Formation marsupialisation du rein droit, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Chirurgie rénale
Néphrectomie unilatérale
La néphrectomie unilatérale est peu pratiquée car des affections rénales unilatérales sont rarement diagnostiquées chez les ruminants. Lorsqu’une néphrectomie est indiquée, l’animal doit avoir une bonne valeur économique pour que cette procédure difficile soit rentable.
Indications
La néphrectomie unilatérale est indiquée dans le cas d’une pyélonéphrite unilatérale ne répondant pas au traitement médical, d’un rein polykystique, d’une hydronéphrose unilatérale, la rupture rénale ou urétérale et occasionnellement dans le cas d’anomalies congénitales (par exemple ectopie urétérale ou rénale), de tumeur, d’abcès et de néphrolithiase [106] [206] [261] [315]. Une réforme de l’animal est souvent envisagée à la place de cette intervention, mais parfois l’utilisation d’antibiotiques et la longueur des délais d’attente ne permet pas l’abattage et l’intervention peut être tentée [39].
Si une néphrectomie unilatérale est envisagée, une évaluation complète de l’intégrité du rein controlatéral doit être réalisée au préalable. La mesure de l’urée et de la créatinine plasmatiques n’est alors pas suffisante car leur augmentation nécessite que les trois quarts de la totalité des néphrons soient non fonctionnels. Toutefois, l’élévation de l’urémie et de la créatininémie signe forcément une atteinte bilatérale [106] [179] [261] [315]. Une cystoscopie (qui permet de visualiser séparément les deux ostiums urétéraux) [261] [315], une échographie et éventuellement une biopsie doit être réalisée pour évaluer le rein restant [106] [179] [315]. Chez les petits ruminants, une radiographie réalisée avec produit de contraste peut être utile [315].
Deux règles sont proposées par Sattler [261] avant d’envisager une néphrectomie unilatérale. Premièrement la néphrectomie peut être réalisée si les valeurs d’urémie et de créatininémie sont normales ET si l’échographie du rein controlatéral ne révèle pas d’anomalie. Deuxièmement, en cas de rupture du rein ou de l’uretère, la cystoscopie permet de détecter le rein affecté (par l’absence d’écoulement d’urine par l’ostium urétéral) et l’échographie du rein controlatéral permet d’évaluer les lésions en cas d’urolithiase (présence et nombre de calculs).
Technique chirurgicale
Chez les bovins, l’intervention est en général pratiquée sur animal debout sous anesthésie locale [106] [315] ou paravertébrale [261], qui offre une plus grande zone anesthésiée [206] pendant plus longtemps [179] selon certains auteurs. Cependant, une anesthésie générale pourrait simplifier la procédure [106]. Une antibioprophylaxie est indiquée (1 heure avant et 5 jours après l’intervention). On peut pour cela utiliser de la pénicilline procaïne en intramusculaire [106] [315] [261] ou de la pénicilline cristalline en intraveineuse [261]. Un cathéter jugulaire est mis en place pour l’administration de chlorure de sodium isotonique (20 litres chez une vache adulte [261]) ou de Ringer lactate (10 litres chez une vache laitière en trois heures pendant les trois jours postopératoires [39]). Des fluides doivent être mis à disposition en cas d’hémorragie importante [261]. Une gestion peropératoire de l’inflammation et de la douleur est conseillée [206].
L’animal est contenu dans un travail ou avec une barrière [106] [179] [206] [261] [315]. L’abord se fait par la fosse paralombaire droite [106] [206]. Un abord par la gauche est envisageable pour le rein gauche, à condition que le rumen ne soit pas trop plein [206] [315]. L’intervention sur le rein gauche est plus facile que sur le rein droit du fait du caractère penduleux de ce rein [315]. Une anesthésie locale ou régionale (paravertébrale) est pratiquée dans le flanc. La sédation entraine un risque que l’animal se couche et n’est donc pas conseillée [106]. Certains auteurs recommandent de tranquilliser l’animal, avec de la xylazine en intraveineuse [261].
