Définition des syndromes myélodysplasiques
Les SMD sont des affections clonales des cellules souches pluripotentes ou myéloïdes. Ils sont caractérisés par une hématopoïèse inefficace responsable de cytopénies sanguines qui contrastent avec une moelle généralement riche. L’apoptose excessive des précurseurs médullaires aboutit à une faible production de cellules matures et donc à des cytopénies périphériques. Des anomalies de l’immunité favorisent vraisemblablement l’éclosion de la maladie dans certaines situations. Les SMD prédominent chez le sujet âgé, avec une médiane d’âge au diagnostic de l’ordre de 70 ans. Leur incidence est de 4 à 5 pour 100 000 personnes et par an .
Sont obligatoires pour le diagnostic (recommandations de grade A) selon le guide de juste prescription de la Haute Autorité de Santé (HAS) des SMD et des SMD/P : hémogramme, myélogramme avec étude morphologique et quantification des dysplasies, coloration de Perls (moelle), examen cytogénétique, classification selon l’OMS 2016.
On distingue les SMD primitifs et secondaires en fonction de l’histoire clinique et de la notion d’exposition à des agents toxiques.
Les SMD primitifs surviennent en l’absence d’antécédent connu ou d’exposition évidente à des agents toxiques. Les anomalies cytogénétiques sont présentes au moment du diagnostic dans moins de 50 % des cas, et la cytopénie peut pendant longtemps ne concerner qu’une ou deux lignées.
Les SMD secondaires (15-20% des cas) sont des complications possibles des chimiothérapies, en particulier les agents alkylants, et/ou d’une exposition au benzène, à d’autres hydrocarbures aromatiques, à des herbicides, des pesticides, ou des radiations ionisantes. Il s’agit le plus souvent de formes avec atteinte de plusieurs lignées. Des anomalies cytogénétiques sont présentes dans plus de 80 % des cas au diagnostic.
Sur le plan moléculaire, une cellule souche (CS) hématopoïétique devient anormale (CS-SMD) par mutation de l’un des gènes de l’épissage de l’ARN ou de la méthylation de l’ADN. On parle de «mutations fondatrices». Cette CS-SMD possède un léger avantage de croissance et de survie, lui permettant progressivement une amplification quantitative avec différenciation : une population myéloïde clonale apparait, qui remplace progressivement la population myéloïde normale. Secondairement, une CS-SMD acquiert au moins une mutation portant sur le ou les gènes suivants : modificateurs de la chromatine, facteurs de transcription, transduction du signal, cohésine, P53. Parfois, il s’agit d’une anomalie chromosomique. Ce sous-clone a un avantage de croissance plus important que celui dérivant de la CS-SMD et devient progressivement majoritaire. Au sein du clone ou du sous-clone, une cellule perd sa capacité de différentiation mais conserve sa capacité de prolifération (par mutation) : un excès progressif de blastes apparait. Une blastose médullaire supérieure à 20 % définit la leucémie aigüe myéloïde.
Classification des SMD
La classification historique franco-américano-britannique (FAB) en 1976 puis 1982 a subdivisé les SMD en cinq catégories distinctes, en se basant sur des critères morphologiques .
En 2001, l’OMS a proposé une nouvelle classification des pathologies hématologiques , révisée en 2008 puis 2016 .
Le développement de nouveaux traitements incite à élaborer des classifications de plus en plus performantes. Celles-ci doivent permettre d’identifier des groupes de patients homogènes dans leur évolution clinique, non seulement en termes de survie ou de transformation en leucémie aiguë myéloïde, mais aussi en termes de réponse aux traitements et de qualité de vie.
Cela a conduit l’OMS à affiner les critères de la précédente classification, en intégrant aux données classiques de la morphologie microscopique des données de cytogénétique et de biologie moléculaire. Cette classification OMS 2016, détaillée dans le tableau ci-dessous, met en avant 3 critères majeurs : Le nombre de lignées dysplasiques (1,2 ou 3), Le pourcentage de sidéroblastes en couronne : significatif si supérieur ou égal à 15% (ou supérieur ou égal à 5% si mutation SF3B1 présente), Le pourcentage de blastes médullaires. Cette classification permet de différencier des groupes de patients en fonction de leur survie globale et survie sans LAM. La leucémie myélo-monocytaire chronique (LMMC), précédemment classée parmi les SMD, appartiennent désormais au groupe des syndromes frontières myélodysplasiques / myéloprolifératifs (SMD/P).
