Matrice de pyrocarbone : propriétés, structure et anisotropie optique

Matrice de pyrocarbone : propriétés, structure et anisotropie optique

 Mécanismes de croissance des motifs texturaux et structuraux

Ce chapitre représente un travail mené en commun sur la structure et la texture d’un certain nombre de dépôts obtenus par [H.Le Poche 2003] et [A. Mouchon 2004]. Ces dépôts ont été réalisés en relation directe avec les variations cinétiques et les études de compositions de la phase gazeuse sur le réacteur expérimental du LCTS. A la suite du travail de [H.Le Poche et al. 2004] et de [A. Mouchon 2004], nous voulons établir le lien entre les mécanismes de croissance proposés et les structures des différents pyrocarbones du laboratoire dans la logique de la classification établie au chapitre 1. 2.1 Introduction : rappels bibliographiques Suivant les conditions de dépôt, la structure et la texture des pyrocarbones déposés évoluent. De nombreux auteurs ont cherché à corréler la texture aux mécanismes de croissance depuis le travail précurseur de Bokros en 1969. La compréhension de la complexité des processus réside à l’interface entre génie chimique, étude structurale et modélisation. La difficulté est de rendre un maximum de variables indépendantes sur le plan expérimental. Pour ce faire, un réacteur piston instrumenté, qui possède l’avantage d’avoir une zone chaude limitée [O. Féron et al. 1999a], est utilisé. On peut y produire de la CVD, mesurer la cinétique des dépôts, ou étudier les relations entre CVD et CVI, en introduisant dans la zone chaude des substrats avec des rapports S/V croissant. L’instrumentation consiste en une micro-balance pour mesurer les prises de masse, une mesure en infra rouge à transformée de Fourier (IRTF) pour l’analyse qualitative de la phase gazeuse [O. Féron et al. 1999b et O. Féron et al. 1999c] et une spectroscopie de masse en sortie de réacteur pour mesurer la composition. Maturation de la phase gazeuse et contrôle des mécanismes de croissance (laminaires régénératifs). Grâce à une étude couplée de cinétique et d’analyse de la phase gazeuse, O. Féron et al. 1999b ont montré qu’il existe une transition entre deux mécanismes de croissance différents, le long de la courbe à 2kPa de la Fig.2.1, entre 0,5s et 3s de temps de séjour. L’un des deux se produit aux faibles temps de séjour avec une cinétique lente, tandis que l’autre se produit aux forts temps de séjour avec une croissance rapide (Fig.2.1). Cette transition est liée au degré d’avancement des réactions homogènes (maturation de la phase gazeuse). P. Dupel et al. 1994 ont montré qu’au delà d’un certain temps de résidence, la phase gazeuse s’appauvrit et la cinétique de dépôt redevient lente. Par la suite, Bouchard et al. 2001 ont étudié par AFM, le long de la courbe à 2kPa de la Fig.2.1, entre 0,5s et 3s de temps de séjour, la nucléation du pyrocarbone sur un substrat de HOPG (graphite « monocristallin » de synthèse) pauvre en sites actifs. Ils ont montré qu’il s’agit  en fait d’une compétition entre un mécanisme hétérogène qui nécessite la présence de sites de croissance de surface (cinétique lente) avec un mécanisme complètement indépendant de l’existence de sites (cinétique rapide). Lavenac et al. 2001 montrent dans ce cas que la phase gazeuse s’enrichit en espèces lourdes, molécules HAP (hydrocarbon aromatic polycyclic), qui se déposent par physisorption et diffusent difficilement en surface. Ces HAP réagissent ensemble en piégeant de nombreux défauts de réseaux et de l’hydrogène. Bourrat et al. 2001 ont étudié dans les mêmes conditions, la structure des dépôts insitu obtenus sur des grilles de MET (technique de préparation d’échantillon permettant d’observer les couches de carbone telles que déposées). A faible temps de séjour, on observe en haute résolution des couches longues, continues et riches en courbures conchoïdales qui sont typiques de la présence de pentagones ou d’heptagones : le dépôt peut perdre toute anisotropie. Pour des temps de séjour longs, le pyrocarbone est très anisotrope. Les couches sont alors de taille plus faible et les défauts de réseau sont de tailles nanométriques (ondulations). Ainsi, dans cette expérience, plus le temps de séjour augmente, plus la proportion de couches longues et courbes diminue, et plus l’anisotropie augmente. La compétition « cinétique » étant très en faveur du processus de dépôt par physisorption, on peut se demander pourquoi l’on n’observe non pas deux pyrocarbones distincts mais plutôt une transition progressive le long de la courbe à 2kPa. Depuis Coffin 1964, il est connu que la présence de couches courbes, même isolées, provoque des défauts (porosité structurelle) qui génèrent des cônes de croissance larges (défauts décananométriques). Ainsi, il suffit de peu de défauts déposés par chimisorption pour perturber l’anisotropie du pyrocarbone, et la transition entre ces deux mécanismes est progressive. Cette transition progressive donne naissance à une vaste famille de pyrocarbones appelée laminaires lisses. Fillion 2000 après Bru 1997, a montré que le mécanisme homogène nécessitant une forte maturation de la phase gazeuse conduit à un pyrocarbone très anisotrope qu’ils appellent Laminaire régénéré. Ce pyrocarbone a été obtenu par CVI-pulsé [Goujard et al. 1993], dans différents systèmes : benzène pur [Féron et al. 1998], propane pur, toluène etc… Le laminaire régénéré a une forte densité (2,05 à 2,15). Il est très anisotrope avec des angles d’extinction classiques de 20° et se différencie du laminaire rugueux par une régénérescence de cônes très fins, liés à ses défauts nanométriques qui lui confèrent une croix de Malte lisse [Bourrat et al. 2002]. En 2003, H. Le Poche a montré qu’une transition équivalente se produit le long de la courbe à 5kPa, entre 0,5 et 3s de temps de séjour (Fig.2.1). L’échantillon Lab2 serait donc  caractéristique d’un dépôt de type laminaire lisse, et Lab 1 de type laminaire régénéré, ce qui confirmerait les résultats obtenus dans le Chapitre1. En résumé, lorsque le temps de séjour (maturation de la phase gazeuse) augmente, il est maintenant bien établi qu’une transition se forme entre deux mécanismes. A maturation faible, un processus hétérogène de surface donne naissance au laminaire sombre, de faible densité (1,6 à 1,8). A maturation forte, lorsque le dépôt est exclusivement produit par physisorption de HAP, se forme le laminaire régénéré, dense et anisotrope. Entre les deux, la croissance résiduelle de type hétérogène (structure « omega ») au sein du dépôt de HAP, entraîne la régénération de cônes de croissance qui font chuter l’anisotropie et la densité (1,8 à 2). Il se forme alors la grande famille des laminaires lisses, dont la densité chute avec l’anisotropie.La transition entre laminaires rugueux et granulaires. H. Le Poche a par la suite montré qu’un troisième domaine cinétique apparaît pour des temps de séjour très faibles si la pression n’est pas trop élevée (Fig.2.1, Lab3). Les études structurales et l’observation des dépôts en cours de croissance ont mis en évidence qu’il s’agit de couches très bien formées avec peu de défauts de réseau. Ce mécanisme se caractérise par une forte cohérence Lc. En CVD ce mécanisme produit un pyrocarbone granulaire. H. Le Poche montre qu’en CVI, simultanément le dépôt évolue à cœur de préforme pour donner à la suite de la