Depuis la première production de froid artificiel par Cullen en 1755 [1], l’homme n’a cessé de tenter d’atteindre des basses températures. Si sa première motivation était principalement d’ordre alimentaire, la production de froid a de multiples applications, qui vont du traitement industriel de certains métaux, à la conservation de produits pharmaceutiques, en passant par l’inhibition de certaines réactions chimiques. En physique, l’obtention de très basses températures a permis d’observer de nouveaux effets très intéressants dont la supraconductivité et la superfluidité de l’hélium sont des exemples connus.
La production de basses températures reste néanmoins beaucoup plus un moyen (conservation de produits, obtention de changement de caractéristique des corps) qu’un but. Cette tendance se retrouve en physique atomique où la production d’atomes froids, grâce à la manipulation des atomes neutres par laser [2, 3, 4], permet d’ouvrir ou d’approfondir certains domaines de recherche. Ainsi, en métrologie, l’augmentation des temps d’interaction suite à la diminution de la vitesse atomique permet un gain d’un facteur 100 sur la largeur des résonances servant d’étalon de fréquence [5, 6]. Le domaine de l’optique non-linéaire a lui aussi profité de l’apparition d’atomes froids. Les expériences habituelles utilisaient les non-linéarités au voisinage des transitions atomiques dans des vapeurs, et étaient limitées par l’agitation thermique des gaz. L’utilisation d’atomes froids a permis de gagner six ordres de grandeur sur la susceptibilité optique de ces atomes [7, 8, 9]. Le fait que la longueur d’onde de de Broglie λdB = h/(Mv) devienne de l’ordre d’une fraction de micron a autorisé l’observation d’interférences atomiques à partir d’atomes froids [10, 11, 12]. Les interféromètres atomiques, comme cela a été souligné dès 1985 [13, 14, 15], pourraient constituer des détecteurs performants de champ de gravitation ou de rotation [16]. Les atomes à très basse température sont donc très souvent utilisés en physique atomique, et ont de nombreuses applications.
Cette première expérience, portant sur l’effet Sisyphe magnétique, a eu pour but d’étudier les effets mécaniques d’une onde laser transversale à une dimension, sur un jet d’hélium métastable. Cette expérience consiste à mesurer les variations de la vitesse transverse des atomes du jet atomique, par observation du profil spatial du jet, à une distance d’un mètre de la zone d’interaction .
En fait l’expérience revient à mesurer des angles de déflection que l’on convertit en vitesse transverse, connaissant la vitesse longitudinale des atomes (cette vitesse longitudinale ayant très peu varié lors de l’interaction). Nous avons placé devant la zone d’interaction une fente d’analyse. Elle sert surtout à permettre une bonne résolution de la vitesse transverse lors de la mesure (nous y reviendrons dans la deuxième partie). Cette fente limite à 70 cm/s la largeur totale à mi-hauteur de la distribution initiale de vitesse transverse. Pour pouvoir ensuite mesurer la variation de vitesse transverse, il est impératif d’avoir un jet d’hélium métastable dont la distribution de vitesse longitudinale est aussi étroite que possible.
Ce deuxième type d’expérience a consisté à arrêter ces mêmes atomes d’hélium métastable en vue de les pièger [18]. Pour ralentir les atomes, nous utilisons la force de pression de radiation résonnante qui est une force finie. La décélération maximale que l’on peut appliquer est de 4.5 x 10⁵ m/s² dans le cas de l’hélium métastable [19]. Le faisceau laser ne pouvant être infiniment intense, nous avons effectué les calculs avec une décélération deux fois plus faible. Si l’on considère des atomes ayant une vitesse de 2000 m/s (vitesse typique pour un jet à température ambiante), la distance de ralentissement est de 8.9 m. Pour une vitesse deux fois plus faible (vitesse typique pour un jet refroidi à la température de l’azote liquide), la distance de ralentissement est de 2 m. Il peut être intéressant d’utiliser des techniques cryogéniques afin d’abaisser la température du jet et donc la vitesse typique des atomes, et de diminuer ainsi la distance d’arrêt de ceux-ci.
Nous avons choisi d’utiliser pour le ralentissement une technique « Zeeman » [20, 21]. Nous allons rapidement rappeler le principe de cette technique pour laquelle la fréquence du laser est fixée. Lors de l’interaction avec le laser, l’atome absorbe des photons, et voit sa vitesse changer. Alors, suite à l’effet Doppler, le laser n’est plus en résonance avec la fréquence atomique. Pour compenser la variation d’effet Doppler, il est possible de modifier la fréquence atomique en utilisant un champ magnétique variant dans l’espace. Ce champ magnétique, déplaçant la fréquence atomique par effet Zeeman au cours du ralentissement, fait que les atomes sont toujours en résonance avec le laser. Lorsque le laser est choisi résonnant avec un atome au repos en l’absence de champ magnétique, le champ magnétique doit être maximal au début du ralentissement et décroître ensuite au cours du ralentissement.
Compte tenu de la puissance électrique à fournir pour produire ce champ magnétique et de la distance nécessaire au ralentissement, nous nous sommes limités au ralentissement d’atomes d’hélium métastable sur une distance utile de 70 cm. La vitesse maximale des atomes que nous pouvons ralentir est de 400 m/s. Il est alors important d’avoir le plus grand nombre possible d’atomes à des vitesses inférieures à celle-ci. En revanche, il n’est pas important d’avoir des atomes avec une vitesse longitudinale bien définie, car le ralentissement du jet atomique regroupe dans une même classe de vitesse tous les atomes capturés par le processus [19].
1 Rappels : jet d’hélium métastable. |