On distingue 3 types : Type 0 : < 2% de blastes dans le sang et < 5% de blastes dans la moelle osseuse, Type 1 : entre 2 et 5% de blastes dans le sang et entre 5 et 10% de blastes dans la moelle osseuse, Type 2: entre 5 et 19% de blastes dans le sang et entre 10 et 19% de blastes dans la moelle osseuse.
Sont également présents dans ce groupe : La leucémie myéloïde chronique atypique BCR-ABL1 négative, La leucémie myélo-monocytaire chronique juvénile, Le syndrome myélodysplasique/myéloprolifératif avec sidéroblastes en couronne et thrombocytose (SMD/P-RS-T), Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs inclassables.
Scores pronostiques des SMD
L’évolution du SMD se fait vers une aggravation progressive des cytopénies et dans 30 à 40 % des cas vers une LAM.
Un score pronostique international (IPSS, International Prognostic Scoring System) proposé en 1997 a été établi en fonction de l’hémogramme, du taux de blastes et des anomalies cytogénétiques . Les SMD sont classés en fonction de leur gravité en bas risque (groupes dits de faible risque et intermédiaire-1) et SMD de haut risque (groupes dits intermédiaire-2 et de haut risque) : Ce score a été révisé en 2012 (score IPSS-R) , attribuant un rôle plus important à la profondeur des cytopénies et aux anomalies cytogénétiques. A noter qu’environ ¼ des patients d’IPSS faible ou intermédiaire-1 se classent avec le score IPSS-R avec un risque plus élevé.
Principes thérapeutiques des SMD
Les options thérapeutiques dépendent de facteurs : cliniques (âge, état général, co-morbidités), hématologiques (cytologie sanguine et médullaire), cytogénétiques.
Les scores pronostiques détaillés précédemment permettent de séparer 2 groupes de patients : Patients de faible risque : l’objectif thérapeutique est l’amélioration de la qualité de vie, en corrigeant les cytopénies et en évitant les infections :
Erythropoïétine (EPO) recombinante (dont l’efficacité est limitée dans le temps), Transfusions de culots globulaires et plaquettes (avec si besoin traitement chélateur du fer), Lénalidomide dans les syndromes avec délétion 5q isolée, Facteurs de croissance granulocytaires (G-CSF, Granulocyte Colony-Stimulating Factor), Analogues de la thrombopoïétine, Sérum anti-lymphocytaire et ciclosporine chez les sujets jeunes.
Patients de haut risque : l’objectif thérapeutique est de retarder l’évolution de la maladie, par des traitements plus agressifs : Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, Chimiothérapie. La greffe allogénique est actuellement le seul traitement curatif, réservé aux patients de haut risque, de moins de 65-70 ans, ayant un donneur géno, phéno voire haplo-identique.
Dans les formes à haut risque quand l’allogreffe n’est pas possible, la chimiothérapie intensive seule (aracytine), efficace seulement en l’absence de caryotype défavorable, peut être proposée aux sujets relativement jeunes tandis qu’un agent hypométhylant, l’azacitidine, actif quel que soit le caryotype et pouvant être administré à des patients plus âgés, prolonge la survie. Les critères de rémission complète sont les suivants :
Hémogramme : hémoglobine > 11 g/dL, PNN >= 1 G/L, plaquettes >= 100 G/L, sans blastose sanguine. Myélogramme : blastes et myéloblastes inférieurs à 5% (de toutes les cellules si moins de 50% d’érythroblastes, ou inférieurs à 5% des cellules non érythroïdes si plus de 50% d’érythroblastes), maturation normale de toutes les lignées sans signe de dysplasie.
Il existe également des critères de rémission partielle, de stabilité et de progression, ainsi que des critères de réponse érythrocytaire/plaquettaire/granulocytaire, de réponse cytogénétique et d’amélioration de la qualité de vie.