texture granulaire, une texture colonnaire qui serait celle du laminaire rugueux. L’objectif de ce chapitre est de faire le lien entre les mécanismes de croissance et la classification. La réalisation de cet objectif passe par l’étude des échantillons de Chapitre 2- Mécanismes de croissance des motifs texturaux et structuraux – 45 – laboratoire. Nous allons tout d’abord rappeler les conditions d’élaboration et les résultats concernant la modélisation de la phase gazeuse. Ensuite nous regarderons où se situent dans la classification les échantillons de la transition entre maturation faible et forte: laminaires lisses et régénérés. Enfin, nous aborderons la formation du laminaire rugueux.Les échantillons qui sont analysés ici sont réalisés dans un réacteur à piston [O.Féron et al. 1999a], à 950°C, à partir de différentes pressions totales de propane pur et pour différents temps de séjour (variation du débit). Ces conditions sont repérées dans les diagrammes cinétiques de la Fig.2.1 ainsi que dans le Tab. 2.1. ( $ -( (  ! »# Temps de séjour (s) Pression ( kPa) Lab1 3 5 Lab2 0,35 5 Lab3 0,065 0,5 Lab4 3 0,5 Lab5 0,5 0,5 Lab6 3 2 Lab7 0,1 5 Les échantillons de laboratoire sont déposés au sein de préformes. L’échantillon dans les condition Lab3 a été refait par A. Mouchon afin de confirmer les premières observations de H. Le Poche. Pour diminuer les temps d’infiltration, les dépôts sont réalisés sur une préforme consolidée avec un pré-dépôt. Chapitre 2- Mécanismes de croissance des motifs texturaux et structuraux – 46 – 60 80 100 120 140 160 180 200 0 20 40 60 80 100 %  ‘(  +( +(,(    Dans la classification, Fig.2.2, les échantillons étudiés se répartissent dans les différentes zones du diagramme, ce qui confirme que les conditions de dépôts vont jouer un rôle fondamental dans le contrôle de la texture et de la structure du pyrocarbone.      La modélisation de la décomposition du propane pur dans le réacteur de laboratoire a été menée par A. Mouchon 2004, à la suite des travaux de C. Descamps 1999 et N. Reuge 2002. FWHM D(cm-1) OA(°) Lab2 Lab3s Lab4 Lab6 Lab7 Lab3c Lab5 Lab1 Pression Modélisation, ordre d’apparition des espèces 0.5kPa 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0.001 0.01 0.1 1 10 C3 H8 C3 H6 CH4 C2 H4 C2 H2 C3 H4 -p C6 H6 Scaled partial pressures (P/Pmax) t R (s) 2kPa 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0.001 0.01 0.1 1 10 Scaled partial pressures (P/Pmax) C 3 H 8 C 3 H 6 CH 4 C 2 H 4 C 2 H 2 C 3 H 4 -p C 6 H 6 t R (s) 5kPa 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0.001 0.01 0.1 1 10 Scaled partial pressures (P/Pmax) C 3 H 8 C 3 H 6 CH 4 C 2 H 4 C 2 H 2 C 3 H 4 -p C 6 H 6 t R (s) Figure 2.3 Modélisation globale pour trois pressions de l’ordre d’apparition des espèces dans la phase gazeuse en fonction du temps de séjour tR Comme le montre la Fig. 2.3, les espèces majoritaires dans la phase gazeuse en contact avec la préforme varient suivant les conditions de dépôt. Ces calculs sont en très bon accord avec les données expérimentales de H. Le Poche et de A. Mouchon par FTIR [A. Mouchon et al. 2004]. Chapitre 2- Mécanismes de croissance des motifs texturaux et structuraux – 48 – Plus précisément, ces modèles montrent qu’aux trois pressions de travail, les espèces aromatiques n’apparaissent qu’à des temps de séjour élevés (supérieurs à 1s). De plus, les conditions de dépôts correspondant au pyrocarbone Lab3, qui sera considéré dans la suite, sont marquées par un maximum relatif de l’espèce C3H6 dans la phase gazeuse.  !   «    #$ %&# #'( L’analyse structurale de l’échantillon obtenu dans les conditions Lab6 est résumée à la Fig. 2.4. Le cliché a) est obtenu entre Nicols croisés sur une section transverse polie. La présence de la croix de Malte très régulière ainsi que la très forte réflectance à 45° sont les caractéristiques en microscopie optique du laminaire régénéré. MOLP Fond Noir X 9000 Fond Noir X32000 HRTEM ./   0 ‘(‘+(1 Le fond noir à faible (b) et fort grandissement (c) montre que sa texture est parcourue de cônes de régénérescence très fins dans l’axe de la croissance. Ces cônes sont également visibles à forte résolution en microscopie optique. Cette texture régénérée le différencie des autres pyrocarbones anisotropes, notamment de la texture colonnaire ou « block-like » du laminaire rugueux. La Fig.2.4d est obtenue en MET haute résolution. Un champs plus important est reproduit à la Fig.2.5. On observe tout d’abord que l’anisotropie est conservée de l’échelle du nanomètre jusqu’à celle de la centaine de nanomètre. La deuxième caractéristique que présentent les franges de réseau 002 concerne la grande quantité d’ondulations du réseau qui font perdre la cohérence Lc d’empilement des couches. La microscopie électronique confirme µ   ici les mesures de DRX. Les échantillons Lab1 et Lab6 ont ainsi des longueurs de cohérence perpendiculairement aux plans faibles (Lc=2,8 et 3,9nm).

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Table des matières

Introduction et objectif de la thèse
1 La classification des pyrocarbones
1.1 Introduction
1.2 Diffraction des rayons-X : les pyrocarbones parmi les carbones graphitiques
1.2.1 Introduction
1.2.2 Résultats et discussion
1.2.3 Conclusion
1.3 La texture anisotrope des pyrocarbones
1.3.1 Introduction
1.3.2 Angle d’orientation (OA) par diffraction électronique : anisotropie à l’échelle nanométrique
1.3.3 L’anisotropie à l’échelle micrométrique par microscopie optique (courbe d’extinction)
1.3.4 L’anisotropie à l’échelle micrométrique par microspectrométrie Raman en polarisation
1.3.4.a Approche expérimentale
1.3.4.b Approche théorique (matrices d’Euler)
1.3.5 Conclusion
1.4 Quantification de la structure : les défauts de réseau par spectroscopie Raman
1.5 Diagramme de classification des pyrocarbones
1.5.1 Diagramme FWHMD en fonction de RA
1.5.2 Diagramme FWHMD en fonction de OA
1.6 Conclusion
2 Mécanismes de croissance des motifs structuraux et texturaux
2.1 Introduction : rappels bibliographiques
2.2 Conditions de dépôt et modélisation du réacteur de CVD/CVI du laboratoire
2.2.1 Conditions d’élaboration
2.2.2 Modélisation du réacteur : espèces majoritaires participant au dépôt
2.3 Conditions de dépôt et évolution des structures et textures
2.3.1 La formation du laminaire régénéré (Lab1 et Lab6)
2.3.2 La formation des laminaires lisses (Lab2, 4, 5, 7)
2.3.3 La formation du laminaire rugueux (Lab3)
2.4 Discussion et conclusions
3 Relations structure/texture – propriétés
3.1 Introduction
3.2 Propriétés optiques et électroniques
3.2.1 Détermination des indices de réfraction et d’absorption dans le visible
3.2.2 Détermination des constantes diélectriques locales à haute énergie par
EELS résolus angulairement
3.3 Propriétés vibratoires par diffusion Raman
3.3.1 Courbes de dispersion des phonons par diffusion Raman
3.3.2 Application aux pyrocarbones : propriétés électroniques et vibratoires
3.4 Hybridation des pyrocarbones par EELS résolus angulairement
3.5 Energies plasmon et modules d’élasticité en traction
3.5.1 Introduction
3.5.2 Mesure des énergies plasmons
3.5.3 Relation module d’élasticité/énergie plasmon
3.5.4 Conclusion .
3.6 Propriétés élastiques locales en compression par nanoindentation
3.7 Propriétés de transport, diffusivité thermique
3.8 Conclusions
Synthèse et Conclusion

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