ÊTRE À L’AFFÛT DES BONNES OPPORTUNITÉS
Il se passe tous les jours des milliers de choses, d’échanges, de conversations sur Internet. Les marques doivent savoir faire preuve d’opportunisme pour surfer sur une actualité les concernant, même indirectement. À l’heure du lancement du deuxième épisode de la saga, Coca-Cola poursuit la réinvention de son marketing. En chan-geant d’agence de publicité, Coca-Cola a voulu témoigner son envie de retrouver la magie qui a fait le succès de la marque. En rupture avec les campagnes classiques, ou la recherche d’effets miroir de la cible, Coca-Cola a conçu un spot onirique, merveilleux, baptisé Happyness Factory. Son monde, à mi-chemin entre Arthur et les Mini-moys et Le Seigneur des anneaux, séduit les ados.
Mais la marque a compris qu’on ne peut plus, sur cette cible, se limiter à la télévision et qu’il est devenu indispensable d’utiliser l’Internet. Elle a do c la cé le film Happyness Factory sur Second Life dans le cadre d’un évé eme t avec la chanteuse Avril Lavigne, et mis l’accent sur des combi aiso s télévision/Internet : une bande-annonce du film en télévisio , la version longue sur le site www.cocacola.fr. Elle propose ai si du co te u que les adolescents s’approprient. Par ailleurs, elle privilégie l’interactivité36551offerteparl’Internet, avec la création d’un personnage, Ray, qui parodie le héros de GTA, un jeu vidéo bien connu des ados. Ray a pour particularité de répondre de façon positive à toutes les questions imaginées par les internautes. En parallèle à ces actions marketing exemplaires, elle sait se montrer innovante et parie sur le buzz. Coca-Cola a repéré sur Internet de petits films originaux conçus par des internautes. Ces films présen-tent des adolescents qui pratiquent avec beaucoup de maîtrise et un certain savoir-faire l’art du lancer de canettes. Il s’agit de lancer nonchalamment une canette vide sur une cible éloignée comme une poubelle, et d’atteindre sa cible sans en avoir l’air, en toute décontrac-tion. Les petites vidéos font fureur sur YouTube, Coca-Cola décide de les sponsoriser. Le phénomène prend de l’ampleur et génère de nombreuses pages vues de façon volontaire, et non pas imposée. Il ne s’inscrit pas tout à fait dans la stratégie de communication de la marque, mais celle-ci accepte de déroger à sa ligne de conduite. En parallèle aux actions marketing traditionnelles, ce type d’initiative permet de faire preuve d’empathie vis-à-vis de la cible, de montrer que la marque comprend ses codes et de gagner en proximité.
L’opération a eu un succès certain, qui n’a pas manqué d’inspirer d’autres marques. Ainsi Ray-Ban a, pour sa part, entièrement conçu un petit film destiné à créer du buzz autour d’une marque qui effectue son come-back. Il s’agit du lancer de Ray-Ban, qui reprend le principe du lancer de canettes. Résultat : millions de pages vues sur YouTube. Levi’s a décidé de ne pas laisser passer le phénomène, et a lancé une vidéo illustrant les multiples façons de sauter dans son jean.
Cet opportunisme n’a pas échappé à la bière Carlsberg, qui a choisi de récupérer un film très connu sur Internet, qui compte parmi les records de buzz : l’opération Mentos + Coca. Pour ceux qui ne l’ont pas vu, il s’agit d’u e expérience où deux pseudo-scientifiques jette t des bo bo s Me tos dans une bouteille de Coca Light. Effet immédiat et i atte du, u e réaction chimique provoque un geyser… En créa t u e scè e où u e centaine de bouteilles de Coca sont côte à côte, on imagine le tableau… Coca Light n’a pas récupéré le film plutôt négatif pour son image. Mentos a décidé de surfer sur la vague et produit une nouvelle variété de bonbons au goût Coca Light : Mentos Fresh Cola. Elle accompagne le lancement d’un show sur le parvis de la gare Montparnasse, où les deux concepteurs du film de buzz Mentos/Coca produisent la « Mentos Expérience » dans le cadre de la Fête de la musique, et font jaillir des geysers de mousse d’une bouteille de Coca Light en y jetant quelques Mentos Menthe.
Mais c’est Carlsberg qui crée la surprise et rafle la mise. En conce-vant un petit film qui récupère le phénomène, elle parvient à faire 4 millions de pages vues.
