MASTER EN BIOTECHNOLOGIES VEGETALES ET
MICROBIENNES
SYMBIOSES ACTINORHIZIENNES
Les symbioses actinorhiziennes sont des associations durables à bénéfice réciproque entre 260 espèces d’angiospermes et les bactéries du sol du genre Frankia. Elles s’établissent en situation de carence azotée et de photosynthèse active (Wall, 2000)
LES PLANTES ACTINORHIZIENNES
Généralités
Les plantes actinorhiziennes (figure 1) sont susceptibles d’établir des symbioses fixatrices d’azote avec les bactéries filamenteuses du genre Frankia. Il s’agit d’angiospermes appartenant à 24 genres répartis dans 8 familles (Betulaceae, Casuarinaceae, Coriariaceae, Datiscaceae, Elaeagnaceae, Myricaceae, Rhamnacaceae et Rosaceae). Elles sont pour la plupart des ligneuses pérennes à l’exception de Datisca qui est une herbacée. Les espèces actinorhiziennes sont capables de s’adapter à une grande variété de stress comme une forte salinité ou un pH extrême (Dawson, 1990 ; Sprent et Parsons, 2002). Parmi les plantes actinorhiziennes, les essences de la famille des Casuarinaceae sont plus résistantes à la salinité (Casuarina glauca ; El-Lakany et Shepherd, 1983), et à la sécheresse (Allocasuarina decaisneana). Elles favorisent également les processus pédogénétiques conduisant à la formation d’un sol fertile (Moiroud, 1996). Les plantes actinorhiziennes constituent après les légumineuses, la deuxième famille fixatrice d’azote (240 et 350kg/ha/an respectivement ; Wall, 2000). Figure 1. Aspects morphologiques de quelques plantes actinoriziennes 1-2 Phylogénie L’étude phylogénétique basée sur l’analyse du gène chloroplastique rbcL (ribulose-1,5- bisphosphate carboxylase/ Oxygenase ; Chase et al., 1993) place toutes les plantes fixatrices dans le clade « Roside I » avec les légumineuses et des plantes non symbiotiques (Soltis et al., 1995). Ces résultats suggèrent que la prédisposition à former des nodules a évolué chez les angiospermes (Soltis et al., 1995). Les bases moléculaires de cette prédisposition sont inconnues. Le clade « Roside I » est subdivisé en trois sous-clades : les Rosales, les Fagales et les Cucurbitales (figure 2). Les plantes actinorhiziennes ont une forte promiscuité et acceptent une large variété de souches de Frankia de groupes distincts (figure 2, Pawlowski et Sprent, 2008). Leur capacité symbiotique serait apparue indépendamment plusieurs fois au cours de l’évolution. Elles possèdent un ancêtre commun relativement proche des Fabaceae. Ce qui se traduit par de nombreuses similarités entre ces deux endosymbioses racinaires fixatrices d’azote. Ces dernières auraient emprunté les voies de transduction des endomycorhizes arbusculaires apparues en même temps que les végétaux, au Dévonien. Figure 2. Correspondance entre les phylogénies des plantes des familles actinorhiziennes et les souches de Frankia. Les lignes noires représentent les interactions compatibles menant à la nodulation. D’après Perrine-Walker et al. (2011).
