Marqueurs non-invasifs de stéatose et fibrose hépatique
Stéatopathie non-alcoolique
La stéatopathie non-alcoolique, en anglais non-alcoholic fatty liver disease (NAFLD) est une affection caractérisée par l’accumulation anormale de graisse dans les hépatocytes (Angulo 2002). L’accumulation de graisse dans plus de 5% des hepatocytes definit une stéatose du foie significative. Lorsque celle-ci atteint plus de 66 % des hépatocytes la stéatose est considérée comme sévère (Kleiner, Brunt et al. 2005; Bedossa, Poitou et al. 2012). Cette maladie est intimement associée aux facteurs métaboliques, comme l’obésité viscérale, l’insulinorésistance, ainsi que la dyslipidémie et le diabète de type 2 (Marchesini, Brizi et al. 2001). La NAFLD occupe un large spectre allant de la stéatose simple à la stéatohépatite nonalcoolique, en anglais non-alcoholic steatohepatitis (NASH), et différents stades de fibrose jusqu’à la cirrhose (Angulo 2002). La stéatose simple est définie par la présence d’une stéatose sans lésion cellulaire comme la ballonisation des hépatocytes. La NASH est définie par la présence d’une stéatose associée à des foyers nécrotico-inflammatoires à cellules mononuclées ou à polynucléaires, une ballonisation des hépatocytes avec ou sans corps de Mallory et une fibrose perisinusoïdale (Harrison and Neuschwander-Tetri 2004). Le plus souvent, la stéatose simple a un bon pronostique à long terme. Pourtant, 5-25% des patients peuvent progresser de la stéatose simple à la NASH associée à la fibrose hépatique (Day 2005). Environ 30% des patients ayant une NASH développent une fibrose significative et jusqu’à 15-20% peuvent evoluer vers la cirrhose et ses complications (Bugianesi, Leone et al. 2002).
Epidémiologie
Actuellement, la NAFLD est la maladie hépatique chronique la plus fréquente au monde (Browning, Szczepaniak et al. 2004). La prévalence reportée dans les études dépend de la population étudiée et surtout de la méthode diagnostique. La prévalence est entre 6 et 30% dans la population générale en fonction de la méthode diagnostique utilisée (Vernon, Baranova et al. 2011). La stéatose métabolique représente 39 % des nouveaux cas de maladie chronique du foie aux États-Unis (Weston, Leyden et al. 2005). En France, 55 % des cas d’augmentation des transaminases sont expliqués par la présence d’une stéatose hépatique (de Ledinghen, Ratziu et al. 2006). Cette prévalence croissante de la NAFLD dans la population générale fait de cette maladie un véritable problème de santé publique. L’augmentation de prévalence de la NAFLD au cours des dernières années a suivi l’augmentation de fréquence du syndrome métabolique et de ses facteurs de risque, comme l’obésité, la dyslipidémie ou le diabète du type 2. Environ 90% des patients obèses morbides ayant subi une chirurgie bariatrique ont une NAFLD (Boza, Riquelme et al. 2005). Il existe une stéatose hépatique chez 69% à 87% des patients diabétiques du type 2, ce qui souligne la forte association entre ces deux pathologies (Leite, Salles et al. 2009). La stéatose hépatique affecte aussi jusqu’à 50% des patients ayant une dyslipidémie (Assy, Kaita et al. 2000). Il n’a pas encore été clairement determiné malgré des nombreuses études si c’était la stéatose qui provoque la dysfonction métabolique ou si celle-ci était responsable de l’accumulation de graisse dans les hépatocytes et donc de la NAFLD (Taylor 2008; Fabbrini, Sullivan et al. 2010).
