MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES DES CANCERS
Pathogénie
La tumeur maligne osseuse primitive est la résultante des effets intriqués de facteurs génétiques et environnementaux auxquels est soumis l’organisme. En effet, la division cellulaire est contrôlée d’une part par des gènes oncogènes qui contrôlent la prolifération, la différenciation et l’apoptose puis d’autre part par des gènes suppresseurs qui assurent la réparation de l’ADN. La transformation maligne met en jeu l’accumulation de plusieurs altérations génétiques telles que des anomalies chromosomiques, l’activation d’oncogènes, la perte de gènes suppresseurs de tumeur ou des anomalies dans l’expression de gènes impliqués dans la réparation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) ou l’instabilité génomique (figure 1). Figure 1 : Cancer : maladie des gènes .L’intervention des facteurs héréditaires est prépondérante comme dans le cas de la maladie exostosante chez des patients porteurs de la mutation EXT1 et qui ont un risque de dégénérescence sarcomateuse. 6 Pour ce qui concerne les facteurs environnementaux, il existe plusieurs éléments dont les effets individuels ou simultanés favorisent l’avènement de la maladie. Il s’agit notamment: des infections : comme l’hélicobacter pylori à l’origine des cancers de l’estomac ; VHB, VHC incriminés dans le cancer primitif du foie, EBV impliqués dans la genèse des lymphomes, HPV incriminé dans le cancer du col de l’utérus, HHV-8 impliqué dans le sarcome de Kaposi et Schistosoma haematobium impliqué dans le cancer de la vessie ; des maladies chroniques comme le diabète; des produits chimiques comme Alcool, tabac, graisse saturée, pesticides, amines aromatiques, benzène, produits nitrosés……. ; des éléments physiques tels les rayons ultra violets et les irradiations ; des traumatismes répétitifs sur un terrain prédisposé. Soumis à tous ces facteurs, les domaines de l’os dans lesquels se fait l’hématopoïèse offrent aux cellules cancéreuses des conditions de croissance favorables. Au niveau de la moelle osseuse, les capillaires sont sinusoïdes, les cellules endothéliales sont disjointes et la membrane basale perd sa cohésion, ce qui explique que les cellules cancéreuses peuvent plus facilement sortir des vaisseaux et s’installer. La faible vitesse d’écoulement du sang dans l’os facilite en outre l’accrochage des cellules à la paroi du vaisseau. Les métastases osseuses correspondent à la localisation et au développement, dans le tissu osseux, de lésions tumorales à partir des cellules cancéreuses ayant migré par voie hématogène ou lymphatique, à partir d’un foyer primitif. La colonisation de la moelle osseuse par des cellules métastatiques est liée au fait que le tissu osseux est un bon « sol » pour la « graine » tumorale. Les tumeurs primitives produisent des facteurs solubles ou 7 des exosomes (VEGF-A, PIGF, ténascine C, ostéonectine, LOX) qui préparent à distance le futur foyer métastatique à l’arrivée les cellules tumorales [3,5]. Les cellules tumorales, présentes dans la circulation sanguine, activent les plaquettes sanguines qui leur permettent d’échapper à la reconnaissance du système immunitaire puis de faciliter l’extravasation des cellules tumorales [5,16]. La dissémination des cellules métastatiques (figure 2) de la circulation sanguine vers la moelle osseuse fait intervenir des molécules chimio attractives, les chémokines qui sont produites par les ostéoblastes et les cellules stromales de la moelle osseuse (CXCL-12, CXCL13, CX3CL-1, CCL 22). Hormis les chémokines, le RANKL est également impliqué dans la colonisation de la moelle osseuse, interagissant avec son récepteur membranaire RANK conduisant à une ostéoclastogénèse et à la résorption osseuse .Les cellules tumorales qui expriment CXCR4 entrent en compétition avec les cellules souches hématopoïétiques pour loger dans les niches endostéales (ostéoblastiques), utilisant des mécanismes moléculaires identiques à celles-ci aux fins d’être protégées contre les effets cytotoxiques des agents anticancéreux : c’est l’ostéomimétisme .
