Matériaux piézoélectriques sous contraintes
Dans le but d’améliorer la tenue en service d’une pièce métallique soumise à des sollicitations mécaniques globales, plusieurs démarches sont possibles. Pourtant, la seule ne nécessitant pas de nouvelle conception de pièce ou un changement de matériau, est celle qui consiste à améliorer les propriétés locales du matériau par mise en précontrainte de compression des zones les plus sollicitées c’est-à-dire, le plus souvent, les couches superficielles de la pièce. En outre, l’introduction de contraintes résiduelles de compression superficielles est souvent associée à une augmentation de la dureté et de la limite d’endurance du matériau, ce qui justifie d’autant plus une telle approche et, in fine, représente la méthode la moins coûteuse. Dans un champ d’application parallèle, les matériaux piézoélectriques, qui réalisent une conversion électromécanique directe, sont utilisés depuis de nombreuses années dans des applications de puissance telles que la génération ultrasonore ou l’actionnement. Le champ d’utilisation de ces matériaux ne cesse de croître en électronique de puissance, notamment avec le transformateur piézoélectrique et les microsources d’énergie. Dans le but d’améliorer ces dispositifs, le procédé de mise sous contrainte mécanique, mais aussi ici électrique, est largement applicable.
Précontraintes et contraintes résiduelles
Définitions et catégories de contraintes résiduelles
Les contraintes résiduelles sont des contraintes multiaxiales statiques autoéquilibrées existant dans un système isolé de température uniforme et en l’absence de tout chargement extérieur. Dans une section, la répartition des contraintes résiduelles résulte de l’équilibre mécanique entre la zone occupée par la source des contraintes résiduelles caractérisée par une fonction de distribution bien définie et le reste de la section déformée élastiquement. Dans le cas des traitements de précontrainte, les sources de contraintes résiduelles sont toujours localisées dans les couches superficielles du matériau. La figure I.1 représente l’état d’un matériau ayant subi une déformation plastique en surface et montre en parallèle le champ de contraintes résiduelles σ R en fonction de la profondeur. On affecte les contraintes de compression d’un signe – et les contraintes de traction d’un signe +.Ainsi, les divers grains subissent des déformations permanentes plus ou moins importantes. En profondeur, les grains sont faiblement déformés et se trouvent dans un état de tension. A l’inverse, dans la couche surfacique, les grains possèdent une déformation permanente et sont dans un état de compression.
Différentes catégories de contrainte résiduelles
Du fait du caractère polycristallin et la plupart du temps polyphasé des matériaux métalliques, les déformations à l’origine des contraintes résiduelles peuvent intéresser des domaines de taille macroscopique, microscopique ou submicroscopique. Selon l’échelle considérée, il est classique de distinguer trois ordres de contraintes. Le champ des contraintes résiduelles apparaît comme le résultat de la superposition de ces 3 ordres de contraintes résiduelles. Les contraintes résiduelles du premier ordre ou macroscopiques sont homogènes (constantes en intensité et en direction) dans des domaines relativement importants s’étendant sur plusieurs grains dans le cas des matériaux monophasés. Les forces résultant des contraintes du premier ordre sont en équilibre dans chaque section de la pièce et les moments liés à ces forces nuls par rapport à tout axe. Toute modification dans l’équilibre des forces et des moments associés aux contraintes résiduelles du premier ordre, due par exemple à un enlèvement de matière dissymétrique, se traduit par des variations dimensionnelles macroscopiques à l’échelle de la pièce. Les contraintes résiduelles du deuxième ordre ou microscopiques homogènes sont homogènes dans des domaines correspondant à un grain ou une phase (échelle de quelque dizaines de micromètres). Elles proviennent de la différence d’orientation cristalline entre grains voisins. Les forces résultant des contraintes du second ordre et les moments associés s’équilibrent sur un nombre suffisant de grains. Une modification de l’équilibre des forces et des moments associés aux contraintes résiduelles du second ordre peut se traduire par des variations dimensionnelles macroscopiques à l’échelle de la pièce. L’origine de ces tensions provient généralement des différences de propriétés thermiques ou élastoplastiques entre différentes parties du matériau. Les cas où existent des contraintes du deuxième ordre à l’état pur sont peu nombreux, la figure I.2 montre un exemple pour un matériau biphasé (A ou B). Si le matériau est soumis à des déformations plastiques uniformes ε , il existera après relâchement de la contrainte appliquée, des contraintes résiduelles de signes opposées dans chacune des phases A et B, respectivement A σ R et B σ R , alors que la contrainte résiduelle moyenne AB σ R est nulle. Les contraintes résiduelles du troisième ordre ou microscopiques hétérogènes sont hétérogènes même dans des zones s’étendant sur quelques distances interatomiques. Elles sont associées en majorité aux déformations existant au voisinage des défauts cristallins. Les forces résultant des contraintes du troisième ordre et les moments associés s’équilibrent dans des zones représentant des portions très réduites d’un grain. Une modification de l’équilibre des forces et des moments associés aux contraintes résiduelles du troisième ordre ne se traduit par aucune variation dimensionnelle macroscopique. Comme le montre la figure I.3, ces contraintes sont introduites par toutes les déformations existantes au niveau du réseau cristallin.