Pathogénèse
L’hypothèse du « multi-hit » (anciennement appelée « double-hit ») est actuellement acceptée pour décrire la pathogenèse de la stéatose métabolique. L’insulinorésistance entraine une augmentation des acides gras libres qui sont ensuite incorporés dans les hépatocytes 3 conduisant à une stéatose hépatique qui représente le « first hit ». En présence d’une stéatose hépatique, l’activation d’une cascade inflammatoire associée à une interaction complexe entre les hépatocytes, le tissu adipeux, les cellules étoilées du foie et les cellules de Kupffer (plusieurs « second hits ») entraîne une progression vers la NASH et par conséquent ses complications (Day and James 1998; Jou, Choi et al. 2008). La raison pour laquelle certains patients passent du « first » aux « multiple hits » et progressent ainsi de la stéatose simple à la NASH n’est pas bien connue. Cepandant, plusieurs médiateurs inflammatoires participants au processus ont été décris. Les patients ayant une NASH ont en plus grande quantité des facteurs de transcription pro-inflammatoires comme le facteur nucléaire kappa beta (NF-kB) (Videla, Tapia et al. 2009). De plus, la présence de protéines pro-inflammatoires, comme le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α) peuvent être impliqués dans la pathogénèse de la stéatose métabolique. L’adiponectine joue un rôle important dans la régulation des acides gras en inhibant la gluconéogenèse hépatique (Yamauchi, Kamon et al. 2002). La concentration d’adiponectine, inversement corrélé à la quantité de tissus adipeux, est réduite chez les patients obèses (Lafontan and Viguerie 2006). Les taux bas d’adiponectine semblent être associés à une inflammation hépatique plus sévère (Targher, Bertolini et al. 2006) tandis que l’administration d’adiponectine améliore l’inflammation et la stéatose dans les modèles animaux (Xu, Wang et al. 2003). Les patients obèses ayant une insulinorésistance ont des concentrations de TNF-α plus élevés que les nonobèses (Hotamisligil, Arner et al. 1995). Les concentrations de TNF- α sont corrélés à la sévérité de l’inflammation et de la fibrose hépatique (Crespo, Cayon et al. 2001; Abiru, Migita et al. 2006). D’autres facteurs comme le microbiote intestinal jouent un rôle important dans le développement d’une NASH. Malgré des habitudes alimentaires similaires, les patients obèses et ceux-qui ont une NASH ont des enterotypes qui leur sont spécifiques et différent de celui des volontaires-sains (Zhu, Baker et al. 2013).
Diagnostic
Les patients ayant une NAFLD ont une discrète élévation des enzymes hépatiques et le diagnostic est basé sur l’identification d’une accumulation excessive de graisse dans le foie (>5% des hépatocytes) et l’exclusion d’autres causes de maladie hépatique. La plupart des patients sont asymptomatiques ou ont des symptômes non spécifiques. Cependant, en cas de progression vers le stade de cirrhose des manifestations typiques de la cirrhose comme les angiomes stellaires, une circulation collatérale, un ictère ou une ascite peuvent se voir. En cas de stéatose hépatique, les diagnostics d’hépatite virale, d’hépatite autoimmune, de maladie de Wilson, d’hémochromatose et de maladie alcoolique du foie doivent être envisagés. L’hépatite chronique C du génotype 3 est souvent associée à une stéatose hépatique (Goossens and Negro 2013). Des auto-anticorps peuvent être décrites chez 20% des patients ayant une NAFLD et le plus souvent sans signification particulière (Vuppalanchi, Gould et al. 2011). Des mutations du gène HFE doivent être recherchés chez les patients ayant une stéatose hépatique associée à une élevation de la ferritinemie et de la saturation de transferrine (Bacon, Adams et al. 2011). La consommation excessive d’alcool a été définie de façon differente en fonction des études (Liangpunsakul and Chalasani 2012). Selon une définition recent le seuil retenu est de 21 unités alcooliques (~30g/jour) par semaine pour les hommes et 14 unités (~20g/jour) par semaine pour les femmes au cours des 2 dernières années (Sanyal, Brunt et al. 2011). En général, la consommation d’alcool est auto-déclarée. En cas de doute, l’information doit être confirmée auprès des proches. Le diagnostic de la NAFLD, doit s’appuyer sur une ponction biopsie hépatique, des méthodes d’imagerie ou des biomarqueurs.