Hypothèses physiopathologiques de l’association entre SMD et MAI
Peu de travaux ayant exploré cette association, les données physiopathologiques restent incomplètes. De nombreux mécanismes semblent intriqués, notamment par la sécrétion inappropriée de cytokines inflammatoires. La dérégulation immunitaire locale au niveau médullaire entraînerait des MAI par passage systémique.
Il a été démontré une libération excessive de cytokines pro-inflammatoires au cours des SMD dans le micro-environnement médullaire, avec une augmentation de la production d’interleukine-6 (IL-6) et de TNF-alpha (Tumor Necrosis Factor-alpha) à partir des fibroblastes et des macrophages . L’expression de néo-antigènes, notamment WT1 (Wilms Tumor 1), par les cellules tumorales va stimuler la prolifération et l’activation de cellules T CD8+ cytotoxiques, qui sécrètent également du TNF-alpha ou de l’interferon-gamma.
Le TNF-alpha et l’interferon-gamma augmentent l’expression du récepteur de mort Fas à la surface des cellules immatures CD34+ des patients SMD et induisent par ce mécanisme leur destruction immunologique par apoptose. In vitro, les anti-TNF-alpha et les IMid (thalidomide, lénalidomide) inhibent cette apoptose; in vitro, l’efficacité est variable .
Le TGF-beta (Transforming Growth Factor Beta) élimine les précurseurs hématopoïétiques par des mécanismes autocrines, stimulant la libération des cytokines telles que l’IL-6, l’IL-32, l’interferon-gamma et le TNF-alpha dans les cellules stromales de la moelle osseuse .
Il a été mis en évidence chez les patients ayant un SMD avec MAI un taux plus élevé d’interferon-regulatory-factor-1 (IRF-1) qui est un médiateur de la voie de signalisation de l’interferon de type 1. Les lymphocytes T régulateurs sont également impliqués , avec un rôle différent en fonction du niveau de risque du SMD :
Dans les SMD de bas risque, les lymphocytes T régulateurs sont défectueux et incapables d’inhiber la réponse auto-immune dirigée contre les cellules clonales. Un déséquilibre entre cellules TH17 et cellules T régulatrices a été décrit dans les SMD de bas risque et participe à l’activation de la réponse inflammatoire via une augmentation de la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-7, l’IL-12 et l’IFN-gamma. Les cellules TH17, connues pour promouvoir une réponse inflammatoire dans certaines maladies auto-immunes, pourraient expliquer l’émergence de certaines manifestations inflammatoires dans les SMD .
Dans les SMD de haut risque, l’augmentation du nombre de lymphocytes T régulateurs fonctionnels va inhiber la réaction auto-immune contre les cellules clonales, favorisant la progression du SMD en LAM . Les lymphocytes T gamma-delta sont impliqués dans les réponses immunitaires anti-tuberculeuse et anti-tumorale, ils régulent également la réponse T cytotoxique. Leur nombre et leur fonction sont diminués chez les patients porteur d’un SMD, de manière plus importante quand celui-ci est associée à une MAI . Au cours des LMMC, la prolifération monocytaire est responsable d’une augmentation de sécrétion de TNF-alpha et d’IL-6, à l’origine d’une prolifération polyclonale des lymphocytes B, de la sécrétion d’auto-anticorps et d’une présentation antigénique anormale par les macrophages entraînant une réponse immunitaire anormale.
Table des matières
I. Introduction
a. Définition des syndromes myélodysplasiques
b. Classification des SMD
c. Scores pronostiques des SMD
d. Principes thérapeutiques des SMD
e. Hypothèses physiopathologiques de l’association entre SMD et MAI
f. Manifestations auto-immunes fréquemment associées aux SMD
g. Objectifs de l’étude
II. Matériel et Méthodes
a. Sélection et caractéristiques des patients
b. Sélection des contrôles
c. Analyse statistique
III. Résultats
a. Caractéristiques clinico-biologiques
b. Lignes thérapeutiques
c. Facteurs pronostiques de survie
d. Analyses de survie
e. Revue de la littérature
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie