Manipulation Submicronique Interactive
sous Différents Environnements de Microscopie
Problématique de la micro/nanomanipulation
La nanomanipulation diffère de la micromanipulation par la taille des objets mis en jeu lors de l’opération de manipulation. En effet, pour la micromanipulation, on considère la taille des objets comprise entre un micromètre et une centaine de micromètres alors pour la nanomanipulation, on s’intéresse à des objets dont la taille varie entre le nanomètre et la centaine de nanomètres (la taille d’un atome est de l’ordre de 0.4 nm). Le point de départ de notre recherche concerne la micromanipulation assistée issue des travaux de recherche de différentes thèses. Ce projet intitulé[mü]MAD a montré l’intérêt de la robotique pour des applications de manipulations automatisées ou téléopérées à l’échelle microscopique. La première partie de ce chapitre propose ainsi un rappel succint de ces di érents thèmes de recherche, pointant leurs potentialités éventuelles dans le cadre de la nanomanipulation et montrant l’apport des techniques issues de la robotique. L’accent est ensuite mis sur les di érents systèmes de microscopie. Ce panorama met en avant l’importance que revêt le choix du dispositif de microscopie, en termes d’impact sur les di érentes techniques de manipulation développées. Ainsi les différents avantages et inconvénients de ces systèmes sont développés en considérant notre cadre applicatif. Ensuite, l’accent est mis sur la description d’objets particuliers : les nanotubes de carbone. Ces derniers représentent un champ applicatif émergent de la nanomanipulation. Ils sont décrits pour comprendre en détails leurs spécificités physiques et l’impact de ces dernières dans une opération de manipulation. Du fait de leur géométrie particulière, ils nécessiteront des études particulières dans le second chapitre. La partie suivante décrit en détails les différentes techniques de manipulation observées dans la littérature. Il s’agit du point central de notre travail et cette analyse montre ainsi l’étendue des méthodes (avec ou sans contact), les moyens mis en œuvre (préhenseurs, cantilever, . . .) ainsi que les systèmes de microscopie. Le tryptique, outil de microscopie, diérents objets, et techniques de manipulation, forment le coeur de notre travail. Ainsi notre approche est proposée pour répondre à l’exploration de la nanomanipulation robotisée et répétable. Deux voies complémentaires sont exploitées et décrites pour comprendre le spectre de nos recherche. 5 6 I. Problématique de la micro/nanomanipulation 1 Le projet [mü]MAD La première partie de ce chapitre décrit succintement le dispositif [mü]MAD dédié à la manipulation d’objets microscopiques. Ce système permet d’appréhender la manipulation sous l’angle de la microrobotique. Cette plate-forme, présentée en figure I.1, est composée d’un préhenseur mono-digital, d’un bloc de déplacement, d’un dispositif de mesure et d’une informatique de contrôle. L’ensemble est placé dans un environnement contrôlé garantissant les conditions expérimentales les plus favorables pour mener à bien les opérations de micromanipulation.
Préhenseur mono-digital : sonde AFM
Le préhenseur est l’organe essentiel de la manipulation, quelle que soit l’échelle considérée, et donc a fortiori à l’échelle microscopique. Il conditionne le mode de manipulation et les stratégies associées à mettre en œuvre, ainsi que le dispositif expérimental nécessaire pour mener à bien ces tâches de manipulation. Le préhenseur considéré (figure I.1(c)) est une sonde utilisée par la technologie AFM. Il s’agit d’un parallélépipède rectangle en silicium mono-cristallin, biseauté à son extrémité libre, et d’une longueur de 600 µm. Ces systèmes sont généralement dédiés à l’étude de la topologie des surfaces, l’interaction entre la poutre (cantilever) et la surface se faisant au travers d’une micropointe présente sous la poutre afin d’y concentrer tous les phénomènes d’interaction et d’améliorer la précision de mesure. Dépourvues de cette pointe (Tipless cantilever), les micropoutres présentent plusieurs avantages répondant point par point aux attentes : – elles sont de taille submillimétrique, – les matériaux utilisés, ainsi que les procédés de fabrication, garantissent un état de surface adéquate et une bonne énergie de surface, – elles présentent des caractéristiques dynamiques intéressantes pour la dépose grâce à leur configuration encastrée/libre, – elles sont équipées d’un dispositif de mesure permettant, au prix d’un travail de modélisation, de remonter à une mesure d’effort.