Le syndrome rhumatologique paranéoplasique, comporte des symptômes secondaire à une néoplasie occulte ou déjà reconnue, dont le mécanisme est une atteinte indirecte systémique et qui disparait avec le traitement radical de la néoplasie. Que le cancer soit primitif ou secondaire, plusieurs facteurs moléculaires interviennent dans les processus d’ostéolyses et d’ostéo-condensations. Concernant les mécanismes de l’ostéolyse (figure 3), les cellules tumorales présentes dans la moelle osseuse sécrètent des facteurs solubles qui stimulent l’activité des ostéoclastes [PTH-rP, IL-6, IL-8, IL-11, prostaglandine E2 (PGE2), CTGF, MG-CSF] et inhibent la différenciation des ostéoblastes (DKK-1, Noggin). De plus, LPA libéré lors de l’activation des plaquettes sanguines par les cellules tumorales exerce une action mitogène et induit la sécrétion par ces cellules tumorales de facteurs pro-ostéolytiques (IL-6, IL-8). 9 Par ailleurs, différents facteurs de croissance (IGF, TGF bêta) ainsi que du calcium (Ca2+) libérés dans la matrice osseuse lors de l’ostéolyse stimule la sécrétion du PTH-rP, d’interleukines (IL-8, IL-11) et de PGE2. Il en résulte la formation d’un cercle vicieux où les phénomènes de destruction osseuse et de prolifération tumorale s’entretiennent mutuellement [6]. Figure 3 : Mécanismes moléculaires deslyses osseuses[6] Pour la pathogénie de l’ostéocondensation (figure 4), les cellules tumorales présentes dans la moelle osseuse sécrètent des facteurs solubles qui stimulent l’activité des ostéoblastes [ET-1, VEGF, BMP-6, Wnt, . . .] et inhibent la différenciation et l’activité des ostéoclastes (ET-1). De plus, le PSA libéré par les cellules tumorales clive la PTH-rP et permet la génération d’un fragment protéolytique [PTH-rP (1–23)] qui est mitogène pour les ostéoblastes. Les taux d’OPG sont également élevés dans les ostéoblastes ; l’OPG en se fixant à RANKL bloque l’interaction RANK/RANKL et donc l’ostéoclastogenèse [6]. 10 Figure 4: Mécanismes moléculaires de l’ostéo-condensation
DIAGNOSTIC POSITIF
Circonstances de découverte
La découverte des manifestions rhumatologiques peut être : – fortuite, lors de l’exploration d’un cancer primitif ou d’un examen de routine ; – au cours des manifestations évocatrices comme une altération de l’état général, une douleur osseuse inflammatoire, une tuméfaction osseuse,….. ; – à l’apparition des complications telles les fractures pathologiques, les atteintes neurologiques (compressions médullaires,…..); les infections récidivantes, l’insuffisance médullaire, l’amylose, l’hypercalcémie……
Signes cliniques
Signes fonctionnels : La douleur est à type de broiement, de pesanteur, de brûlure ou de décharge électrique, intensité variable, profonde, permanente, nocturne, insomniante mal soulagée par le repos, d’aggravation progressive, sans facteurs aggravants, rebelle aux traitements usuels, nécessitant le recours aux antalgiques majeurs. Le siège de la douleur peut être osseuse, articulaire, musculaire, tendineuse parfois mal systématisée. Il faut préciser leur caractère axial ou périphérique, rhizomélique ou acromélique, parfois diffus. La raideur initialement matinale s’aggrave pour devenir permanente et occasionne une impotence fonctionnelle. Elle peut siéger au niveau axiale, périphérique rhizomélique ou distale. 12 Les signes généraux sont variables selon l’étiologie, marqués soit par l’avènement d’une asthénie physique et/ou psychique, d’une anorexie non sélective et d’un amaigrissement, soit par leur association. La fièvre si elle apparait est d’origine cancéreuse, infectieuse ou paranéoplasique. Les signes physiques Au niveau de l’appareil locomoteur, l’examen des os cherche des déformations, des tuméfactions et une perte de continuité avec une douleur exquise. L’examen des articulations périphériques retrouvera une boiterie, une tuméfaction ou des déformations. Il faudrait préciser la présence d’un épanchement, d’un kyste poplité ou de synovites. La mensuration de la circonférence des articulations malades et des segments sus et sous-jacents devrait être faite et comparée à celle du côté sain. L’examen du rachis, précisera l’existence d’une gibbosité, d’une cyphose, d’une scoliose ou d’une attitude antalgique associée à une raideur paravertébrale. L’examen musculaire cherchera une amyotrophie, une dystrophie, une anomalie de la contraction ou de la décontraction musculaire et permettra de faire la cotation du déficit musculaire (test de la force musculaire). L’examen de la mobilité explorera les mouvements normaux (passifs, actifs) pour préciser l’existence d’attitudes vicieuses antalgiques, réductibles ou fixées à type de raideur, de flexum ou d’ankylose. Toutefois, il faudra apprécier l’état de la peau en regard : hyperémie, chaleur locale, œdème, adhérences.
INTRODUCTION |