La peau et les muscles de la paroi abdominale sont incisés de la façon suivante [39] [206]. Le péritoine pariétal est incisé également [39] [206] [315] ou non [106] [179] selon les auteurs, ou selon le rein concerné (l’ablation du rein droit se fait sans ouvrir la cavité péritonéale, tandis qu’elle est ouverte pour le rein gauche [261]). Le péritoine viscéral est incisé horizontalement aux ciseaux à pointe mousse [39]. Une incision de 25 à 30 cm de long est pratiquée à partir de 4 cm (ou 2 cm [179]) ventralement aux processus transverses lombaires, immédiatement caudalement (à 2 cm [315] ou à 5 cm [179]) et parallèlement à la dernière côte pour aborder le rein droit et verticalement au milieu de la fosse paralombaire (4 cm sous le processus transverse de la troisième [261] ou de la quatrième [39] vertèbre lombaire) pour l’abord du rein gauche [106] [261].
Une dissection mousse (au doigt [261]) permet de dégager le rein de la graisse périrénale. L’artère et la veine rénales et l’uretère sont identifiés et isolés au niveau du hile sur au moins 2 cm [106] [140]. L’uretère se dirige caudalement. L’artère, qui peut se repérer par palpation du pouls, se trouve en général entre la veine (crâniale) et l’uretère (caudal) [39] [261]. Ils peuvent être ligaturés en place, dans la cavité abdominale [106] [315]. Les ligatures doivent se faire au plus près du rein, pour éviter d’enlever la glande surrénale [261]. Une alternative consiste à extraire d’abord le rein de la cavité péritonéale grâce à une dissection mousse, puis à identifier et isoler les vaisseaux et l’uretère, les clamper, les sectionner et les ligaturer individuellement [106] [315]. Cette technique permet une ligature plus aisée des structures. Le danger est une perte des clamps de ces structures sectionnées avant la ligature, qui peut avoir des conséquences catastrophiques [315].
L’uretère peut être ligaturé en premier, ce qui permet de mobiliser le rein autour de son pédicule et d’exposer les vaisseaux pour les ligaturer plus facilement [261]. Les vaisseaux et l’uretère doivent recevoir une double ligature avec un fil irrésorbable (ou résorbable [261] [315]) offrant une bonne sécurité au nœud [106] [140] [179] [315]. Certains auteurs ajoutent une ligature à proximité du rein [140]. Sattler recommande sur l’uretère une ligature transfixante côté rein et une double ligature côté vessie, dont l’une des ligatures est transfixante, sur l’artère rénale trois ligatures transfixantes du côté de l’aorte et une ligature transfixante côté rein, et sur la veine rénale deux ligatures transfixantes côté veine cave caudale et une transfixante côté rein [261]. Miesner et Anderson [206] indiquent que la ligature de l’uretère n’est pas indispensable. Les vaisseaux et l’uretère sont clampés à proximité du rein et sont sectionnés entre le clamp et le rein (Figure 38) [315]. Le rein est extrait par dissection mousse [315] pour le décoller de la face pariétale du péritoine [39].
Figure 38 : Position des ligatures sur l’artère et la veine rénales et l’uretère lors de néphrectomie (d’après [39])
La position du clamp est également indiquée. Il peut être suppléé par une ligature transfixante sr chacun des éléments. La section se fait selon les pointillés.
Le rein à retirer peut être très hypertrophié lors de pyélonéphrite, et certains auteurs ont été contraints de le vider à l’aide d’un trocart à saignée couplé à une sonde de Rüsch et relié à un tuyau en caoutchouc, avant de pouvoir l’extraire de la cavité abdominale [179].
Des antibiotiques peuvent être appliqués sur le moignon urétéral laissé en place pour limiter la contamination de la cavité abdominale [140].
Il est intéressant de réaliser à l’occasion de la laparotomie une biopsie du rein laissé en place, si celle-ci n’a pas été réalisée avant la chirurgie [106]. Cela permet de fournir des indications diagnostiques et pronostiques [315].