Ponction biopsie hépatique
La ponction biopsie hépatique (PBH) dans la NAFLD permet de mettre en évidence une stéatose à prédominance macrovacuolaire, des foyers nécrotico-inflammatoires à cellules mononuclées ou à polynucléaires, une ballonisation des hépatocytes avec ou sans corps de Mallory et une fibrose perisinusoïdale (Lewis and Mohanty 2010). Initialement, le score NAFLD Activity Score (NAS), développé par le NASH Clinical Research Network a été utilisé pour distingué la stéatose simple de la NASH (Kleiner, Brunt et al. 2005). Le score NAS comprend plusieurs lésions hépatocytaires. La stéatose (0-3); l’inflammation lobulaire (0-2); la ballonisation (0-2) et la fibrose (0-4) sont évalués de façon semi quantitative. De plus d’autres caractéristiques histologiques sont enregistrées de façon dichotomique (présence ou absence). Un score NAS ≥ 5 définit la NASH, la fibrose étant évaluée à part, depuis l’absence de fibrose (score 0) jusqu’au stade de cirrhose (score 4). Plus récemment, le score SAF (Steatosis Activity Fibrosis) a été proposé pour une évaluation plus simple et plus reproductible de la NAFLD. Le score SAF évalue les lésions élémentaires hépatiques, la stéatose, l’activité inflammatoire (ballonisation et inflammation lobullaire) et la fibrose, séparément de façon semi-quantitative (Bedossa, Poitou et al. 2012). La présence d’une stéatose supérieure à 5% des hépatocytes caractérise la NAFLD (S≥1). Les patients ayant une NAFLD sans ballonisation ou avec une ballonisation minime et sans inflammation lobulaire (A<3) sont classés « stéatose simple ». La présence d’une stéatose hépatique (S≥1) associée à une inflammation sévère (A≥3) soit par une ballonisation ou une inflammation lobulaire, définit la NASH. La gravité des maladies du foie a été d’abord évaluée par PBH. Cette méthode est géneralement considérée comme la référence pour l’évaluation des patients ayant une suspicion de NAFLD. Cette méthode permet le diagnostic de la maladie et la distinction entre stéatose simple et NASH (Kleiner, Brunt et al. 2005; Bedossa, Poitou et al. 2012). De plus, 6 l’identification éventuelle d’une fibrose sévère ou d’une cirrhose a par conséquence le dépistage systématique des varices œsophagiennes et du carcinome hépatocellulaire (Campbell and Reddy 2004). Cependant, la PBH a une faisabilité limitée, des effets indésirables (McGill, Rakela et al. 1990). Elle est l’objet d’erreurs d’échantillonnage et d’une variabilité inter-observateur (Bedossa, Dargere et al. 2003; Colloredo, Guido et al. 2003). A cause de ces limitations, plusieurs marqueurs non-invasifs ont été proposés pour remplacer la biopsie hépatique.
Méthodes d’imagerie « classiques »
Les méthodes d’imagerie, l’échographie, le scanner ou tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont été utilisé pour le diagnostic d’une NAFLD. En échographie, le contraste de l’image hépato-rénale est utilisé pour définir la présence d’une stéatose hépatique. En l’absence de stéatose, le parenchyme hépatique a une échostructure similaire à celle du parenchyme rénal, mais celle-ci devient » brillante » secondairement à l’infiltration de graisse (Osawa and Mori 1996). Pour l’identification d’une stéatose, différentes études ont conclu à une performance diagnostique acceptable de cette méthode (Mottin, Moretto et al. 2004; Palmentieri, de Sio et al. 2006; Wu, You et al. 2012). Cependant, l’échographie est peut précise pour le diagnostic d’une stéatose lorsque le conten en graisse du foie est inférieure à 30% des hépatocytes. En outre, l’échographie ne permet pas de faire la distinction entre la stéatose simple et la NASH (Saadeh, Younossi et al. 2002). Le scanner a également été utilisé pour évaluer la stéatose du foie, avec une performance diagnostique similaire à celle de l’échographie (Park, Kim et al. 2006; Lee, Park et al. 2007). L’IRM, semble être une méthode performante pour le diagnostic de stéatose hépatique. Cette méthode évalue la présence de graisse dans le foie par l’évaluation des déplacements différentiels entre la graisse et l’eau (Cassidy, Yokoo et al. 2009). L’IRM permet de détecter des niveaux 7 inférieurs de stéatose par rapport à l’échographie et au scanner (Fishbein, Castro et al. 2005). L’IRM couplée à la spectroscopie par protons permet de mesurer le taux des triglycérides intra-hépatique et ainsi de quantifier de façon performante la stéatose hépatique (Szczepaniak, Nurenberg et al. 2005) Bien que l’IRM conventionnelle ou couplée à la spectroscopie par protons puisses soit plus précise que l’échographie ou le scanner pour détecter la stéatose, ces méthodes ne sont disponibles que dans des centres spécialisés. En outre, ces méthodes d’imagerie ne sont pas performantes pour distinguer avec précision la stéatose simple de la NASH.
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