Origines des contraintes résiduelles
Tous les procédés de fabrication de mise en forme comme le forgeage, le soudage, l’usinage ou les traitements thermiques génèrent dans la pièce des champs de contraintes résiduelles plus ou moins complexes et plus ou moins maîtrisables. Nous traitons ici les deux procédés à l’origine de la plupart des contraintes résiduelles que sont la déformation plastique et les traitements thermiques.
La déformation plastique
Lorsqu’un solide cristallin est soumis à une contrainte mécanique, il se déforme de manière réversible tant que la contrainte est inférieure à une certaine valeur critique dite limite élastique. Audelà de ce seuil de microélasticité σ m , la déformation cesse d’être réversible. La déformation correspondante m ε est de l’ordre de 10-5. Ce seuil ne correspond pas toujours à une rupture marquée de la pente de la courbe de traction, c’est pourquoi il est souvent difficile à déceler. Ce phénomène se produit pour une déformation plus élevée M ε , pouvant atteindre 10-2, et une valeur de la contrainte σ M pouvant être 10 à 20 fois supérieure à σ m . La contrainte σ M est appelée la limite macroélastique. Le domaine s’étendant entre m ε et M ε est le domaine de macroélasticité. Dans certains cas (comme pour les monocristaux cubiques à face centrée purs) ce domaine est pratiquement négligeable. Dans la pratique, σ M correspond à ce que l’on appelle classiquement la limite d’élasticité. La déformation plastique est thermiquement activée. A quelques rares exceptions, la limite d’élasticité décroît avec la température. Toute hétérogénéité de déformation introduite à toute échelle de la structure entraîne l’existence de contraintes résiduelles. Selon l’importance de la déformation imposée par le traitement, ce retour, après suppression du chargement est soit élastique (adaptation) soit élastique puis plastique (accommodation). Ces deux cas sont illustrés respectivement par les figures I.3.a et I.3.b. La valeur de la contrainte résiduelle σ R varie entre zéro et la limite d’élasticité σ M en zone adaptée. Elle se stabilise au seuil d’écoulement plastique en zone accommodée. Si la déformation plastique est homogène dans toute la section de la pièce, il n’existe plus d’incompatibilité au sens mécanique du terme et il subsiste une déformation après retour élastique sans qu’il y ait génération de macrocontraintes résiduelles (figure I.4). Un traitement mécanique superficiel est donc d’autant plus efficace qu’il déforme plastiquement et localement le matériau. Notons que les contraintes résiduelles de compression introduites par les différents traitements de mise en précontrainte n’ont d’intérêt que si elles restent stables en service. Des relaxations des contraintes résiduelles sont souvent constatées et peuvent mettre les pièces traitées en péril et nuire à la sécurité.
Les traitements thermiques
Il existe différentes techniques de durcissement et mise en précontrainte des couches superficielles d’une pièce par utilisation d’un cycle thermique de chauffage et de refroidissement. Chacune de ces techniques de trempe génère des contraintes résiduelles dans la pièce. La trempe est une opération thermique de refroidissement dans des milieux permettant d’atteindre des vitesses de refroidissement plus élevées que celles permises à l’air libre. On emploi pour cela de l’eau, des huiles spéciales, des solutions polymère, des milieux fluidiques, des écoulements gazeux sous pressions en contact avec la pièce. Cette opération a pour but principal d’optimiser les propriétés mécaniques du matériau. Le champ de (macro)contraintes résiduelles existant dans une pièce après trempe a schématiquement deux origines : – Les contraintes résiduelles provenant de l’existence d’une répartition non uniforme de la température dans la pièce en cours de refroidissement. Ces contraintes sont liées au champ de gradient thermique. Nous les appellerons les contraintes thermiques. – Les contraintes résiduelles provenant de la non simultanéité en tous les points de la pièce des variations de volume et/ou des phénomènes de pseudoélasticité induites par les transformations de phase. Nous les appellerons simplement contraintes de transformation. Ainsi, les divers phénomènes métallurgiques et thermiques intervenant au cours du refroidissement conditionnent l’état mécanique (au travers du champ de contraintes résiduelles) de la pièce avant trempe, mais il faut noter qu’il modifie aussi son état géométrique, au travers d’une torsion macroscopique de la pièce.