La cavité rétropéritonéale est refermée par deuxième intention lors d’intervention sur le rein droit. S’il a été incisé, le péritoine dorsal est suturé par un surjet simple [261]. La paroi abdominale est refermée de façon classique [206] [315]. En cas d’infection périrénale, certains auteurs recommandent de laisser tout ou partie de l’incision ouverte pour permettre un drainage ventral et une granulation de la plaie des parois de la loge rénale. D’autres auteurs emballent la plaie dans des compresses ou des serviettes imbibées d’antiseptique pendant quelques jours. Lors de la granulation de la plaie et en absence de communication avec la cavité péritonéale, la plaie de cette paroi de la loge rénale peut être lavée à l’eau chaude. Le propriétaire doit être averti de la lenteur de la cicatrisation de telles plaies et des soins quotidiens qu’une telle intervention implique [106].
L’animal opéré est placé à l’écart du troupeau pendant deux à trois semaines [206]. Des analyses d’urine et des biochimies sanguines postopératoires permettent d’évaluer le fonctionnement du rein restant [206].
Chez les petits ruminants
L’intervention est réalisée en décubitus latéral, avec l’animal sous anesthésie générale [106] [315] Les reins sont plus mobiles et extériorisables, donc les ligatures sont plus faciles à faire [106] [140] [315].
Complications
Une hypertension peut être générée si la ligature de l’artère est faite trop brusquement. L’atteinte de l’animal peut être létale, et le relâchement temporaire de la ligature est nécessaire. L’administration de diurétiques peut s’avérer utile [261]. La complication la plus fréquente et la plus grave est l’hémorragie intra-abdominale [106] [206] par l’artère rénale [315]. Une atteinte ou une infection du rein restant font également partie des complications de la chirurgie [315]. Un abcès peut se former dans la cavité rétropéritonéale, ce qui peut fragiliser les moignons vasculaires et provoquer une hémorragie [261]. Un drainage de l’abcès et une antibiothérapie (pénicilline procaïne) pendant dix jours doivent être réalisés. La cavité de l’abcès peut être irriguée délicatement, en prenant soin des ligatures [261].
Tulleners et al. [298] ont réalisé l’opération sur quatre vaches. Les vaches qui avaient une affection unilatérale ont pu retrouver une productivité normale à long terme. Une des trois vaches a été euthanasiée à cause d’une pyélonéphrite chronique sur le rein restant.
Marsupialisation du rein droit
Cette intervention est peu pratiquée, si l’on en juge par le nombre de publications qui la décrivent [261].
Lors d’hydronéphrose ou de pyélonéphrite unilatérale du rein droit, et lorsque la néphrectomie est jugée trop onéreuse, une marsupialisation du rein peut être proposée pour prolonger la vie de l’animal avant son abattage. Cette intervention ne peut pas être réalisée sur le rein gauche car celui-ci est trop éloigné de la paroi abdominale [261].
L’incision (entre 6 et 8 cm) se fait en regard d’un lobe dilaté. Le site est donc repéré par échographie trans-abdominale. La peau est incisée. Les muscles de la paroi abdominale sont incisés, mais la cavité péritonéale n’est pas ouverte. Des points en U horizontaux au fil irrésorbable sont placés entre la peau et le tissu rénal (capsule et cortex). La capsule et le tissu rénal sont ensuite incisés. La plaie peut être maintenue ouverte par l’insertion d’une seringue de 20 ml sectionnée 3 à 5 cm sous les ailettes. La seringue est fixée à la peau de chaque côté de la plaie par les ailettes avec un fil irrésorbable [261].
Cette intervention peut avoir pour complication une infection urinaire. L’administration d’antibiotiques (pénicilline 22000 UI/kg matin et soir en intramusculaire) pendant une dizaine de jours est un traitement envisageable [261].
Chirurgie urétérale
Ectopie urétérale
Le traitement de l’ectopie urétérale par anastomose urétéro-vésicale ou urétéro-néocystostomie est détaillé dan la partie correspondante (voir Deuxième partie I. 1. j).
Urétérotomie
L’urétérotomie est indiquée lors d’urétérolithiase et est détaillée dans le traitement de cette affection (voir Deuxième partie I. 5. a).