Les marques qui gagneront sur Internet seront celles qui prendront leurs distances avec tout le sérieux exigé par un professionnalisme sans défauts. Il faut ne pas se prendre au sérieux, redevenir joueur, pour amuser et accrocher, distraire et engager le dialogue avec les internautes. Un autre phénomène du Net illustre ce point, le cas Blendtec©. Il y a seulement quelques mois, cette marque de mixeurs (concurrente de Moulinex) était totalement inconnue du public. La marque a l’imagina-tion de créer un site où elle apparaît assez peu, intitulé « Will it blend ? » (va-t-il mixer ?)… On y voit des démonstrations où l’on met un blender au défi de mixer des produits incongrus, supposés résister. Parmi les plus célèbres, le mixage de l’iPod, puis celui de l’iPhone. Évidemment la scène fait preuve d’un certain humour et d’un peu de dérision. L’adresse www.willitblend.com est recommandée par les blogueurs et se met à circuler sur Internet. Les internautes se rendent spontanément sur le site, en apprécient le contenu… et découvrent qu’il est produit par une marque, qui voit depuis sa notoriété et ses intentions d’achat bondir de façon impressionnante.
S’ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS DU MÉDIA : NE BUZZE PAS QUI VEUT !
Le recours à des modes de pensée différents se justifie pour un média qui e fo ctio e pas comme les autres. La culture Internet d’origine est différente. Nourrie aux idées libertaires et à la contre-culture américaine (Steve Jobs choisit la pomme comme logo d’Apple car il est à l’époque végétarien) des années 1970- 980, elle ne s’est pas construite sur une vision capitaliste dédiée au profit, mais a plutôt choisi de mettre l’individu au centre. Un premier constat d’impor-tance pour les marques : elles ne sont pas forcément les bienvenues. Internet est le médium des personnes avant d’être celui des marques. Les grands succès de l’Internet se sont construits sans publicité, par le libre choix des internautes. Qui se souvient d’avoir vu une publicité Google, YouTube, Amazon, Flickr ou Facebook ? Et pourtant, il s’agit bien de marques globales !
Conclusion : ce qui marche sur Internet ne marche pas forcément ailleurs, et vice versa. Il en va de même pour les effets de contagion, le fameux « buzz marketing » sur lequel parient les marques. Malgré tous leurs efforts, les scores des films de buzz marketing pilotés par le marketing restent très inférieurs à ceux spontanément obtenus par les films conçus et diffusés par les internautes. En 2008, la palme du buzz est décernée au petit film The Evolution of Dance, vu par 86 millions d’internautes. Les grands succès du marketing viral se situent bien en dessous : Blendtec© est à 4,5 millions de pages vues, Ray-Ban à 5 millions, quand le film Daft Hands, présentant deux mains en train de mimer une sorte de danse, réalise le joli score de 20 millions de pages vues 1.
En termes de puissance, on serait tenté de comparer les 86 millions d’internautes de The Evolution of Dance aux 97 millions de téléspec-tateurs regroupés devant la finale du Super Bowl américain en février 2008. Les chiffres sont proches, mais, pour une fois, ils ne parlent pas le même langage. La télévision est, et restera longtemps, le médium de la puissance, mais il implique la passivité. En revanche, voir un film sur I ter et est plus impliquant, car cette action découle d’u e démarche volo tariste. La qualité de l’attention et la facilité d’appropriation d’un message ne sont donc pas les mêmes, et l’effi-cacité d’un message non plus. Une première leçon à retenir pour les marques : on ne peut pas dupliquer les techniques marketing utili-sées sur les autres médias. Le marketing dispose d’un nouveau ter-rain de jeu, il faut s’y adapter et inventer de nouvelles pratiques. Joli défi, qui va exiger une bonne dose d’audace. « Apprendre à oser », enseigne-t-on sur les bancs des bonnes écoles de commerce…
PARIER SUR LE TÉLÉPHONE MOBILE : L’AVENIR DU MARKETING ?
Le téléphone mobile est en passe de devenir un média à part entière, avec ses caractéristiques propres : c’est un média intime (personne d’autre que son propriétaire n’y a accès), c’est le média de l’immédia-teté (il permet d’accéder à des informations ou des services en direct, d’où que l’on soit). Enfin, c’est un média émotionnel, qui permet de se sentir connecté en permanence à sa tribu. Pourtant, quand on associe les mots de marketing et de téléphone mobile, on assiste immédiatement à une réaction de rejet liée à la mauvaise réputation des SMS non sollicités. Dommage, car le marketing sur mobile va bien au-delà et offre de nouvelles possibilités aux marques, aux dimensions nettement moins intrusives que le SMS.
Le mobile est un média en mutation. On le connaît aujourd’hui en Europe avant tout pour sa fonction téléphone, mais il évolue rapide-ment et génère de nouveaux usages. La banalisation du surf sur Internet à partir d’un téléphone mobile transforme celui-ci en un outil d’un nouveau genre, dont les contours ne sont pas encore tout à fait délimités. Au Japon, il s’est inscrit dans le quotidien des gens, et offre de nouvelles possibilités. On peut ainsi se promener au rayon alimentaire d’un grand magasin de Tokyo et souhaiter en savoir plus sur l’origi e d’un produit. Prenons le cas d’un produit tout ce qu’il y a de plus ba al, un sachet de carottes. Celui-ci contient une puce qui commu ique avec le téléphone mobile de l’intéressé et four it des i formatio s : date et lieu de production, distance entre la production et le lieu de vente, composition précise… Celui qui veut en savoir plus peut télécharger une vidéo, où l’on voit la productrice présenter son produit et ses méthodes agricoles, éventuellement sa non-utilisation de pesticides.
De même, si l’on est client d’une marque comme Vuitton, il suffit de laisser son numéro de téléphone pour recevoir des mini-films d’infor-mation sur la marque et les nouveaux produits.
Qu’on l’utilise pour communiquer ou pour tuer le temps, en surfant sur Internet dans les transports par exemple, ou encore pour accéder à des informations ou des services nouveaux, le téléphone mobile offre l’espace d’une nouvelle forme de publicité. Il pourra s’agir de vidéos sponsorisées, petits films de 10 à 15 secondes produits par une marque, avec son logo incrusté en permanence, ou encore de logos apparaissant sur des écrans de veille. L’exemple japonais le montre, ce mode de communication va se développer avec la vulga-risation du format de télévision sur mobile. Mais c’est dans le domaine du géomarketing et des services que la publicité sur mobile semble avoir le plus d’avenir, grâce à la géolocalisation. La mise en relation entre des personnes qui passent à proximité les unes des autres (mon Bluetooth se met à vibrer quand je passe à 500 mètres de quelqu’un qui est dans ma liste d’amis) donne une idée du poten-tiel de ce type d’outil. Le téléphone mobile ouvre le champ à une nouvelle publicité locale, adaptée au point où l’on se trouve et inter-active : selon le lieu où vous êtes et les besoins que cela génère, vous avez accès à des informations ou des services. C’est ainsi qu’en allant sur un site comme Mappy, on peut voir s’afficher les restau-rants McDonald’s situés à proximité du lieu où l’on se trouve, que l’on pourra commander une pizza dans une pizzeria à proximité, ou que, passant devant une affiche de publicité intéressante, on pourra accéder immédiatement à des informations complémentaires sur son mobile. Un pote tiel très adapté à la mobilité des nouveaux modes de vie où le temps passé hors domicile ne cesse de s’accroître.
La publicité sur mobile va écessairement se développer en expérime ta t, en i ve ta t de ouveaux formats, loin du marketing traditio el. Elle devra s’i scrire harmonieusement dans les nouveaux usages du téléphone mobile. Il faudra aussi qu’elle démontre sa pertinence si elle veut être acceptée au-delà de la dimension intru-sive qu’elle peut revêtir. Il lui faudra pour cela aider les gens en créant de vrais services. Par exemple, associer la température qu’il fait dehors avec le logo d’une marque qui sponsorise ce service ; ou la météo avec un logo, comme le fait déjà Amazon aux États-Unis. Et, éventuellement, obtenir le consentement des personnes par des systèmes d’« opt in », afin d’être sûr d’éviter toute violation de la sphère privée. Le succès des applications que les marques conçoi-vent pour l’iPhone est révélateur de ces tendances. Quand Télé Poche propose un jeu ou la possibilité d’accéder aux programmes du soir à partir d’un téléphone mobile, il s’agit d’un réel service.
Le téléphone mobile peut devenir un des points clés dans la logique de convergence entre les écrans. Ceux qui parieront sur le digital devront s’intéresser aux trois écrans et intégrer le mobile, sans oublier que la prouesse technique ne doit pas se substituer à l’idée créative. Dans l’opération d’Adidas sponsorisant le marathon de Londres, exemple cité en introduction, la marque invente un système avec une idée créative forte et une dimension stratégique affirmée, le dispositif étant au service de la signature de la marque : « Impossible is Nothing. » L’interaction entre le téléphone mobile de ceux qui appellent, la localisation des coureurs et les affiches publicitaires ne représente pas seulement un beau montage technologique. Il s’agit aussi d’une idée neuve, dont seuls les nouveaux médias pourront faciliter l’éclosion.