Manipulations et lectures du signifiant graphique
Composition économique par focalisation graphique
MegAhorro Image 4. Photographie de l’amorce MegAhorro Il s’agit dans ce cas d’un jeu de signifiant à la fois phonique et graphique dans la mesure où la mise en saillance repose sur une lettre capitale. La fonction de la majuscule est double : mettre en saillance le A pour agglutiner la finale de mega et l’initiale identique de ahorro. C’est, en quelque façon, une composition actualisante vouée à créer un signe unique et nouveau.
Au résultat, les deux mots mega et ahorro font sens et, dans ce contexte de commercialisation, ce mot aura plus d’intensité que les deux signifiants mega et ahorro conçus isolément. Nous avons donc deux mécanismes utilisés ici : – La composition actualisante de mega et ahorro pour que ces deux mots fassent système. – La mise en saillance graphique du A commun, qui possède, au vrai, au moins deux fonctions : celle de faire « sentir la présence des deux [a] » en un seul lieu phonétique par le biais de l’accroissement physique du graphisme et celle de focaliser sur le mot qu’il inaugure Ahorro.
C’est une sorte de multitranscription dans le domaine graphique tel que pour l’@ que nous avons abordé au chapitre premier. En effet, la graphie ouvre la voie à cette sorte de « superposition ». De cela découlent l’originalité et le sens transmis (focalisation sur ahorro, l’« économie réalisable ») qui forment conjointement un « effet d’amorce » vis-à-vis du 500 consommateur. Car la majuscule peut en sus accroître la portée du second terme agglutiné : « es un ahorro con una gran A ».
Ce procédé participe donc d’un processus de « désyntagmisation », c’est-à-dire de passage du statut d’expression au statut de mot classifiable paradigmatiquement1175 : Mega ahorro > MegAhorro. Le résultat final montre en quelque sorte à la fois la présence quantitative initiale des deux a rendue ici de manière qualitative et la jonction entre les termes mega et ahorro. Il ne s’agit pas d’un slogan mais d’un mot utilisé comme tel, comme une annonce où le signifiant devient support et acteur d’une « appât commercial » langagier.
De la marque Kelinda et autres bifurcations graphiques
Avec la marque espagnole Kelinda (maillots de bain pour femmes, www.kelinda.com), nous sommes en présence d’une forme générée par deux mécanismes analogiques : la « désyntagmisation » et l’exploitation de la graphie k. Constatons tout d’abord que, pour passer à « l’état poétique du langage », la marque devait pouvoir se distinguer du versant communicationnel dont fait partie l’énoncé ¡ qué linda ! pour donner lieu ensuite à des usages propres correspondant à une entreprise et / ou à une ligne de maillots de bain propres.
Il y a ainsi une espèce de composition de la conjonction et de l’adjectif dans un but créatif, ce qui constitue en quelque façon une « désyntagmisation ». Quant à l’usage du k, il permet en plus de poser un deuxième trait discriminatoire avec l’énoncé communicationnel en orientant davantage la marque vers un public jeune et réceptif à cette graphie souvent usitée dans le cadre de SMS. La forme *quelinda obligeait alors à la sélection du graphème k, car c’était la seule bifurcation possible ici pour une spécification du nom de marque.
Dans notre brève analyse du chapitre deuxième, nous avons constaté que le k constituait des mots référant à l’idée de « force » ou, plus précisément pour certains, de « force expressive ». Mais, en l’occurrence, a priori ce n’est pas tant l’idée de « force expressive » liée au graphème k que l’originalité associée qui était recherchée. La nécessité de faire face à cette contrainte (non systématique) due au statut du nom de marque ; celle supplémentaire de devoir répondre linguistiquement aux besoins de promotion sur des médias non sonores (affiches, journaux) ; sans oublier le peu d’« opportunités motivantes » du son [k], ont contribué à l’usage du k ici.