La maltraitance à l’égard des enfants représente un problème de santé publique important, particulièrement en regard des conséquences importantes qu’elle entrai ne sur la santé physique et mentale (Tourigny, Gagné, Joly, & Chartrand, 2006). Les répercussions de la maltraitance se font ressentir dans une multitude de sphères développementales : psychologique, affective, relationnelle, biologique, cognitive et comportementale (Bremner, 2008; Cicchetti, Toth, & Maughan, 2000; Cook et al., 2005; van der Kolk, 2005; van der Kolk & Courtois, 2005). Les enfants maltraités sont plus à risque de développer des troubles de comportements extériorisés à l’âge scolaire, par exemple des crises de colère, ou encore des troubles de comportements intemalisés, comme des affects dépressifs (Cicchetti & Rogosch, 2001), d’adopter des comportements délinquants (Herrenkohl, Egolf, & Herrenkohl, 1997; Manly, Cicchetti, & Bamett, 1994; Manly, Kim, Rogosch, & Cicchetti 2001; Widom, 1989), d’avoir une faible estime de soi (Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor, 1993; Wekerle & Wolfe, 2003) et de présenter des symptômes de dissociation (Macfie, Cicchetti, & Toth, 2001; Putnam, 1993; Trickett, NolI, Reiffman, & Putnam, 2001).
Les conséquences des mauvais traitements subis dans l’enfance peuvent perdurer à l’adolescence et même jusqu’ à l’âge adulte. Ces enfants maintenant devenus adultes ont lus de risque d’éprouver des problèmes de santé mentale, dont l’état de stress posttraumatique ou le trouble de personnalité limite, de développer des relations conflictuelles ou d’ effectuer une transmission intergénérationnelle de la maltraitance (Bailey, Moran, & Pederson, 2007; Egeland, Bosquet, & Chung, 2002; Éthier & Milot, 2009; Widom, 1999).
Il est toutefois à noter que les conséquences qui risquent d’être plus importantes le sont en fonction de différents facteurs. En effet, certaines études notent le bas âge de l’enfant au moment des mauvais traitements (Éthier & Milot, 2009; Kaplow & Widom, 2007; Manly et aL, 2001; Stevens, Ruggiero, Kilpatrick, Resnick, & Saunders, 2005; Stewart, Livingston, & Dennison, 2008) ou encore la plus grande exposition aux comportements maltraitants en terme de fréquence ainsi que de durée (English et aL, 2005; Éthier, Lemelin, & Lacharité, 2004; Éthier & Milot, 2009; Stevens et aL, 2005). Par ailleurs, les enfants maltraités subissent souvent plus d’un type de maltraitance, ce qui complexifie la compréhension des conséquences reliées à chacune des formes et la façon d’intervenir auprès de ces familles (Cicchetti & Valentino, 2006).
La maltraitance engendre donc une multitude de répercussions. La prochaine section abordera la qualité de la relation mère-enfant dans un contexte de maltraitance. Cela permettra de cerner les difficultés au sein des interactions et des soins parentaux ainsi que de définir une tâche d’ évaluation fréquemment utilisée dans les recherches qui portent sur les relations parents-enfants et la maltraitance – la tâche de récits narratifs.
La plupart du temps, les mauvais traitements sont vécus dans la sphère familiale et se déroulent sur de longues périodes, ce qui se traduit par des dysfonctionnements importants dans les relations d’attachement et peut entrainer un traumatisme relationnel (Bamett, Ganiban, & Cicchetti, 1999; Cicchetti, Rogosch, & Toth, 2006; Cook et al., 2005 ; De Bellis, 2005; Lyons-Ruth, Connell, Grunebaum, & Botein, 1990; Schore, 2001). D’une façon globale, il est observé que les mères qui vivent en contexte de maltraitance ont une plus faible connaissance des soins qui sont nécessaires de procurer à leur enfant (Erickson & Egeland, 2002). Elles sont moins sensibles aux besoins de leur enfant, leur offrent moins de soutien affectif, ignorent davantage leurs manifestations affectives et éprouvent de la~ difficulté à percevoir leurs émotions (Crittenden, 1981; Edwards et al., 2005; Hildyard & Wolfe, 2007). Lorsque leurs enfants expriment des émotions négatives, elles ne sont pas en mesure de leur apporter le soutien qui serait nécessaire à leur régulation émotionnelle; ce qui, par conséquent, entraine une diminution de la compréhension de l’ enfant à l’ endroit de ses propres émotions (Dollberg, Feldman, & Keren, 2010; Edwards et al., 2005; Shipman, Scheinder, & Sims, 2005). De plus, il semble que les parents qui vivent en situation de maltraitance utilisent des techniques éducatives moins flexibles et davantage orientées vers les punitions en comparaison des mères non-maltraitantes (Wilson, Rack, Shi, & Norris, 2008).
Plusieurs études ont démontré que la maltraitance parentale a un impact négatif sur la structuration des liens d’ attachement chez l’ enfant. En ce sens, les enfants victimes de maltraitance présentent des patrons d’attachement « insécure » en proportion beaucoup plus élevée que les enfants non-maltraités (Cicchetti et al., 2006; Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg, & van IJzendoorn, 2010; Lyons-Ruth, Connell, Zoll, & Stahl, 1987; van lJzendoorn, Schuengel, & Bakermans-Kranenburg, 1999). Plus précisément, les enfants d’ âge préscolaire obtiennent des scores moins élevés en ce qui a trait à la sécurité d’attachement et des scores plus élevés d’ attachement de type désorganisé (Stronach et al., 20 Il). Des résultats de recherche se retrouvent également et de façon similaire chez les enfants d’âge scolaire (communications personnelles: Bélanger, Lorent, Milot, & St-Laurent, 2013; Bélanger, St-Laurent, Milot, & Lorent, 2013).
La recherche s’ est donc appuyée sur une diversité de contexte d’ observation pour identifier les difficultés dans la relation parent-enfant, incluant, à titre d’ exemple, la Situation Étrange (Ainsworth & Bell, 1970), une tâche de planification d’épicerie (Gauvain & Rogoff, 1989) ou des tâches de jeu libre à la maison ou en laboratoire. Différentes grilles standardisées permettent d’ encoder ces contextes d’observation afin d’ évaluer la .qualité de la relation mère-enfant. Ces grilles incluent, entre autres, le Tride-cartes de sensibilité (Pederson & Moran; 1995) ou le FR system (Hesse & Main, 2006), une grille d’observation des interactions mère-enfant permettant d’ identifier les manifestations de peur chez le parent et l’adoption par ce dernier de comportements qui font peur à son enfant. Diverses classifications préétablies permettent alors de catégoriser les comportements observés en posant un jugement normatif; négligence, maltraitance, type d’ attachement, etc. (Lacharité, 2009).
Introduction |