Le projet [mü]MAD
Bloc de déplacement
Compte tenu des stratégies de saisie et de dépose mises en place, les actionneurs doivent garantir une large gamme de déplacements, allant du centimètre au nanomètre, ainsi qu’une large gamme de dynamiques. La solution choisie est de monter en série des actionneurs de natures différentes et possédant des propriétés complémentaires couvrant les exigences souhaitées. Il s’agit de : – trois microtranslateurs, – un nanotranslateur, – une céramique piézoélectrique. Les microtranslateurs permettent de larges déplacements pour l’échelle considérée dans tout l’espace de travail. Il s’agit de vérins motorisés dotés d’une course de 2,5 cm pour une résolution de 50 nm et disposés en série de manière à permettre un déplacement cartésien. Le nanotranslateur est placé en série avec l’axe de translation vertical du microtranslateur. Il s’agit d’une platine de translation piézoélectrique qui permet un positionnement vertical avec une très bonne résolution de 1,83 nm, sur une course en revanche peu importante de 12 µm. Afin de produire des excitations sinusoïdales ou impulsionnelles, nécessaires à la dépose dynamique ou aux études fréquentielles du système, une céramique piézoélectrique est disposée à la base du préhenseur. Elle est capable de générer en bout de poutre des accélérations de l’ordre de 106 m · s−2 sur une course d’environ 100 nm. L’effecteur peut ainsi évoluer dans un espace de travail étendu, avec une bonne précision locale et une grande dynamique. La configuration cinématique a en outre été choisie de manière à pouvoir commander le système de manière totalement découplée en alignant les axes de translation xm, ym, zm, zn et ze avec les axes du repère lié au préhenseur, Rp, comme l’indique la figure I.2. Fig. I.2 – Configuration cinématique du dispositif [mü]MAD 8 I. Problématique de la micro/nanomanipulation
Résultats expérimentaux
Quelques résultats sont ici illustrés autour de la manipulation d’objets microscopiques (la taille caractéristique des objets est de l’ordre de 20 à 50 µm). Il s’agissait d’exploiter les commandes référencées vision et effort pour réussir à manipuler des objets avec une résolution fine dans la dépose finale. Sur ces différentes photos sont illustrés différents types de manipulation : saisie, dépose et roulement. Fig. I.3 – Saisie statique d’une microsphère [1] Fig. I.4 – Dépose sélective de microsphères [1] Fig. I.5 – Expérience de roulement [2] Ces expériences mettent en jeu des micro-objets dont la taille permet l’utilisation de commandes référencées vision sous microscope optique, dès lors que cette taille diminue, l’utilisation de ces outils devient compromise. Il est alors nécessaire d’étudier d’autres techniques de microscopie existentes (microscopie électronique, à champ proche, . . .) afin de pallier à ces inconvénients. 2. Différentes techniques de microscopie 9 2 Différentes techniques de microscopie 2.1 Microscope Electronique en Transmission La microscopie électronique en transmission (dont l’acronyme est MET ou TEM en anglais) est une technique de microscopie basée sur le principe de diffraction des électrons. Celle-ci peut atteindre un grossissement de ×5000000. Le principe du microscope électronique en transmission a été mis au point en 1931 par Max Knoll et Ernst Ruska [3], ce dernier a d’ailleurs reçu le prix Nobel de physique en 1986 [4] pour cette invention. Il existe une certaine analogie entre le microscope électronique en transmission et le microscope optique à lumière directe. C’est le rayonnement utilisé qui diffère principalement dans les deux cas. Le microscope optique utilise comme rayonnement des photons (lumière extérieure). Un système de lentilles optiques permet de dévier ou de focaliser le rayon lumineux qui traverse un échantillon « relativement fin ». L’image obtenue se forme directement sur la rétine de l’observateur. Le microscope électronique en transmission utilise, lui, comme rayonnement des électrons. Un système de lentilles magnétiques permet de dévier ou de focaliser le faisceau d’électrons sur un échantillon « extrêmement fin ». L’image (ou le cliché de diffraction) obtenue peut être vue sur un écran fluorescent, enregistrée sur un film photographique ou bien détectée par un capteur CCD. Par analogie au microscope « électronique »(qui utilise des électrons), le microscope « optique » est souvent appelé « photonique » car il utilise des photons comme source de rayonnement. Le microscope électronique en transmission possède deux principaux modes de fonctionnement selon que l’on obtient une image ou un cliché de diffraction : – mode image : le faisceau d’électrons traverse l’échantillon. Suivant l’épaisseur, la densité ou la nature chimique de celui-ci, les électrons sont plus ou moins absorbés. En plaçant le détecteur dans le plan image, on peut, par transparence, observer une image de la zone irradiée. C’est ce principe qui est utilisé, en autre, en biologie, pour observer des cellules ou des coupes minces d’organes. – mode diffraction : ce mode utilise le comportement ondulatoire des électrons (ondes de de Broglie), comportement modélisé par la physique quantique. Lorsqu’ils rencontrent de la matière organisée (des cristaux), ces électrons vont donc être diffractés, c’est à dire déviés dans certaines directions dépendant de l’organisation des atomes. Le faisceau est diffracté en plusieurs petits faisceaux, et ceux-ci se recombinent pour former l’image, grâce à des lentilles magnétiques (électro-aimants qui dévient les électrons). La limite de résolution dépend ainsi de la longueur d’onde de de Broglie des électrons, donc de leur tension d’accélération. Celle-ci serait donc de l’ordre de grandeur du picomètre dans un cas idéal. Mais en raison des fortes aberrations, elle n’est en réalité que de quelques ångströms. De même, une erreur courante consiste à appeler ce microscope « microscope électronique à transmission »(par analogie avec le « microscope électronique à balayage »). Cette erreur est fréquente. Il s’agit bien d’un microscope en transmission (on observe l’échantillon en transparence, en transmission).
Microscope Électronique à Balayage
La Microscopie Électronique à Balayage (dont l’acronyme est MEB ou SEM en anglais) est une technique de microscopie électronique basée sur le principe des interactions électrons-matière, capable 10 I. Problématique de la micro/nanomanipulation de produire des images en haute résolution de la surface d’un échantillon. Basé sur les travaux de Max Knoll et Manfred von Ardenne dans les années 1930, le principe du MEB consiste en un faisceau d’électrons balayant la surface de l’échantillon à analyser. Cette dernière, en réponse au balayage, réémet certaines particules. Ces particules sont analysées par différents détecteurs qui permettent de reconstruire une image en trois dimensions de la surface. Le premier vrai microscope à balayage fut réalisé en 1942 par Zworykin [5]. L’explication plus en détails de ce microscope peut être trouvée dans des livres spécialisés. Aujourd’hui, la microscopie électronique à balayage est utilisée dans des domaines allant de la biologie aux sciences des matériaux et un grand nombre de constructeurs proposent des appareils de série équipés de détecteurs d’électrons secondaires et dont la résolution se situe entre 0, 4 nanomètre à 20 nanomètres.
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