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Historique
La première allusion à la malnutrition retrouvée dans les écrits remonterait aux temps bibliques (Deutéronome 8 :4 ; Lamentations 5 :10). Alors que l’une des premières descriptions est faite en 1865 par deux médecins, l’un mexicain l’autre français : les docteurs Inojosa et Coindet. Ces auteurs avaient constaté dans un village au Mexique la présence fréquente d’œdèmes chez des enfants dénutris à la période de sevrage. Ils avaient aussi remarqué la présence fréquemment associée d’une diarrhée ainsi que le rôle déclenchant de la rougeole et noté que le tableau différait très nettement de celui de la Pellagre déjà bien connu à cette époque. Un autre récit est fait en 1925 par un médecin militaire français, Normet. Il observe dans L’Annam (partie orientale du Vietnam actuel) des œdèmes chez les enfants dénutris ; il appela cette maladie « Bouffissure d’Annam » et publie la première photo connue. Mais une description plus complète est faite en 1929 par Lieurade, un médecin de brousse au Cameroun qui écrit : « Je fus frappé de rencontrer presque constamment des enfants dont l’aspect très particulier m’était jusqu’alors inconnu et affectés de ce que je prenais d’abord pour des anomalies congénitales de pigmentation. L’enfant est ¨rouge et blond¨. Il a deux à cinq ans, il est souffreteux et hébété ; en raison des œdèmes des joues et des paupières, sa tête parait plus volumineuse ; l’abdomen distendu par une ascite contraste lui aussi avec des membres graciles ; la peau est amincie, vernissée, craquelée ou saignotante, la diarrhée fréquente, etc. » [15] En 1933 Cicely WILLIAMS écrivit dans ¨Archives of Diseases in Childhood¨ un article intitulé ¨A nutritional Disease Of Childhood Associated with A Maize Diet¨, cette première publication est très complète et insiste sur les lésions cutanées observées. Deux ans plus tard il publie un second article dans le Lancet et donne à ce tableau clinique le nom de « Kwashiorkor », signifiant en langue Ashanti (Ghana) : enfant (kwash) rouge (orkor). Malgré ces descriptions de plus en plus précises de la malnutrition au fil des ans, l’incertitude demeurait sur les carences à l’origine de cette pathologie. Dès ses premières observations, Cicely WILLIAMS avait constaté que les enfants souffrant de kwashiorkor consommaient habituellement une alimentation à base de maïs dépourvue de protéines animales. Elle suggéra que cette affection pouvait être liée à un manque d’apport protéique, sans véritablement étayer cette hypothèse. Les vingt années ultérieures furent l’occasion d’un débat sur l’origine réelle du kwashiorkor : certains auteurs, le plus souvent sud-américains, prétendaient que cette maladie résultait de carences vitaminiques multiples (distrofia pluricarential) où prédominait une carence en vitamine PP. [15
Théorie du gap protéique (années protéines) 1950–1975
Le rapport de BROCK et AUTRET en 1952 intitulé ¨le kwashiorkor en AFRIQUE¨ commandé par L’organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) tendait à démontrer d’une part que le kwashiorkor était très répandu en Afrique, surtout si l’on tenait compte de ses formes mineures, et d’autre part que la maladie était essentiellement imputable à un régime pauvre en protéines. Ce rapport concluait donc que les carences en protéines représentaient le problème nutritionnel le plus préoccupant en Afrique. Le terme de malnutrition protéique devint alors un terme général appliqué très largement à tous les états de malnutrition observés dans les pays pauvres. De cette époque date le concept des programmes nutritionnels ayant pour objectif de mettre à disposition des aliments à haute teneur en protéines pour corriger des insuffisances d’apport en protéines, supposées être très répandues. La liste des aliments distribués de nos jours dans de nombreux programmes d’assistance révèle que l’influence de ces idées persiste encore actuellement. [15]
Des carences en protéines aux carences en énergie (Marasme)1970–1980
Les arguments avancés pour étayer l’hypothèse que le kwashiorkor résulte d’une carence protéique n’ont jamais été probants. La fonte des œdèmes chez les enfants nourris au lait écrémé n’a jamais constitué une véritable preuve : comme le remarqua fort spirituellement un spécialiste des années 50, WATERLOW : « on ne peut pas dire qu’un malade soit carencé en aspirine si ses maux de tête disparaissent avec ce médicament ». Le lait apporte bien d’autres choses que des protéines et la régression des œdèmes sous l’effet d’un régime lacté ne prouve pas que leur présence soit due à une carence en protéines. Les années passant, un certain scepticisme s’installa quant au rôle véritable des carences en protéines comme cause de malnutrition infantile dans les pays pauvres. On comprit dès cette époque que les programmes d’aide visant à augmenter les apports alimentaires protéiques avaient un impact faible. Cette conviction devait se renforcer par une étude portant sur plus de deux cents programmes de supplémentation à l’aide d’aliments riches en protéines et montrant que leur effet était en général faible, sinon nul (BEATON, GHASSEMI, 1982). Historiquement, les besoins en protéines de l’enfant ont été estimés initialement à un niveau élevé ; par la suite, les chiffres proposés ont été régulièrement révisés à la baisse [CARPENTER, 1986]. Ces modifications ont eu pour conséquence de réduire au fil des années l’importance des carences en protéines. En 1970, une définition précise du kwashiorkor incluant la présence d’œdèmes comme critère diagnostique indispensable fut adoptée par un groupe d’experts international. Les enquêtes effectuées après l’adoption de cette définition montrèrent que le kwashiorkor était relativement rare mais que le marasme, défini comme un amaigrissement sans œdèmes, était particulièrement fréquent. Dans les années 60, une équipe de chercheurs installés à la Jamaïque étudia de façon systématique les besoins en protéines et en énergie des enfants en convalescence après un épisode de malnutrition grave. Leurs études ont montré que la rapidité de la guérison dépendait davantage des apports en énergie que des apports en protéines : WATERLOW en 1961, ASHWORTH et al. en 1968. Cette observation était peu compatible avec l’origine protéique des cas de dénutrition. Le groupe de la Jamaïque montra que l’on pouvait faire régresser les œdèmes du kwashiorkor en nourrissant les malades avec une alimentation à ce point pauvre en azote qu’elle ne permet pas la synthèse de protéines nouvelles.
