistance, celle adaptative tient une place essentielle. L’opportunisme de ce pyocyanique est à l’origine de sepsis graves sur les terrains fragilisés: brûlures graves, immunodéprimés, malades de réanimation, ventilation assistée invasive, dispositifs invasifs (sonde, cathéters) périphériques et centrales (Chaibdraa et al, 2008). Elle a toujours été considérée comme un micro-organisme difficile à traiter en raison de sa résistance aux antibiotiques (Mesaros et al, 2007). P.aeruginosa n’est sensible naturellement qu’à un nombre restreint d’antibiotiques. Les études de Sivanmaliappan et Sevanan (2011) ont démontré que les souches de P. aeruginosa isolées à partir des ulcères du pied sont plus résistantes aux agents antimicrobiens.
Résistances acquises : Les bactéries peuvent également acquérir la résistance à un antibiotique, dans ce cas, la résistance acquise est présente seulement dans certaines souches de l’espèce. Cette résistance résulte d’une modification génétique par mutation ou d’une acquisition de matériel génétique étranger (Faure, 2009). Dans certains cas, les gènes de résistance nouvellement introduits dans le cytoplasme de la bactérie peuvent s’intégrer dans son chromosome grâce à des phénomènes de recombinaison homologue ou de transposition (Hedi, 2008).

Epidémiologie de Pseudomonas aeruginosa

Grâce à l’apport des techniques de la biologie moléculaire, les études épidémiologiques ont permis de savoir que les infections dues à P.aeruginosa sont endémo-épidémiques avec une partie de transmission croisée non négligeable pouvant atteindre 50% des cas. Néanmoins  l’infection par cette bactérie est majoritairement endogène, tant en réanimation (Bricha et al., 2009) qu’en milieu de soins.
Avec l’utilisation de la biologie moléculaire, l’étude de la chronologie de la colonisation des patients par P.aeruginosa ventilés mécaniquement en unité de réanimation débutait au niveau des voies aériennes (Bricha et al., 2009). L’environnement hydrique comme les siphons des postes de lavage des mains peut servir de réservoir et être à l’origine de transmission croisée aux patients. 20% des infections nosocomiales sont dues à P.aeruginosa, alors qu’on ne la trouve que dans 3.3% des infections communautaires. Chez les patients recevant une ventilation mécanique, 89% des patients étaient colonisés par P.aeruginosa, dont 17% développaient une pneumonie.
En Tunisie, une épidémie à O:12 a été rapportée. En effet, seules deux souches isolées pendant l’épidémie avaient des pulsotypes qui différaient de la souche clonale par deux à trois bandes, alors que la souche isolée à la fin de l’épidémie avait le même pulsotype. Ainsi, l’appareil d’aspiration, les personnels soignants, les tubes de ventilation, les solutions salines de lavage bronchique, les solutions de désinfectant, les tables et autres matériels médicaux sont rapportés comme vecteurs de souches épidémiques (Lashéras et al., 2006).

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Mécanismes de résistances aux β-lactamines

Les antibiotiques, caractérisés par la présence d’un noyau β-lactame, sont actuellement les plus utilisés en thérapeutique en raison de leur large spectre d’activité et de leur action bactéricide rapide sur les bactéries sensibles. La résistance aux β-lactamines peut impliquer la surexpression constitutive du gène Ampc codant la β-lactamase, l’acquisition d’une β-lactamase extrinsèque, la surproduction d’un système d’efflux actif ou un déficit en porine OprD. En effet, les Pseudomonas possèdent des éléments génétiques susceptibles d’acquérir ou de perdre des gènes de résistance aux antibiotiques, décrits sous le nom d’intégrons. Ces intégrons peuvent héberger des cassettes, éléments mobiles formés d’un gène et d’un site spécifique de recombinaison. Plusieurs classes d’intégrons ont été définies ; trois d’entre elles (classes 1, 2 et 3), bien caractérisées, sont impliquées dans la dissémination de la résistance aux antibiotiques. Les Pseudomonas possèdent des cassettes décrites sur les intégrons de classe 1 (résistance aux ß-lactamines, aux aminosides, au chloramphénicol, au triméthoprime et à la rifampicine) et de classe 3 (résistance aux ß-lactamines et aux aminosides) (Auajjar et al, 2006).
La nouveauté est la description de plus en plus fréquente de souches résistantes aux carbapénèmes par acquisition de carbapénèmases. Ce dernier phénomène, supporté par des structures génétiques mobiles donc transmissibles entre souches, est ainsi bien plus inquiétant. Contre de telles souches, seule la colistine, voire la tigécycline constituent une alternative mais leur activité est inconstante. À notre connaissance, aucune autre molécule n’est à l’heure actuelle à un stade de développement assez avancé, pour répondre à ce vide dans l’arsenal thérapeutique contre P. aeruginosa dans les années à venir. Les carbapénèmes sont donc des molécules précieuses qu’il convient de préserver (Grall, 2011). A ce jour, les β-lactamases sont réparties en quatre classes de A à D selon la classification d’Ambler. Cette dernière est la plus utilisée en pratique médicale, elle tient compte des analogies de séquences peptidiques, en particulier celles du site enzymatique, ainsi que du profil d’inhibition. Les enzymes de classe A, C et D possèdent une sérine dans leur site catalytique alors que celles de classe B sont actives en présence de zinc (Cholley, 2010).