Chirurgie du bas appareil urinaire
Rupture de vessie, cystectomie partielle
La cause la plus fréquente de rupture de la vessie est l’urolithiase obstructive. La vessie peut également se rompre pendant ou à la suite de dystocies [315]. En effet, le fœtus peut obstruer longuement l’urètre pelvien pendant des dystocies prolongées. Les manipulations du fœtus peuvent également résulter en une rupture de la vessie. La vessie peut enfin être coincée sous l’utérus dans la cavité pelvienne et subir des traumatismes durant la mise-bas, même eutocique [106]. Chez les animaux plus jeunes, un traumatisme abdominal peut être à l’origine de la rupture de la vessie [106].
Le diagnostic de la rupture de vessie se fait en présence d’une distension abdominale liquidienne progressive, symétrique, bilatérale, accompagnée au bout de 2 à 5 jours d’une déshydratation, de l’anorexie et de l’abattement dus à l’urémie [106] [315]. Le ballottement de l’abdomen révèle la présence de fluide libre dans la cavité péritonéale. L’anurie, la dysurie et la palpation transrectale de liquide dans l’abdomen et d’une vessie flaccide sont en faveur d’un diagnostic d’uropéritoine, mais la formation de fibrine sur la déchirure vésicale peut permettre une distension vésicale intermittente.
L’échographie abdominale révèle la présence de liquide dans la cavité abdominale [315]. L’analyse du liquide d’abdominocentèse révèle un ratio créatinine péritonéale : créatininémie supérieur ou égale à 2 : 1 [106]. Un ratio potassium péritonéal : kaliémie supérieur à 2,7 : 1 a été un résultat consistant lors de rupture expérimentale de vessie chez des veaux pré-ruminants [106]. L’animal souffrant d’uropéritoine est hyponatrémique,
hypochlorémique [106] [315] et hyperkaliémique [315] et développe une alcalose métabolique.
Le traitement de l’uropéritoine est souvent non rentable chez des animaux destinés à l’abattage et la carcasse des animaux affectés est saisie car impropre à la consommation. Le traitement s’adresse donc à des animaux reproducteurs de valeur ou à des animaux de compagnie [315].
En l’absence de traitement, l’animal peut se déshydrater et développer une acidose métabolique [106]. Avant d’intervenir chirurgicalement, une fluidothérapie est indiquée. La saline (chlorure de sodium à 0,9%) est un fluide de choix. En cas d’hyperkaliémie, une solution de dextrose peut être ajoutée (2,5% de dextrose et 0,45% de chlorure de sodium par exemple). Etant donné la fréquente proximité du part, il faut veiller à ce que la vache ne développe pas une hypocalcémie. Un drainage péritonéal peut être utile, mais est difficile à laisser en place car il est rapidement obstrué par le grand omentum [106]. Il est tout de même impératif d’évacuer progressivement l’urine, tout en contrant un choc hypovolémique par la fluidothérapie intraveineuse simultanée [315]. Si l’on veut placer un drain péritonéal, le repérage d’une poche de liquide par échographie peut aider à implanter le drain à l’endroit le plus approprié. La paroi abdominale est préparée comme pour une chirurgie. Une incision cutanée de 2 cm est réalisée à la lame de scalpel. Un trocart thoracique est introduit dans la cavité abdominale d’un mouvement vif. Ce drain peut fonctionner correctement dans un premier temps mais il s’obstrue ou s’infecte à long terme [106]. Baird [315] propose d’utiliser une sonde nasogastrique équine placée à travers la paroi abdominale de la fosse paralombaire gauche. Le tube est suturé à la peau en laissant suffisamment de longueur de tube dans l’abdomen pour atteindre la paroi ventrale. Une soixantaine de centimètres de tube sont laissés à l’extérieur de la cavité abdominale et une valve à sens unique et placée à l’extrémité. Ce protocole permet à l’urine d’être progressivement évacuée par les changements de pression intra-abdominale lorsque l’animal se déplace, se lève ou se couche. Le drain est enlevé 4 jours après l’intervention, lorsque le liquide est évacué en quantité de plus en plus réduite et que la distension abdominale est moindre.