En 1968, l’équipe d’Hyderabad travaillant en Inde montra qu’il n’existait pas de différence de régime entre les enfants qui allaient développer ultérieurement un kwashiorkor et ceux évoluant vers une malnutrition de type marasme, mais également qu’une augmentation de la ration alimentaire des enfants vivant dans des villages, permettait d’améliorer leur croissance. Cette modification diététique de nature purement quantitative exerçait donc ses effets sans qu’on touche à la composition du régime selon GOPALAN et al. en 1973. Tous ces éléments amenèrent à abandonner progressivement le terme de malnutrition protéique en faveur de celui de malnutrition protéino-calorique puis de malnutrition protéino-énergétique. En 1974, Mc LAREN publia un article dans le Lancet, intitulé “The great protein fiasco” qui répandit l’idée selon laquelle le problème nutritionnel le plus commun à travers le monde était un déficit d’apports en énergie. L’année suivante, WATERLOW et PAYNE en 1975 reprenaient cette vision des choses en montrant que dans les régions où le régime alimentaire est basé sur la consommation de céréales, il était peu probable de voir s’installer des carences isolées en protéines dès lors que les besoins en énergie étaient correctement couverts.
Kwashiorkor et Aflatoxine
L’aflatoxine est une toxine fongique qui contamine les aliments dans les régions intertropicales. Elle empêcherait la production d’albumine et précipiterait l’apparition d’œdème. Mais ses taux sériques élevés sont trouvés aussi bien dans le marasme que dans le kwashiorkor. Elle n’est donc pas le seul facteur produisant des œdèmes. Et selon l’étude faite au Sénégal en 1988 par Pr Guélaye SALL et coll., les enfants souffrant de Kwashiorkor ne véhiculent pas d’aflatoxine dans leur sérum.
Théorie des radicaux libres
Les œdèmes apparaissent souvent pendant et / ou juste après une infection. Les toxines et les mécanismes de lutte contre ces toxines augmentent le flux de radicaux libres, qui abîment les cellules (particulièrement les cellules à membranes lipidiques). En temps normal, les cellules ont des mécanismes de défenses (mécanisme antioxydant), mais ceux-ci sont dépendants des apports en acides aminés, et en micronutriments (zinc, cuivre, magnésium, sélénium, thiamine, riboflavine, et vitamine C et E). La réduction de ce système de production par la réduction de l’apport de ces nutriments provoquerait l’altération des membranes cellulaires, ce qui entraînerait un dysfonctionnement de l’homéostasie dans le système vasculaire, le foie, la peau etc… Les données supportant cette hypothèse, montrent des déficiences dans la plupart des mécanismes antioxydants, une augmentation du flux de radicaux libres, une augmentation du fer hépatique et de la transferrine sanguine ce qui implique une augmentation du fer libre, et donc aggrave les dommages causés par les radicaux libres. Cette nouvelle théorie fait le lien entre les différentes théories précitées.
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Définitions des concepts
2. Historique
3. Epidémiologie
3.1. Epidémiologie descriptive
3.2. Epidémiologie analytique
4. Physiopathologie
4.1. Le kwashiorkor
4.2. Le marasme
5. Evaluation de l’état nutritionnel
5.1. Anthropométrie
5.2. Evaluation biologique de la malnutrition
6. Classification de la malnutrition
6.1. Classification selon le Périmètre Brachial (PB)
6.2. Classification selon l’indice de Kanawati et Mc Laren
6.3. Classification de l’OMS
7. Signes
7.1. Type de description Kwashiorkor Floride non compliqué du nourrisson de 18 mois à 24 mois au décours du sevrage
7.2. Formes cliniques
8. Traitement
8.1. Traitement curatif
8.2. Traitement préventif
DEUXIEME PARTIE NOTRE ETUDE
1 CADRE D’ETUDE
8.3. Sur le plan des infrastructures
8.4. Sur le plan des ressources humaines
8.5. Organigramme du personnel
9. MATERIELS ET METHODES
9.1. Type et durée d’étude
9.2. Population d’étude
9.3. Critères d’inclusion
9.4. Critères d’exclusion
9.5. Taille de l’échantillon
9.6. Paramètres étudiés
9.7. Recueil des données
9.8. Saisie et analyse des données
9.9. Aspects éthiques et réglementaires
10. RESULTATS
10.1. Analyse descriptive
10.2. Etude analytique
11. DISCUSSION
11.1. Malnutrition et variables socio-démographiques
11.2. Malnutrition et données maternelles
11.3. Malnutrition et conduite de l’alimentation
11.4. Malnutrition, hygiène et santé
11.5. Malnutrition et vaccination
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES