Marées noires un décalage entre les atteintes et leur prise en compte dans la gestion en place

Marées noires un décalage entre les atteintes et leur prise en compte dans la gestion en place

Les marées noires sont des pollutions accidentelles. Un dispositif de gestion vise spécifiquement à les prendre en charge, à travers la normalisation du transport maritime pétrolier (OMI) et l’approche réparatrice du régime CLC-FIPOL, permettant une indemnisation des dommages qui se veut rapide et juste. Cette première partie présente les dispositifs en place pour gérer les marées noires en France et en étudie les fondements au regard de la théorie de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991). L’arrivée d’une marée noire suscite des réactions très fortes sur le territoire touché et plus largement, qui portent notamment sur l’impact environnemental : la pollution est qualifiée de « catastrophe écologique » et de nombreuses critiques pointent les lacunes de la gestion. Nous montrons comment les mobilisations qui ont lieu à la suite de la marée noire appellent une prise en compte plus complète des dommages écologiques, au-delà de leurs seules répercussions économiques. Une demande de reconnaissance des dommages écologiques émerge, qui vise la mise en place de dispositions juridiques spécifiques, permettant d’engager les responsabilités civile et pénale du transport maritime pétrolier. Mais le dommage écologique est-il défini ? Comment est-il présenté dans les débats publics ? En 1999, lors de la marée noire consécutive au naufrage de l’Erika, les dommages écologiques sont définis institutionnellement selon deux approches différentes tant sur le plan théorique qu’opérationnel : d’un côté, à travers les conséquences économiques diverses de la dégradation environnementale ; de l’autre, à travers l’idée de dommage écologique pur. Nous montrons que ce cadre de définition et de prise en compte des dégradations environnementales des marées noires est en décalage par rapport aux motifs des mobilisations et aux attentes de reconnaissance. Ce premier chapitre ouvrira alors sur notre proposition théorique et méthodologique pour saisir les « dommages écologiques ».

Les marées noires, des accidents pris en charge par un dispositif de gestion, national et international

Au regard du transport maritime d’hydrocarbures, les marées noires constituent des risques. Pour les gérer, un catalogue d’accords, règlements et dispositifs internationaux et nationaux11 est en place, concernant par exemple la qualité des navires et les dispositifs de contrôle, ou la coordination des différents opérateurs concernés : industriels importateurs de pétrole, les propriétaires de navires, les assureurs, les armateurs et leurs organes techniques et commerciaux. Cependant, aucun de ces dispositifs ne prend en charge la réparation de préjudices subis par des personnes, physiques ou morales, liés aux dommages à l’environnement. Aucun, non plus, ne prévoit de sanctions en sus des nombreuses règles visant à favoriser la prévention des pollutions accidentelles. – la réduction de l’aléa et de la gravité des impacts si le risque se réalise avec, d’une part, un cadre international de régulation du transport maritime pétrolier sous l’égide de l’OMI (organisation maritime internationale) et, d’autre part, les mesures européennes et nationales de surveillance des côtes et de sauvetage ; ainsi que par l’organisation de la gestion de la pollution (dispositif MARPOL) comprenant par exemple la mobilisation d‘experts et de Sous l’angle juridique, le “fait” de marée noire est un déversement accidentel et en masse d’hydrocarbures en mer. En cas de faute ou d’imprudence, elle constitue une infraction et peut engager des responsabilités civiles et pénales dans le cadre de procédures judiciaires.

Mais dans le cas contraire, le régime d’indemnisation CLC-FIPOL organise la responsabilité civile d’un certain nombre d’acteurs du transport maritime pétrolier et permet de réparer les dommages. Il constitue un pilier majeur de la gestion des marées noires : en limitant les effets externes du transport maritime pétrolier, il permet de le maintenir. Le rapport d’activité 2003 du régime affirme (p 24) : « On conçoit sans peine que les déversements d’hydrocarbures suscitent de très fortes réactions de frustration, de désespoir et de colère à la fois chez les personnes directement touchées et dans le grand public et qu’ils peuvent aussi avoir des ramifications politiques dans les États concernés. C’est la raison pour laquelle il est capital que la communauté internationale, les différents États et les divers secteurs industriels intéressés prennent des mesures appropriées pour empêcher que des déversements d’hydrocarbures ne se produisent. (…) le régime international d’indemnisation devrait non seulement garantir l’indemnisation rapide des personnes ayant subi un dommage de pollution par les hydrocarbures, mais être aussi compatible avec l’objectif général de l’amélioration de la sécurité maritime et de la réduction du nombre de déversements d’hydrocarbures. »

 

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