Répartition écologique
Les espèces actinorhiziennes sont réparties dans tous les continents à l’exception de l’antarctique (Duhoux et Franche, 2003). Leur répartition géo-écologique est assez disparate : Myrica gale se développe dans les marais ou étangs, les espèces d’aulne s’adaptent mieux le long des cours d’eau, les Rhamnacaceae sont natives d’Amérique du sud. Les Casuarinaceae peuvent croitre sur les sites marécageux, les bords des marées, les estuaires, les mangroves, les forêts ouvertes parfois près des fronts de plage. Elles ont une aire d’origine qui s’étend de l’Australie aux îles du Pacifique et au Sud-est de l’Asie (National Research Council, 1984). 1-4 Utilisations Les plantes actinorhiziennes en particulier les Casuarinaceae sont une source de bois pour les paysans. Le bois des Casuarinaceae est un excellent bois de chauffe car il est dur et fissile avec une densité allant de 662 à 980Kg/m3 (El-Lakany, 1983 ; Midgley et al., 1983). Il peut être transformé en charbon de bois grâce à son pouvoir calorifique élevé (environ 5000 Kcal/Kg) et a tendance à bruler lentement avec peu de fumée. Grâce à leurs propriétés remarquables, les Casuarinaceae sont largement utilisées en agroforesterie, dans les programmes de reforestation et dans la réhabilitation des sites dégradés ou pauvres. Elles servent de brise-vents dans certaines régions d’Afrique du Nord Synthèse bibliographique 5 et du moyen orient où elles sont préférées aux Eucalyptus. Elles réduisent l’érosion des sols et interviennent dans la prévention à la désertification et la stabilisation des dunes de sables (Sénégal). Les Casuarinaceae peuvent également être utilisées dans l’alimentation animale (bovins et ovins) car les feuilles ont une valeur nutritive élevée (El-Sayed et al., 1983).
LE PARTENAIRE BACTERIEN
Les Frankia sont des bactéries Gram positif aérobies ou microaérophiles ayant un génome riche en GC (Guanine Cytosine) (Benson et Silvester 1993; Schwenke et Carú 2001; Chaia et al. 2010). Ils ont été découverts en 1888 par Brunchrost et classifiés plus tard comme actinomycètes filamenteux à croissance lente par Krebber en 1932 (Quispel, 1990). Dans les cellules nodulaires, Frankia forme des hyphes ramifiés garnis de vésicules globulaires à leur extrémité (Figure 3, Akkerman et Hirsch, 1997 ; Benson et Silvester, 1993). Les vésicules permettent la stabilisation de la nitrogénase sensible à l’oxygène grâce à leur structure renfermant des lipides tels que les hopanoïdes (Berry et al., 1983). Les hopanoïdes empêchent la diffusion de l’oxygène dans les vésicules. Ces dernières constituent le site de fixation de l’azote (Huss-Danell et Bergman, 1990 ; Tisa et Ensign, 1978b). Les vésicules présentent différentes formes : sphériques, elliptiques, en forme de massue, cloisonnées ou non. Par ailleurs, l’isolement et la culture des souches de Frankia sont difficiles. Plusieurs essais de culture ont été effectués en utilisant le dipterocarpol (Quispel et al., 1989), des acides gras (Selim et al., 1996) ou en oxygénant le milieu à l’aide d’un agitateur (Wall, 2000) pour optimiser la croissance des bactéries. La première souche de Frankia CpI1 a été isolée de l’essence Comptonia peregrina de la forêt de Harvard (Callaham et al., 1978). Les études phylogénétiques basées sur l’amplification du 16S-ADNr de nodules racinaires actinorhiziens ont permis d’identifier plusieurs souches de Frankia chez certaines essences (Benson et al., 1996 ; Clawson et al., 1998 ; Jamann et al., 1993 ; Jeong et al., 1999 ; Murry et al., 1997 ; Nalin et al., 1995 ; Nazaret et al., 1991 ; Nittayajarn et al., 1990 ; Sellstedt et al., 1992 ; Simonet et al., 1991 ; Benson et Clawson, 2001). Les souches de Frankia sont réparties dans trois groupes différents (figure2) : le groupe I infecte les Betulaceae, le groupe II colonise les Fagales et les Rosales et le groupe III (non cultivables) s’associe aux espèces des Cucurbitales et des Rosales. Synthèse bibliographique 6 Les associations symbiotiques entre les plantes actinorhiziennes et Frankia présentent une grande importance écologique. Malgré cet intérêt, les travaux effectués sur la symbiose actinorhizienne restent limités.
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