Mathématiques actuarielles fondamentales (assurance non vie)

Mathématiques actuarielles fondamentales (assurance non vie)

Les méthodes d’évaluation

Le principe de base de l’évaluation des provisions de sinistres est l’évaluation par les gestionnaires de sinistres des sommes restant à payer dossier par dossier. Au montant ainsi obtenu, les sociétés doivent ajouter :

  • une estimation pour « sinistres tardifs » (sinistres survenus dans l’année mais non encore déclarés – on utilise souvent l’abréviation anglaise IBNR : « incurred but not reported »)
  • une provision pour frais de gestion de sinistres internes (que les gestionnaires ne peuvent pas appréhender).

Parallèlement à l’évaluation des sommes restant à payer, les gestionnaires effectuent une estimation des recours à encaisser : les provisions pour sinistres à payer figurant au bilan sont les provisions nettes de recours à encaisser mais le détail des deux postes (provisions et recours à encaisser) figure en annexe des comptes.

Des méthodes statistiques sont utilisées :

  • pour certaines branches, en substitution de l’évaluation dossier à dossier : il s’agit de branches à règlement rapide où les sinistres sont nombreux et de coût peu élevé – les méthodes statistiques s’appliquent bien et allègent les services de gestion de sinistres des évaluations répétitives. (Nota : la réglementation ne prévoit en fait qu’un cas : les sinistres non corporels d’assurance automobile, pour les deux derniers exercices de survenance).
  • Pour d’autres branches, en complément de l’évaluation dossier à dossier : l’utilisation de méthodes statistiques permet de détecter d’éventuels biais systémetiques dans la façon dont les services de gestion de sinistres évaluent les sinistres (ou tout autre type de défaillance). Les méthodes statistiques servent ici à contrôler, valider ou compléter les provisions déjà établies.

Les méthodes statistiques font généralement l’hypothèse que certaines caractéristiques des branches ou de la société restent constantes dans le temps. Ces méthodes peuvent être classées par familles selon l’hypothèse qui les fonde :

  • Les méthodes de coût moyen font l’hypothèse que les cout moyens des sinistres sont prévisibles (évolution régulière, selon un indice externe etc.) : dès lors, il suffit de multiplier le nombre de sinistres de l’année (après avoir évalué le nombre de sinistres survenus mais non déclarés) par le coût moyen retenu pour l’année.
  • Les méthodes de cadences de règlement reposent sur l’idée que le rythme des paiements, exprimé en pourcentage de la charge finale de sinistres, est stable d’une année de survenance à l’autre. Dès lors les paiements effectués suffisent à faire une évaluation des provisions pour sinistres à payer.
  • Les méthodes liquidatives sont utilisées lorsque l’on a des raisons de penser que la liquidation d’une charge de sinistres présente toujours un profil du même type par suite d’habitudes permanentes des évaluateurs. On peut alors reproduire dans le futur les liquidations du passé.

Toutes ces méthodes ont des limites qu’il convient d’avoir toujours à l’esprit.

En premier lieu, ces méthodes doivent être appliquées à des ensembles de sinistres dont on aura ôté les sinistres trop élevés : les sinistres important vont en effet créer des distorsions sur les coût moyens, les cadences de règlement et les profils de liquidation.

En deuxième lieu, toutes les méthodes sont sensibles à l’hypothèse selon laquelle les exercices de survenance anciens, qui servent de référence, sont exactement connus : une erreur dans la charge de sinistre d’un exercice ancien est démultipliée par les méthodes statistiques.Enfin, chaque méthode dépend de la qualité de certains paramètres :

  • les méthodes de coût moyen sont sensibles à la qualité du dénombrement des sinistres (et à la permanence des conventions utilisées pour effectuer ce dénombrement).
  • Les méthodes de cadences doivent être utilisées avec précaution dans les branches à cadence de règlement lente : en effet, toute variation d’une cadence faible à des effets fortement amplifiés sur l’évaluation de la charge totale.
  • Les méthodes liquidatives sont généralement fiables … tant que les procédures en vigueur dans les services de gestion des sinistres sont stables et respectées : elles seront donc impuissantes à détecter une erreur si celle-ci n’est pas habituelle.

 

 

méthode des cadences – Chain Ladder

Cette méthode est de loin la plus connue et la plus utilisée.Ses deux principaux avantages sont sa simplicité et son ancienneté.Simplicité : elle peut être appliquée facilement. Ce n’est pas la seule, mais l’expérience a conduit à la privilégier. En dépit de ses nombreux inconvénients théoriques, elle sert de benchmark pour comparer les autres méthodes.Son origine n’est pas connue, mais semble remonter au moins aux années 60.C’est une méthode généralement appliquée sur les paiements cumulés, notés Ci,j. ou i est un indice représentant l’exercice de survenance et j un indice représentant la période de développement.Les données disponibles sont représentées sous forme d’un triangle.

Exercice de survenance 1er bilan 2ème bilan 3ème bilan 4ème bilan
1 C1,1 C1,2 C1,3 C1,4
2 C2,1 C2,2 C2,3  
3 C3,1 C3,2    
4 C4,1      

 

L’hypothèse centrale de cette méthode est celle de la stabilité des cadences de paiements. Pour chaque exercice de déroulement, on cherche à déterminer un coefficient de passage fj indépendant de i :

Celui-ci est estimé ainsi : 

 

Pour l’exercice de survenance i, le montant de la provision à constituer à la fin de l’année j est Pi tel que :

 

Application au C-triangle : Triangle de liquidation des coûts de sinistres cumulés

 
  Année de développement Provision
Année d’origine 1 2 3 4 5  
1 232,0 353,4 498,2 645,7 689,5 0,0
2 258,2 385,2 559,6 711,3   48,2
3 221,7 361,1 476,3     176,2
4 360,1 539,9       491,8
5 349,2         671,4
             
             
Coefficient de passage 152,9% 139,5% 128,3% 106,8%    
Produit des coefficients 292,3% 191,1% 137,0% 106,8%    

 

La méthode des cadences avec inflation

Cette variante de la méthode des cadence vise à prendre explicitement en compte l’inflation.Les paiements cumulés sont transformés en paiements annuels par différences des colonnes consécutives du triangle. Ces paiements annuels sont converti en euros constants par application d’un index d’inflation, puis cumulés pour obtenir un triangle de montant cumulés en francs constants.

La méthode des cadences est ensuite appliquée.

 

La méthode du ratio de paiement

Cette méthode attribuée à [Sawkins 1975] est identique à la méthode des cadences de développement avec inflation, la seule différence se situant dans le mode d’estimation des coefficient de passage fj qui sont une moyenne de ratios et non un ratio de moyennes.

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