Résistance aux aminosides

Pseudomonas aeruginosa est une espèce sensible naturellement aux aminosides (gentamicine, tobramycine, nétilmicine, amikacine, isépamycine). Le déficit en enzymes de la chaîne respiratoire conduit à une résistance de bas niveau aux aminosides. Les altérations structurales résultent de mutations au niveau des protéines ribosomales (mutation sur le gène rps) ou au niveau de l’ARN 16S (mutation du gène rrs).Cependant, depuis une dizaine d’années, un nouveau mécanisme de résistance d’origine plasmidique a émergé dans le sud-est asiatique et s’est répandu dans le reste du monde. Il s’agit d’un mécanisme de résistance enzymatique responsable de la méthylation de l’ARN16S composant la sous unité 30S du ribosome (site de fixation du ribosome), ce qui conduit à une résistance de haut niveau à tous les aminosides. Le mécanisme de résistance, par inactivation enzymatique, est le plus fréquemment décrit. Il repose sur l’action de trois groupes d’enzymes, les aminosides-phosphotransférases (APH), les aminosides-nucléotidyl transférases (ANT), et les aminosides-acétyltransférases (AAC), qui catalysent la phosphorylation des groupements hydroxyles (OH), la nucléotidylation des groupements hydroxyle, et l’acétylation des groupements aminés (NH2), respectivement. Les résistances acquises, médiées par des enzymes inactivatrices, sont nombreuses. La résistance de bas niveau à tous les aminosides est liée à une perméabilité membranaire alors que la résistance à haut niveau résulte de la combinaison d’une perméabilité membranaire avec la production de l’enzyme AAC (6′)-II (Hedi, 2008).

Table des matières

INTODUCTION 
CHAPITRE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 
I. Généralités sur Pseudomonas aeruginosa 
I.1. Habitat
I.2. Rôle pathogène
I.3. Caractères bactériologiques
I.3.1. Morphologie microscopique
I.3.2. Caractères de culture
I.3.2.1. Conditions de culture
I.3.2.2 Milieux de cultures utilisés
1.3.3 Caractères biochimiques
II. Mécanismes de résistance aux antibiotiques chez Pseudomonas aeruginosa 
II.1. Résistances naturelles
II.2. Résistances acquises
II.2.1. Mécanismes de résistances aux β-lactamines
II.2.2. Résistance aux aminosides
III. Epidémiologie de Pseudomonas aeruginosa
Chapitre II : MATERIELS ET METHODES
I. Souches bactériennes utilisées
II. Etudes bactériologiques
II.1. Identification des souches
II.1.1. Mode opératoire
II.2. Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI)
III. Etudes génétiques
III.1. Extraction des souches de P. aeruginosa
III.2. Amplification par PCR (Réaction de Polymérase en Chaine)
Chapitre III : RESULTATS ET DISCUSSION 
I. Résultats
I.1. Etudes bactériologiques
I.1.1. Identification des souches
I.1.2. Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI)
I.2. Etudes génétiques
I.2.1 Contrôle des produits PCR
II. DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
31. Nordmann, P. 2003 Mechanisms of resistance to betalactam antibiotics in Pseudomonas
aeruginosa. Ann Fr Anesth Reanim 22: 527-530.
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4

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